Qu’est-ce qui fait courir Sidi Saïd ?

Il mène campagne dans les Entreprises publiques et privées

Qu’est-ce qui fait courir Sidi Saïd ?

El Watan, 23 décembre 2015

Longs déplacements, visite des unités de production et discours-fleuve devant des travailleurs… Le tout est minutieusement filmé par les caméras de la télévision publique, ENTV. Il s’agit des sorties énigmatiques du secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi Saïd, qui a entamé, depuis quelques jours, une tournée dans plusieurs zones industrielles et entreprises publiques et privées.

Ce périple, aux allures de sorties ministérielles, l’a conduit à deux reprises dans la zone industrielle de Rouiba, puis à Bordj Bou Arréridj avant d’atterrir, lundi dernier, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Dans chacune de ses sorties, le patron de l’UGTA, qui n’est pas en contact direct avec les travailleurs depuis plus d’une quinzaine d’années, tente de vulgariser le discours officiel concernant «la promotion de la production nationale», mise à rude épreuve par plusieurs années d’import-import.

Le plus intrigant est que ces sorties de Sidi Saïd interviennent au lendemain de l’adoption, dans des conditions particulières, du très controversé projet de loi de finances 2016 à l’APN qui prévoit des mesures d’austérité drastiques. Elles (ses sorties) interviennent aussi quelques jours après la manifestation des travailleurs de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI) qui a rappelé de tristes souvenirs aux tenants du pouvoir, en l’occurrence les événements ayant précédé la révolte d’Octobre 1988.

En cette conjoncture économique difficile, Sidi Saïd donne l’impression d’être un chargé de mission : anticiper sur une éventuelle grogne sociale et éviter une implosion qui risque d’être provoquée par l’augmentation tous azimuts des prix des produits de large consommation. Pourquoi a-t-il décidé, après une absence qui aura duré de longues années, de renouer avec le monde de l’entreprise publique et privée ? «Ces rencontre s’inscrivent dans le cadre du programme visant à encourager la production nationale.

Nous avons décidé d’aller à la rencontre des opérateurs, publics et privés, pour discuter des conditions nécessaires pour encourager la production nationale», répond Amar Takjout, responsable de la Fédération textile et cuir au sein de l’UGTA. Ce dernier estime que les visites de Sidi Saïd ne sont pas commandées par le gouvernement ou une quelconque autorité. «A mon vis, ce n’est pas un combat d’arrière-garde. Ce sont des visites de proximité qui ont conduit l’UGTA à la rencontre même des opérateurs privés, où elle ne dispose pas d’une base militante», assure-t-il, affirmant que «le programme des visites se poursuivra au début de l’année prochaine».

La promotion de la production nationale est-elle l’unique motivation de Sidi Saïd ? Pas si sûr. L’homme s’est distingué par ses positions en faveur du pouvoir et vole à son secours à chaque fois que ce dernier est en crise. Mais il y a aussi d’autres soucis chez le patron de l’UGTA. Il s’agit de celui d’entretenir sa base dans le secteur industriel qui risque de lui échapper en cette période de crise financière. «Sidi Saïd n’a pas de plan B.

Il fonctionnait depuis toujours avec un plan A, basé sur la rente financière. Il comptait toujours sur le financement de l’Etat pour calmer la colère des travailleurs au sein des entreprises. Et il n’a jamais préparé l’UGTA à cette situation», explique le sociologue Nacer Djabi. Pour lui, la centrale syndicale, plus proche des patrons que des travailleurs, risque d’être en difficulté durant les semaines et les mois à venir. «L’UGTA manque d’autonomie qui pourrait être à l’origine de sa disparition avec l’aggravation de la crise financière de l’Etat», explique-t-il.

Madjid Makedhi