La guerre en Syrie perdue de vue ?

La guerre en Syrie perdue de vue ?

El Watan, 15 août 2016

Le volet diplomatique relatif à la guerre en Syrie reprend de l’épaisseur, encore que cela soit relatif puisque lié à un seul volet, ou encore à une extension du conflit.

En effet, l’on assiste davantage à des déclarations d’intention qu’à des actions clairement engagées. Sauf que de telles déclarations ne semblaient pas évidentes il y a quelques mois, tant les positions étaient éloignées les unes des autres, et même opposées. Il s’agit de la Turquie opposée au régime syrien, et de la Russie et de l’Iran alliés de Bachar Al Assad. Qu’est-ce qui a pu donc changer et conduire à un minimum de convergence pour pouvoir travailler en commun contre une nouvelle menace ? Il y a d’abord, et même essentiellement, l’intervention militaire de la Russie, changeant fondamentalement la situation sur le terrain. C’est ensuite le sommet russo-turc de mardi dernier et dont on commence à entrevoir l’impact sur ce conflit, puisque quarante-huit heures plus tard, Ankara appelait les Russes à des opérations conjointes contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie.

Une délégation turque représentant l’armée, le renseignement et les Affaires étrangères se trouvait en Russie jeudi pour des discussions, notamment sur la Syrie. «Combattons ensemble le groupe terroriste» Etat islamique, a dit le ministre turc des Affaires étrangères, «de manière à l’éliminer dès que possible» pour qu’il ne s’étende pas «comme une épidémie» en Syrie ni à d’autres pays. Un tel objectif est clair, et il restreint d’ores et déjà leur coopération éventuelle à un seul axe bien qu’important du conflit syrien. La Turquie, membre clé de l’Otan, a été critiquée par ses partenaires pour ne pas s’opposer à Daech jusqu’à ce qu’Ankara mette l’an dernier sa base d’Incirlik (sud) à la disposition de la coalition menée par les Etats-Unis pour les frappes en Syrie.

En ce qui concerne l’idée de coopération avec la Russie, il précise que «nous allons discuter de tous les détails», avec cette autre précision que «nous avons toujours appelé la Russie à des opérations anti-Daech, notre ennemi commun», a dit M. Cavusolgu. Le ministre relance ainsi une proposition émise par Ankara avant la brouille avec Moscou consécutive à la destruction, en novembre 2015, par la chasse turque, d’un avion russe au-dessus de la frontière turco-syrienne, et cela malgré leur opposition au régime syrien, Ankara soutenant que «nous ne pouvons pas laisser de côté notre dialogue avec la Russie juste parce que nous n’avons pas la même opinion d’Al Assad».

Ou encore qu’il ne peut pas y avoir de transition avec Al Assad. Dans le même temps, la Turquie s’est engagée vendredi à coopérer avec l’Iran à une résolution du conflit syrien, malgré les divergences de fond entre les deux pays, en recevant le ministre iranien des Affaires étrangères qui a rappelé quant à lui que «le peuple syrien doit déterminer lui-même son avenir», un message lourd de sens destiné également à l’opposition syrienne et ses soutiens qui réclament tout d’abord le départ du régime syrien.

Qu’en est-il donc au juste, Russes et Iraniens, d’un côté, et Turcs de l’autre maintenant leur position ? «Il y a des questions sur lesquelles nous sommes d’accord, en particulier l’intégrité territoriale» de la Syrie a ainsi souligné le chef de la diplomatie turque. Ou encore, ajoutera-t-il, «sur certaines questions, nous avons des opinions divergentes.» L’urgence de la situation a visiblement aidé sinon imposé au moins des arrangements qui permettraient de mettre fin à Daech. «Le travail contre l’EI est une priorité pour chacun d’entre nous. Si cela est vraiment un pas dans cette direction, nous l’accueillerons favorablement», a indiqué la porte-parole du département d’Etat. Le propos est clair. Qu’en est-il alors de la guerre en Syrie ? Serait-elle perdue de vue ?
Mohammed Larbi