La colère gagne le Sud


METLILI, ILLIZI, HASSI-MESSAOUD


La colère gagne le Sud

Le Soir d’Algérie, 27 janvier 2003

La wilaya d’Illizi a connu une journée, celle d’avant-hier, samedi, particulièrement mouvementée. Et, avec cette contrée si éloignée de l’extrême sud-est du pays, le constat est vite fait : le grand Sahara est en colère.
Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – Des foyers de tension sont signalés un peu partout, en effet, ces derniers jours. Ils sont d’ailleurs si rapprochés dans le temps que l’on craint une explosion dans cette vaste région où la précarité sociale le dispute à la rigueur du climat. Samedi, donc, des citoyens sont venus exprimer des revendications “classiques”, à savoir le droit au logement, à l’emploi et, surtout, l’égalité des chances quant à leur obtention. C’était devant le siège de la wilaya. Faute d’interlocuteur officiel, les contestataires expriment leur colère en s’en prenant aux locaux de la wilaya. S’ensuivra alors une intervention musclée des services de sécurité se soldant par un blessé par balle en caoutchouc parmi les manifestants ainsi que de nombreuses arrestations. Illizi vient de connaître, faut-il le rappeler, sa deuxième grande émeute en moins d’une année après le violent soulèvement populaire qui a ébranlé In- Amenas, le grand pôle pétrolier de la wilaya. Mais tout récemment encore, ce sont d’autres wilayas, d’autres régions extrêmement sensibles qui viennent de connaître des explosions de colère populaire. Les plus significatives sont celles vécues cette semaine par les daïras de Metlili et de Menéa, dans la wilaya de Ghardaïa. Dans la wilaya de Ouargla, c’est le poumon même du pays qui connaîtra de sérieux troubles. Hassi-Messaoud, c’est d’elle qu’il s’agit, symbolise depuis longtemps pour les habitants du Sud une espèce d’injustice dont ils sont frappés. L’un des plus grands champs pétrolifères de la planète, Hassi-Messaoud, abrite la plus importante société nationale et des dizaines de multinationales. Pour autant, l’emploi n’y est pas garanti et, pis encore, une nouvelle pratique y fait son apparition : la maffia de l’emploi. Selon notre confrère Akher Saâ, une sorte de trabendiste de la main-d’œuvre s’interpose entre l’employeur et l’employé. A l’arrivée, des 45 000 DA versés en moyenne par l’employeur, l’employé n’en touche en réalité que 15 000. La population locale, excédée par ces pratiques d’un autre âge, notamment, s’est violemment révoltée ces derniers jours pour se voir opposer la même réponse que d’habitude : répression et arrestation. Même topo à Laghouat, récemment visitée par Bouteflika, plus précisément à Hassi-R’mel. Le Président qui s’y trouvait cette semaine n’avait, bien entendu, pas comme objectif de se pencher sur ces “préoccupations”. Mais le fait est que son apparition dans la région comme ce fut le cas à Tamanrasset précédemment n’a pas laissé “indifférente” la population locale. Cette expression du ras-le-bol social après quasiment chaque passage du Président tend d’ailleurs à s’ériger en tradition depuis deux ans. Elle vient en tout cas démolir la propagande officielle qui voudrait entretenir la Kabylie dans une espèce de carcan d’exception, à traiter donc comme tel. La grogne sociale, même si elle n’est pas tout à fait fidèlement identique à toutes les régions, est, pour ainsi dire, dans toutes les wilayas, depuis 2000. Et c’est le plus fiable des référendums pour un bilan de gouvernance.