Conférence de Genève II: la solution sera-t-elle vraiment syrienne ?

Conférence de Genève II: la solution sera-t-elle vraiment syrienne ?

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 21 janvier 2014

Sauf obstacle imprévu de dernière minute, la conférence de paix de Genève II sur la Syrie s’ouvrira demain à Montreux. Après des semaines d’atermoiements et de pressions occidentales exercées sur elle, l’opposition syrienne en exil a finalement décidé samedi à Istanbul d’y participer. Non sans réaffirmer qu’elle n’acceptera de cette conférence que la feuille de route stipulant le transfert en sa faveur du pouvoir en Syrie et le départ de Bachar El Assad et de ses proches. Ce dont bien entendu le régime de Damas ne veut pas entendre parler tout en s’étant déclaré prêt à des concessions et des compromis.

En apparence, les deux parties syriennes qui se feront face à Montreux défendront des objectifs qui sont irréconciliables. Sauf qu’étant toutes les deux sous dépendance étrangère, elles seront mal venues de camper sur des positions qui n’agréeront pas à leurs soutiens étrangers respectifs. Ce n’est certainement pas à la table de négociation et entre protagonistes syriens qu’auront lieu les véritables tractations pour une solution politique au conflit syrien. Mais en coulisse avec pour acteurs déterminants les puissances qui ont une influence décisive sur la partie syrienne qu’elles soutiennent.

La Russie, principal allié extérieur du régime syrien, n’a pas été avare en démonstration de son influence sur celui-ci en contraignant les autorités de Damas à se déclarer consentantes à un partage du pouvoir avec l’opposition dans le cadre d’une période de transition. Sans l’étaler ouvertement, les Occidentaux disposent de la même capacité sur l’opposition qu’ils ont contrainte à accepter de participer à la conférence alors qu’elle reste divisée sur le but de cette dernière. D’un côté la Russie et même l’Iran, l’autre allié décisif du régime de Damas, de l’autre l’Amérique et d’autres puissances occidentales, sont tous parvenus à la conclusion que la poursuite du conflit syrien risque de déboucher sur une issue qui n’est pas celle que leurs protégés et eux-mêmes ont voulu faire aboutir en le militarisant totalement puis en s’essayant à la voie de la négociation avec conditions et préalables.

Conclusion qui s’est imposée à eux au constat que le rapport de force sur le terrain en Syrie n’est plus celui sur lequel chaque camp a établi ses prévisions d’avenir pour la Syrie. Une troisième force échappant à leur contrôle est en effet agissante sur ce terrain qui est parvenue à leur faire entrevoir qu’elle est en capacité de faire échec à leurs calculs syriens respectifs. Il s’agit de ces groupes djihadistes qui ont supplanté l’opposition armée initiale au régime de Damas qui bénéficie de la reconnaissance des Occidentaux et combattent sans esprit de compromis le régime auquel ils entendent substituer un Etat islamiste « pur et dur », réfractaire à toute autre obédience.

Cette perspective oblige les alliés extérieurs des deux parties syriennes qui seront à Montreux à s’entendre sur une solution à l’effet d’empêcher qu’elle ne finisse par s’imposer. Mais même s’ils parviennent à s’entendre et à la faire entériner par leurs protégés respectifs, elle ne mettra pas fin pour autant à l’atroce conflit qui dure depuis trois années. La troisième force qui en est protagoniste n’est pas de celles que l’on peut neutraliser par des résolutions et des feuilles de route. D’autant qu’elle dispose d’appuis financiers et en armement intarissables dont les dispensateurs régionaux, l’Arabie Saoudite et le Qatar pour ne citer que ces deux monarchies, sont laissés libres d’agir. C’est pourtant leurs agissements qui sont devenus la pierre d’achoppement à une solution politique du conflit. Faire semblant de ne pas le voir, c’est admettre par avance que Genève II ne soit au final qu’une tragique mascarade.