Retombées de l’accord Archs-Ouyahia

Retombées de l’accord Archs-Ouyahia

À Tizi Ouzou, les pour et les contre…

El Watan, 25 janvier 2004

Le déroulement du dialogue entre les archs et Ouyahia occupe une part prépondérante dans les discussions de nombreuses personnes à Tizi Ouzou.

La révocation des «indus-élus» a davantage animé les débats. Entre satisfaction et questionnements, la rue est partagée. Certains s’interrogent sur l’opportunité du dialogue à quelques mois de la présidentielle, alors que d’autres jettent l’opprobre sur les 24 délégués de l’Interwilayas. Saïd Boukhari, délégué exclu de la CADC en 2001, déclare : «C’est tant mieux pour la Kabylie, et ces soit-disant radicaux n’ont fait que rejoindre nos positions favorables au dialogue que nous avions prônées en juillet 2001. Une question se pose : qu’est-ce qui a changé fondamentalement pour que les opposants d’hier aillent au dialogue aujourd’hui ? C’est une capitulation, car il fallait dialoguer au lendemain de la marche historique du 14 juin 2001.» Cet ancien militant du MCB estime que la population n’a pas revendiqué l’effacement des dettes de Sonelgaz et que la révocation des élus locaux «est une stratégie nihiliste des pouvoirs publics qui nous ôte un espace de l’expression de la volonté populaire». De son côté, Me Salah Hanoun, membre du collectif des avocats, émet des réserves sur le fond et la forme et déplore la marginalisation des robes noires dans ce dialogue «qui se déroule dans la division et dans une période de précampagne électorale. Je remarque en outre que les délégués se sont engagés dans des négociations, la longueur des débats en est d’ailleurs la preuve. Concernant les incidences, je note que la question de la défalcation de la quote-part versée à l’ENTV via Sonelgaz n’est pas soulevée et que la dissolution des assemblées élues est floue, car aucune date, aucun délai et aucune perspective ne sont formulés pour pourvoir les municipalités d’un exécutif élu.» L’avocat soulève également un problème d’ordre juridique : «Le mandat d’un député est validé par le Conseil constitutionnel et son annulation n’est pas du ressort de l’Exécutif.» Les blessés du mouvement, pour leur part, se sont sentis ignorés. «On ne nous a pas associés pour au moins nous exprimer», soutient Mourad Mehrez, grièvement blessé en 2001.

Par Saïd Gada

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Balises

Les illusions de l’«État de droit»

Nul ne sait quel fondement juridique va évoquer Ouyahia pour justifier la décision prise de révoquer les élus de Kabylie qui activent depuis longtemps dans les Assemblées locales et nationales.

Dans notre compréhension, il n’y en a aucun, ne serait-ce, si on s’en tient à l’aval donné par le Conseil constitutionnel, les résultats des dernières élections législatives et locales. Gardienne de la Loi suprême, cette institution était censée n’avoir laissé passer aucune anomalie légale. Et même si le chef du gouvernement était animé du souci strictement politique de régler rapidement la crise de Kabylie, il se devait d’être légaliste, une obligation qui s’impose à tous les acteurs du pays, sans exception de rang politique. C’est dans le respect des lois qu’elle promulgue que la République trouve sa raison d’être et se fortifie. Le décret présidentiel qui avait dissous les APC FIS en 1992 reposait sur le fait avéré que ces municipalités versaient dans l’agitation politique au détriment de leur mission de base qui était d’assurer le service public aux citoyens. Il n’en est pas le cas aujourd’hui en Kabylie et, au demeurant, le gouvernement n’a jamais trouvé à redire jusque-là sur le fonctionnement de ces collectivités locales contestées issues de surcroît d’un scrutin présenté comme «un modèle» par le pouvoir, notamment par le ministre de l’Intérieur. En utilisant le terme d’«indus élus» dans l’accord signé conjointement avec les archs, Ouyahia a avalisé l’«argumentaire» politique de ces derniers, tout en se donnant l’occasion de se «débarrasser» de 14 députés FLN tendance Benflis à l’APN, un cadeau aux «redresseurs». S’il est attendu une bataille juridique livrée par les partis lésés, notamment le FFS qui dispose le plus d’élus remis en cause, en direction notamment du Conseil constitutionnel, celle de la rue est à craindre dans ses inévitables débordements sur le terrain miné qu’est la Kabylie. Et quel gain politique tirerait Ouyahia de ce «coup de force» contre la légalité si, en plus, il ouvre la voie à la déstabilisation dans une région déjà exsangue dont la population attend de vraies solutions à ses vrais problèmes et non des calculs politiques construits sur son dos ? Même les archs qui ont facilement crié victoire sont entraînés dans cette dangereuse spirale. Il n’est même pas exclu que cette affaire de révocation des «indus élus» soit montée de toutes pièces pour les discréditer totalement en Kabylie et à l’échelle nationale. Rien n’est à écarter dans cette guerre totale pour la présidentielle, notamment quand ce sont les autorités officielles elles-mêmes qui versent dans le viol de la Constitution et des institutions légales qu’elles sont censées protéger. Dans le sillage de l’instrumentalisation de la justice et de l’administration pour domestiquer le FLN légal et la presse indépendante, cette affaire des «indus élus» souligne la gravité du moment : ce qui est atteint avant tout, c’est la culture de la légalité, laquelle a mis tellement de temps pour s’inculquer un tant soit peu dans les esprits. Devant ce pitoyable spectacle, comment demander aux jeunes de s’impliquer, de s’intéresser et de défendre l’«Etat de droit» ?

Par A. B.

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DISCUSSIONS GOUVERNEMENT-AROUCH

Un texte de loi pour le «martyr de la citoyenneté»?

Le Quotidien d’Oran, 25 janvier 2004

Après l’accord trouvé, jeudi, sur la question des «indus élus», les négociations entre le gouvernement et la délégation du mouvement des ârouch se sont poursuivies, hier, pour la quatrième journée consécutive. Il est à préciser que les rencontres à venir entre les deux parties seront exclusivement consacrées à la mise en oeuvre de la plate-forme d’El-Kseur. Selon des sources proches de la délégation du mouvement citoyen, les discussions d’hier ont porté, entre autres, sur la question de la prise en charge des victimes du «printemps noir». Les mêmes sources précisent que les deux parties auraient débouché sur un accord concernant ce point précis. Ainsi, outre la prise en charge des blessés et reconnaissance du statut de «martyr de la citoyenneté» par l’Etat, le gouvernement aurait entrepris l’élaboration d’un texte de loi allant dans ce sens. L’on précise ainsi que le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a instruit officiellement son ministre de la Santé pour prendre en charge des blessés des événements de Kabylie. On apprend que les 24 représentants du mouvement citoyen sont en train de finaliser les listes des blessés par wilaya. Celles-ci doivent être transmises aux autorités compétentes dans les plus brefs délais. Au cours de la rencontre d’hier, l’on rapporte qu’il a été, en outre, abordé au cours des discussions le point relatif à l’indemnisation des parents des victimes. Selon la même source cette question est sur le point d’être définitivement réglée.

M. Abdelkader