C’est une violence planifiée

Abdelmalek Azzi. Coordinateur national du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES)

C’est une violence planifiée

El Watan, 24 février 2017

– L’agression dont ont été victimes des enseignants à l’université d’Alger 3 fait encore jaser ! Que se passe-t-il à l’université ?

L’agression condamnable des enseignants de l’université Alger 3 est la conséquence de l’impunité et de la politique de gestion de l’université publique par la nomination de recteurs, dont plusieurs sont incompétents, et par le mode de choix des responsables de l’université en dehors de tout cadre démocratique, l’agression d’Alger 3 a atteint un degré d’absurdité qui a fait réagir toute la communauté universitaire et même toute la société qui ne comprend pas ce qui arrive à l’université et se pose un certain nombre de questions : pourquoi sont-ils rentrés dans la salle des professeurs ? Pourquoi ont-ils voulu empêcher les enseignants d’élire leur section syndicale ?

Pourquoi des agents de sécurité les ont aidés ou laissés faire ? Sachant que la vie des enseignants était en danger, pourquoi le recteur de l’université n’a pas sollicité l’intervention des forces de l’ordre qui, pourtant, étaient juste à l’entrée du campus ? Pourquoi le recteur ne met pas à la disposition des enseignants un amphithéâtre pour se réunir ?

– Votre syndicat appelle à la protection des enseignants universitaires exposés à tous les dangers au moment d’accomplir leur mission. Concrètement, comment ?

Le CNES demande la protection de toute la communauté universitaire. Normalement, les étudiants, enseignants et travailleurs vivent dans un environnement pacifique, où il peut arriver des violences provoquées par des situations d’énervement et d’incompréhension, l’éradication d’une telle violence est de la responsabilité de tout le monde.

Dans le cas de l’université d’Alger 3, il s’agit d’un autre type de violence, une violence planifiée, les agresseurs n’auraient pas pu commettre leur acte sans complicité à l’intérieur de l’université. Lorsque des incidents aussi graves arrivent, le premier responsable de l’université doit rendre des comptes.

– Les étudiants en pharmacie, chirurgie dentaire et architecture sont en grève depuis des mois. Pourquoi ce malaise ?

Les revendications des étudiants sont légitimes. Les étudiants sont victimes de la mauvaise gestion et de la politique de gestion des flux, qui ne se préoccupe pas beaucoup de la qualité de la formation, et encore moins de l’avenir professionnel des étudiants.

– Pourquoi a-t-on tant de mal à trouver des solutions pour ces étudiants ?

On a tant de mal à trouver des solutions à cause de l’incompétence de certains responsables, qui ne gèrent pas dans l’esprit de la concertation et les solutions ne sont qu’une suite de replâtrages, sans vision de développement durable d’une vraie université pour développer le pays.

– Dans le cas d’une année blanche, que fera-t-on des nouveaux bacheliers ?

Il serait très regrettable pour tout le monde d’en arriver là, nous souhaitons qu’un vrai dialogue soit ouvert, avec des propositions concrètes, qui pourraient régler un minimum des revendications des étudiants, et surtout les rassurer pour une prise en charge de leurs doléances dans le futur, avec des engagements

– Le système LMD essuie énormément de critiques. On dit que les étudiants formés n’ont pas le niveau. Ne doit-on pas revenir dessus ou du moins le réviser ? N’est-ce pas le moment d’en évaluer sérieusement l’impact ?

L’université qui a pour vocation de former l’élite du pays est l’otage de l’incompétence de ses gestionnaires et des prises de décisions hâtives et irréfléchies, le CNES a dès l’annonce de ce système mis en garde la tutelle sur les risques d’un tel changement et demandé au moins une évaluation rapide pour faire, à temps, les ajustements nécessaires, aujourd’hui le ministre lui-même reconnaît l’échec de ce système, malheureusement rien n’est fait pour le corriger, bien au contraire, des décisions importantes sont en préparation par la tutelle, sans la concertation avec les enseignants, la récente décision insensé et illégale de gel du CNES en est la preuve !

– Pourquoi l’université forme-t-elle des diplômés qui ne trouvent pas d’emploi sur le marché ? N’y a t-il pas nécessité de revoir la nomenclature des formations dispensées de sorte à ce qu’elles répondent mieux aux besoins du marché et de l’évolution 2.0 ?

Le problème de l’emploi n’est pas lié qu’à la nature et le niveau des formations, il est surtout lié à l’état de l’économie du pays. Les véritables raisons sont les différents fléaux, tels que la corruption qui gangrène notre pays, qui l’empêche de se développer, et de créer des centaines de milliers d’emplois.

– Le ministère de l’Enseignement supérieur a gelé vos activités par rapport au différend entre les deux ailes du syndicat, n’empêche, vous continuez à faire des déclarations publiques et des démarches sur le terrain. A votre avis, à quand ce système de «clan» au sein du syndicat ?

Nous avons été surpris par l’écrit du chef de cabinet du ministre du MESRS, qui est une entrave au libre exercice du droit syndical, selon l’article 15 de la loi 90-14, relatif à l’exercice du droit syndical, l’ingérence dans le fonctionnement syndical est passible de poursuites pénales.

Evidemment, nous contestons cet écrit et poursuivons nos activités syndicales dans le respect des lois de la République algérienne. Il n’existe pas de clans au sein du CNES, un imposteur avec le soutien de quelques individus ont offert leurs services pour ceux qui ont toujours souhaité la fin du CNES, et ont organisé un pseudo congrès avec cinq sections, mais eux prétendent qu’ils l’ont fait avec 22 sections, je les défie de nous donner la liste des sections qui ont participé à leurs pseudo congrès !
Sofia Ouahib