Nouvelle grève à Air Algérie: Les voyageurs otages d’une crise de gouvernance

Nouvelle grève à Air Algérie: Les voyageurs otages d’une crise de gouvernance

par Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, 27 janvier 2018

Prendre un vol d’Air Algérie devient dorénavant problématique après la nouvelle perturbation des vols de la compagnie. Une «énième» grève du personnel navigant commercial (PNC) déclenchée jeudi après-midi, deux jours seulement après celle de lundi qui avait cloué au sol tous les appareils de la compagnie jusqu’aux environs de 19 heures. Tous les vols domestiques et internationaux ont été touchés par ce nouveau débrayage, alors que la compagnie, au lieu d’informer ses clients du débrayage, leur avait dans un premier temps seulement annoncé qu’il y aura des retards sur son programme de vols. Ce nouveau mouvement d’humeur du personnel navigant commercial a été déclenché, selon un communiqué de quatre syndicats de la compagnie, à la suite du licenciement de sept syndicalistes auxquels la direction générale reproche d’avoir incité à la grève de lundi dernier, déclarée illégale par le tribunal de Dar El-Beida. La direction générale d’Air Algérie avait annoncé jeudi dans un communiqué «avoir pris des mesures administratives contre sept (7) personnes qui avaient incité à la grève du personnel navigant commercial lundi dernier». Air Algérie a annoncé avoir licencié ces personnes pour avoir «incité à la grève du personnel navigant commercial lundi dernier», a indiqué jeudi le directeur de la division des affaires générales, M. Reda Toubal Seghir, cité par l’APS. «A la suite du mouvement de grève déclenchée le 22 janvier 2018 et déclaré illégal par la justice, Air Algérie a pris des mesures administratives conformément à la réglementation en vigueur», a-t-il ajouté, «ces mesures touchent les personnes qui ont incité à cette grève». La compagnie a procédé «à la suspension de la relation de travail de ces 7 personnes en attendant que la justice se prononce», a-t-il précisé. Une sentence que dénoncent les quatre syndicats de la compagnie.

En premier lieu celui du PNC, qui a dénoncé la décision de suspension prise par la direction générale à l’encontre de sept de ses syndicalistes. La décision extrême prise par la direction générale d’Air Algérie à l’encontre des sept syndicalistes du PNC a en fait sonné le ralliement de tous les syndicats de la compagnie, qui ont pris fait et cause avec les revendications du PNC. Quatre syndicats d’Air Algérie affiliés à l’UGTA, ont ainsi exigé jeudi la levée «inconditionnelle» des sanctions infligées aux sept syndicalistes.

Le syndicat des pilotes de ligne, le syndicat technique spécifique, le syndicat du PNC et le syndicat DOS, ainsi que le syndicat national des techniciens de maintenance avion (SNTMA) ont, dans un communiqué commun, mis en garde «la direction générale d’un éventuel embrasement si les sanctions infligées à l’encontre de nos collègues PNC ne sont pas levées d’une manière inconditionnelle et dans les plus brefs délais». Ils ont, dans la foulée, lancé un appel aux autorités pour qu’elles interviennent en «urgence» pour mettre un terme «au massacre entamé par la direction générale actuelle depuis son arrivée, qui risque de mener la compagnie vers une situation de pourrissement général». Ils ont encore prévenu contre «l’extension du conflit à tous les secteurs de la compagnie» et dénoncé «la violation du simple droit syndical» par la DG.

Le nouveau débrayage de jeudi, qui a provoqué une fois encore une sourde colère des clients de la compagnie, avait été entamé aux environs de 15 heures, juste après l’annonce du licenciement des sept syndicalistes. Vers 16h, plusieurs vols intérieurs et internationaux d’Air Algérie au départ d’Alger avaient été annoncés «retardés» sur les écrans d’affichage de l’aérogare des lignes domestiques, comme à l’aérogare internationale d’Alger. Ce n’est que vers 18h que la compagnie a annoncé par haut-parleurs du terminal international, les retards sur ses vols, soit trois heures après le début du débrayage du PNC: «Suite à un mouvement social du personnel navigant commercial, Air Algérie annonce le retard de ses vols et s’excuse auprès de sa clientèle pour ce désagrément». Le débrayage a pris fin vendredi aux premières heures, après des discussions qui ont duré tard dans la nuit entre syndicalistes du PNC et représentants de la direction générale. «La grève déclenchée jeudi après-midi a pris fin à 1h30 du matin», a indiqué la chargée de communication de la compagnie. «Les vols en partance de l’aéroport d’Alger ont repris normalement», a-t-elle ajouté.

Le personnel navigant commercial avait, lors du débrayage de lundi dernier demandé une revalorisation salariale, comme cela avait été convenu en février 2017 avec la précédente direction générale. Le lendemain, mardi 23 janvier, le directeur de la division commerciale d’Air Algérie, Zouhir Houaoui, avait affirmé que la situation financière de la compagnie ne permet pas cette augmentation de salaires. «La revendication principale (du PNC) est liée à une augmentation salariale, au motif, a-t-il dit dans une intervention mardi à la radio nationale, qu’ il y a un accord établi il y a une année qui prévoit cette augmentation. Mais l’entreprise n’a pas les capacités, précise-t-il, d’assurer cette augmentation au détriment de son équilibre financier». «C’est sur cette base qu’il y a eu plusieurs échanges et discussions pour pouvoir alerter et démontrer à l’ensemble du personnel que la compagnie se trouve dans une situation assez difficile dans le sens où elle ne peut assurer une augmentation des salaires», poursuit M. Houaoui. La suspension unilatérale de sept syndicalistes, sans passer par un conseil de discipline, aura compliqué la situation.