Lakhdar Brahimi sur le départ

Le médiateur international piégé par Doha

Lakhdar Brahimi sur le départ

El Watan, 2 mai 2013

L’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU et de la Ligue arabe pour la crise syrienne, l’Algérien Lakhdar Brahimi, s’apprêterait à jeter l’éponge, comme l’a fait avant lui Koffi Annan.

Cette information, rapportée hier par l’AFP citant des diplomates à New York, confirme les révélations faites par El Watan à propos de la terrible pression à laquelle fait face le diplomate algérien de la part du Qatar notamment. «M. Brahimi a vraiment envie de démissionner et on s’efforce de le persuader de rester à son poste quelques jours de plus», souffle un diplomate d’un pays membre du Conseil de sécurité sous le couvert de l’anonymat. «Il a dit à tout le monde qu’il voulait partir, il y a peu d’espoir qu’il reste», renchérit un diplomate arabe à l’AFP. Tout porte à croire donc que l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères, âgé de 79 ans, va finir par rendre son tablier à Ban Ki-moon, qui avait placé sa confiance en lui pour dénouer la crise syrienne.

Malgré toute sa bonne volonté et les tirs de barrage qu’il a essuyés, notamment de la part des va-t-en-guerre en Syrie que sont le Qatar et l’Arabie Saoudite, Lakhdar Brahimi a compris qu’il est pratiquement le seul à croire à la solution politique conformément aux accords de Genève. Or, Doha et Riyad, qui arment et financent publiquement les rebelles islamistes en Syrie, veulent forcer la main à la Ligue arabe, voire même au Conseil de sécurité, pour adopter une résolution sinon sur l’usage de la force, du moins l’armement de l’opposition syrienne. Une perspective que les Etats-Unis ne voient pas encore d’un œil bienveillant tant cette opposition syrienne paraît bien plus divisée politiquement et idéologiquement, contrairement à ce que veulent faire croire les Qataris et les Saoudiens. Lakhdar Brahimi, qui a été nommé le 17 août 2012 pour succéder à Kofi Annan, lui-même démissionnaire, se serait ainsi rendu compte que le rapport de force au sein de la Ligue arabe et du Conseil de sécurité a peut-être changé en faveur du «front de la guerre» en Syrie.

Le coup tordu du Qatar

Lui-même n’a jamais caché que sa mission était dans l’impasse. «Il veut démissionner parce qu’il a l’impression que la Ligue arabe a pris un autre chemin que celui de l’ONU», a expliqué le diplomate du Conseil de sécurité. A l’occasion de sa dernière audition devant le Conseil, le 19 avril, le diplomate algérien n’a pas caché ses sentiments : «Chaque matin en me réveillant je pense que je devrais démissionner, mais je ne l’ai pas fait pour l’instant. Un jour peut-être je démissionnerai», avait-il déclaré aux journalistes. Mal vu au sein de la Ligue arabe «rachetée» par le Qatar avec le soutien de l’Arabie Saoudite qui a décidé unilatéralement d’offrir à l’opposition syrienne le siège de l’Etat syrien, M. Brahimi vient d’être déclaré persona non grata par le régime Al Assad.

Damas a en effet annoncé, la semaine dernière, qu’il allait cesser de coopérer avec M. Brahimi en sa qualité d’émissaire de la Ligue arabe au motif que celle-ci ait décidé, fin mars, de donner le siège de la Syrie à l’opposition. Pour le médiateur international, cette décision de la Ligue dictée par Doha constitue le coup de grâce à une éventuelle solution politique au conflit syrien.
Sa démission relève alors de la dignité d’un homme qui ne veut pas cautionner la «qatarisation» de la Ligue arabe, avec la complicité de son secrétaire général qui s’apprête lui aussi à «vendre» son poste, histoire de déplacer pour de vrai le centre de gravité du Monde arabe du Caire à Doha.

Hassan Moali