Les arouch doivent trancher sur l’offre de dialogue d’Ouyahia

A AMIZOUR, LES AROUCH DOIVENT TRANCHER SUR L’OFFRE DE DIALOGUE D’OUYAHIA

Le préalable qui mène vers l’impasse

Le Quotidien d’Oran, 26 juin 2003

Les ârouch se réunissent ce week-end à Amizour pour trancher sur l’offre de dialogue lancée par Ahmed Ouyahia. La tendance ne semble guère à la saisie de la perche tendue par les autorités. La réunion des ârouch de Tizi Ouzou – qui a précédé cette rencontre de l’interwilayas -, tout en ayant été quelque peu tumultueuse, s’est terminée par une quasi-fin de non-recevoir. Le préalable de la reconnaissance publique de la plate-forme d’El-Kseur, par le président de la République, risque de paraître excessif à ce dernier. Même si certains délégués jouent sur les mots en qualifiant cette reconnaissance publique de «garantie» présidentielle, la réalité qu’elle recouvre est que l’on est toujours dans la logique du rapport de force et non de celle de la négociation. Cette exigence signifie tout simplement aux yeux des ârouch – et cela risque d’être compris comme tel par l’opinion – une «victoire» du mouvement et une «défaite» du pouvoir. Il est improbable que Abdelaziz Bouteflika accède à cette exigence même s’il aura les yeux rivés sur les présidentielles.

En plaçant la barre très haut, les «radicaux» l’ont déjà emporté sur les «dialoguistes» au niveau de la coordination de Tizi Ouzou. Ils entendront faire de même lors de la réunion qui commence aujourd’hui à Amizour.

La coordination de Tizi Ouzou s’en est sortie par une pirouette qui met faussement la balle du côté du pouvoir. Faussement, car le préalable posé est, en fait, un refus d’une approche pragmatique fondée sur la négociation. La volonté de certains délégués de «revenir à la base» pour renouveler la légitimité a, de toute évidence, été contrée par ceux qui veulent une «victoire» sur le pouvoir. Et en l’occurrence sur Bouteflika.

Les débats risquent d’être houleux à Amizour sachant que globalement la coordination de Béjaïa et le comité populaire de la même ville penchent en faveur de l’acceptation de l’offre de dialogue d’Ouyahia. C’est un fait que dans toutes les réunions des ârouch, ce sont lesdits «radicaux» qui l’emportent en jouant sur les registres des accusations de trahison. Le jeu facile – même s’il manque de sens politique – consiste à marteler que la plate-forme est «scellée et non négociable». Le «préalable» fixé à Bouteflika risque cependant de ne pas être apprécié par ceux qui veulent une issue à un mouvement qui peine à retrouver ses marques et qui ne mobilise plus les grandes foules. C’est l’enjeu de cette réunion. Tizi Ouzou ayant endossé le «préalable», une attitude différente des délégués de Béjaïa et d’autres wilayas risque d’aboutir à la consécration définitive de la division du mouvement, ce qui ne sera pas de nature à rétablir sa popularité.

Bouteflika qui a cédé, via Ouyahia, en libérant les délégués emprisonnés et surtout en intronisant de fait les ârouch comme représentant légitime de la Kabylie, ne peut, sans risque, accepter de faire une «déclaration de reconnaissance» de la plate-forme d’El-Kseur. La chose peut lui paraître exorbitante après deux ans de crise. Tous les ingrédients de l’impasse paraissent reconduits et il sera difficile aux ârouch d’en imputer la responsabilité à un pouvoir qui multiplie les signes de bonne volonté. Ouyahia qui a, littéralement, redonné vie aux ârouch en leur accordant la reconnaissance officielle, tablait sur un dépassement des préalables. Demain, ce ne sera probablement pas le cas. Une partie des ârouch fera tout pour empêcher Bouteflika d’avoir un apaisement ou une issue en Kabylie avant les présidentielles. Certains ont, depuis le début, choisi une démarche qui consiste à prendre en otage les échéances électorales. Et sans doute la présidentielle n’y échappera pas. A la veille de la rencontre d’Amizour, les «radicaux» ont déjà quelques longueurs d’avance – sur les «dialoguistes» – pour la reconduction de l’impasse.

M. Saâdoune