Syrie: L’accord sur la «désescalade» à l’épreuve du terrain

Crise syrienne

L’accord sur la «désescalade» à l’épreuve du terrain

El Watan, 7 mai 2017

Signé jeudi à Astana, au Kazakhstan, par la Russie, l’Iran et la Turquie, l’accord relatif à la création de «zones de désescalade» dans plusieurs régions de la Syrie est entré en vigueur hier.

Conformément audit accord, rapporte l’AFP, ces zones seront instaurées dans des secteurs dépendant des huit provinces syriennes, où se trouvent des rebelles. Une zone comprendra la province d’Idleb au nord-ouest, contrôlée par une coalition de rebelles islamistes et de djihadistes dont le Front Fateh Al Cham, ex-branche syrienne d’Al Qaîda, et des secteurs de celles de Lattaquié, Hama et Alep.

Au centre du pays est prévue une zone dans la province de Homs. Un autre secteur sécurisé sera établi dans la Ghouta orientale, grande banlieue de Damas, avec des villes comme Douma ou Harasta, même si les forces du régime sont aussi présentes dans cette région. Au sud, sont concernées en partie les provinces de Deraa et Quneitra, contrôlées majoritairement par les rebelles. En revanche, il n’y aura pas de «zones de désescalade» dans les trois provinces totalement sous contrôle du régime, à savoir Damas, Tartous et Soueida, ainsi que l’est et le nord-est du pays, où se trouvent les djihadistes de l’EI et la coalition kurdo-arabe qui les combat avec l’appui des Etats-Unis.

Deux semaines après la signature, soit le 18 mai, sera formé «le groupe de travail commun» qui établira, d’ici le 4 juin, les cartes précises de ces «zones de désescalade» ainsi que les «zones de sécurité» attenantes, et devra résoudre les problèmes techniques et opérationnels. Entre-temps, les signataires de l’accord devront séparer les groupes armés de l’opposition des «groupes terroristes» qui sont, selon le document, l’EI, le Front Al Nosra (ancien nom désignant l’actuel Fateh Al Cham, émanation d’Al Qaîda) et tous les groupes, entités et individus qui leur sont affiliés. Les «zones de désescalade» seront créées pour une durée de six mois, pouvant être prolongée par consensus des trois garants de l’accord (la Russie, la Turquie et l’Iran).

Dans les «zones de désescalade», les forces gouvernementales et les groupes armés de l’opposition, qui sont partie prenante ou rejoindront le cessez-le-feu initié par la Russie et la Turquie le 30 décembre 2016, devront cesser d’utiliser tous les types d’armes, y compris l’aviation. Dans ces zones, l’accès humanitaire devra être assuré ainsi que l’acheminement de l’aide médicale, la remise en état des infrastructures, notamment l’eau et l’électricité. Le retour volontaire des réfugiés et des déplacés devra être facilité. Autour des «zones de désescalade», des «zones de sécurité» seront établies par des forces des trois pays garants auxquelles pourront s’adjoindre des pays tiers. Des points de contrôle y seront établis pour assurer la libre circulation des civils et faciliter l’acheminement de l’assistance humanitaire. Il y aura également des postes d’observation. L’objectif des «zones de désescalade» est, selon l’accord, de mettre «rapidement» fin à la violence, d’améliorer la situation humanitaire et de créer les «conditions pour faire avancer le processus politique». Le mémorandum stipule aussi que la lutte contre l’EI et Fateh Al Cham doit se poursuivre.

Washington prudent

Observateurs lors du processus d’Astana sur la crise syrienne, les Etats-Unis ont salué, jeudi avec prudence, l’accord sur la création de «zones de désescalade». Dans un communiqué rendu public jeudi, le département d’Etat américain a indiqué «soutenir tout effort qui puisse véritablement réduire la violence en Syrie». Et de relever : «Les Etats-Unis étaient représentés à la conférence d’Astana par (leur) secrétaire d’Etat adjoint par intérim Stuart Jones», qu’ils «ne participaient pas directement aux négociations et n’étaient pas, à ce stade, partie de l’accord» parrainé par Moscou, Ankara et Téhéran. «Nous sommes sensibles aux efforts de la Turquie et de la Fédération de Russie dans la poursuite de cette initiative et nous avons encouragé l’opposition syrienne à participer activement aux discussions», a déclaré la porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert. Mais «nous restons préoccupés par l’accord d’Astana, notamment l’implication de l’Iran comme prétendu garant» et dont «les actions en Syrie n’ont fait qu’alimenter la violence», selon Mme Nauert. «A la lumière des échecs des accords antérieurs, nous avons des raisons d’être prudents», a-t-elle prévenu, exhortant le régime syrien «à cesser toutes ses attaques contre des civils et les forces de l’opposition, ce qu’il n’a jamais fait».

Les Etats-Unis ont annoncé, fin mars, ne plus faire du départ du président syrien une «priorité». «Il faut choisir ses batailles», a déclaré l’ambassadrice américaine à l’Organisation des Nations unies (ONU), Nikki Haley. «Quand vous regardez la situation, il faut changer nos priorités, et notre priorité n’est plus de rester assis là, à nous concentrer pour faire partir Al Assad», a-t-elle ajouté. «Notre priorité est vraiment de regarder comment on peut obtenir des résultats. Avec qui devons-nous travailler pour réellement faire une différence pour les gens en Syrie ?» a relevé la diplomate.

Amnay idir