Des mesures conjoncturelles pour apaiser les tensions sociales

Conseil des ministres

Des mesures conjoncturelles pour apaiser les tensions sociales

El Watan, 23 février 2011

Aucune date précise n’est encore annoncée pour la levée légale et définitive de l’état d’urgence. Le communiqué du Conseil des ministres, rendu public hier en début de soirée, a évoqué «la publication imminente» au Journal officiel du projet d’ordonnance abrogeant le décret législatif du 6 février 1993 portant prorogation de l’état d’urgence, institué par décret présidentiel du 9 février 1992.

La publication dans le JO équivaut une entrée en vigueur. Constitué de deux articles seulement, le décret législatif du 6 février 1993 a été signé par Ali Kafi, alors président du Haut-Comité d’Etat (HCE), autorité collégiale née après le coup d’Etat contre Chadli Bendjedid en 1992. Il a été appliqué sans l’aval du Parlement.
La Constitution de 1989, amendée en 1996, a pourtant clairement prévu dans son article 86 ceci : «La durée de l’état d’urgence ou de l’état de siège ne peut être prorogée qu’après approbation de l’Assemblée populaire nationale.» L’état d’urgence ou l’état de siège, selon la même Constitution, est décrété pour une durée déterminée. Cela n’a pas été respecté puisque l’état d’urgence a duré dix-neuf ans.

A l’origine, le décret du 9 février 1992, signé par Mohamed Boudiaf, a limité la durée de l’état d’urgence : «L’état d’urgence est instauré pour une durée de douze (12) mois à compter du 9 février 1992, sur toute l’étendue du territoire national. Il peut être levé avant terme», est-il écrit en son article Premier. La Constitution de 1996 a prévu, dans son article 92, que l’organisation de l’état d’urgence et de l’état de siège soit fixée par une loi organique. Cette loi n’a jamais été adoptée. L’ordonnance présidentielle portant levée de l’état d’urgence sera également mise en application sans l’approbation des députés et des sénateurs. La Constitution est restée curieusement muette sur cette question. Les dispositions prévues par le décret présidentiel numéro 92/44 du 9 février 1992 ont visiblement été «récupérées» par un autre décret présidentiel. Celui-ci porte sur la mise en œuvre de l’engagement de l’ANP dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la subversion. «Ce texte confirme que la conduite et la coordination des opérations de lutte contre le terrorisme et la subversion sont prises en charge par l’état-major de l’ANP», a indiqué le communiqué du Conseil des ministres, repris par l’agence officielle APS. Il est signalé l’adoption d’un projet d’ordonnance modifiant et complétant la loi 91/23 du 6 décembre 1991 relative à la participation de l’armée à des missions de sauvegarde de l’ordre public hors des situations d’exception, ainsi qu’un décret présidentiel.

Cette loi autorise le chef du gouvernement, «après consultation préalable des autorités civiles et militaires compétentes», de solliciter les unités et formations de l’armée pour «répondre à des impératifs de protection et de secours aux populations, de sûreté territoriale et de maintien de l’ordre». Le décret présidentiel 91/488 du 21 décembre 1991 a précisé la nature des «autorités civiles et militaires» : les ministères de l’Intérieur et de la Défense. Ce décret a complètement ignoré la nécessité de consulter la représentation populaire nationale (Parlement). Les nouveaux textes intègrent le recours aux unités et formations de l’ANP pour répondre à des impératifs de lutte contre le terrorisme et la subversion qui n’étaient pas prévus dans la loi et le décret 1991. «Ils viennent substituer un fondement législatif et réglementaire nouveau à celui prévu dans le texte législatif de 1993 prorogeant l’état d’urgence.

De ce fait, ces deux textes n’instaureront aucune situation nouvelle mais permettront par contre la poursuite de la participation de l’ANP à la lutte contre le terrorisme jusqu’à son terme», est-il précisé dans le communiqué du Conseil des ministres. Autrement dit, les larges pouvoirs de police qu’avaient le ministère de l’Intérieur, dans le décret portant instauration de l’état d’urgence, seront transférés, avec effet de renforcement, vers le ministère de la Défense nationale. Il est stipulé dans l’article 4 du décret du 9 février 1992 que le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales pour tout ou partie du territoire national, ainsi que le wali pour sa circonscription «sont habilités à prendre, par voie d’arrêté, les mesures de préservation ou de rétablissement de l’ordre public». A noter enfin que la législation exceptionnelle relative à la lutte contre le terrorisme a été déjà ajoutée au code pénal lors d’une précédente révision.
Fayçal Métaoui