Abderrahmane Hadj Nacer: «On est à chaos moins 1»

Abderrahmane Hadj Nacer invité du RAJ

«On est à chaos moins 1»

El Watan, 13 avril 2014

Evoquant les événements de Ghardaïa, le conférencier estime que la violence est le fait de l’incompétence et des calculs régionaux résultant d’une histoire mal prise en charge.

On est à chaos moins 1.» La phrase est de l’économiste Abderrahmane Hadj Nacer, qui ne veut toutefois pas fermer les portes de l’espoir et estime que le chaos peut être évitable. «On est à chaos moins 1, je ne peux dire si c’est à moins d’un jour, d’un mois ou d’une année ou de 5 ans, mais le fait est qu’il est là et que tout peut basculer. Personne n’est sûr de ce qui peut arriver demain», indique l’économiste invité hier par le Rassemblement action jeunesse (RAJ) à s’exprimer sur la situation qui prévaut dans le pays. L’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, tout en ne liant pas son propos à l’élection du 17 avril qui, dit-il, est faite pour remplir les colonnes des journaux étrangers, estime que tant que les choses restent en l’état actuel, l’Algérie ne sera pas épargnée par un nouveau découpage territorial imposé par l’oligarchie internationale.

«La valeur du dollar réside dans la puissance acquise qui n’est puissante qu’avec un contrôle sur les sources d’énergie. Le sous-sol algérien demeure riche, même si on est en fin de course de son utilisation optimale en termes d’exploitation, mais pas en termes d’exploration de tout le potentiel existant», avertit l’auteur de La Martingale algérienne, en critiquant la perte de l’Algérie de son rôle d’acteur. L’orateur est formel : «Ce qui se passe en Algérie depuis 25 ans n’est pas le fait de nos décideurs», même s’il note que ces derniers y participent.

Ordre est donné d’aller vers une «précarisation» des sociétés qui facilitera, à terme, la mise au pas des Etats. «La précarisation est passée, en Algérie, par une ‘‘informelisation’’ économique et une décérébration culturelle. La précarisation entreprise en Algérie est passée aussi par un système de corruption», indique Hadj Nacer. Prenant l’exemple de l’autoroute Est-Ouest, il considère que la corruption renseigne sur une tentative des décideurs locaux de faire partie de l’oligarchie mondiale via l’argent bien distribué aux amis à l’international. «Je ne suis pas sûr que ces auteurs de précarisation soient admis à la table des oligarques internationaux», note le conférencier, en rappelant que la corruption utilisée par le système El Gueddafi ne lui a pas épargné le sort qu’il a subi. La précarisation s’est accompagnée d’une dé-identité qui mène à la violence.

Evoquant le cas de Ghardaïa, Hadj Nacer estime que la violence est le fait de l’incompétence et des petits calculs régionaux, résultat d’une histoire mal prise en charge par l’Etat. «Sur le plan génétique, il n’y a pas de différence entre les Algériens, qu’ils soient mozabites ou arabophones. Ces derniers sont aussi précarisés, beaucoup sont venus d’ailleurs dont les fameux repentis et libérés des camps. On les a placés à Ghardaïa sous prétexte que c’est une région calme et non hostile, sauf que parmi ces gens il y a des imams salafistes qui appellent au meurtre des Mozabites», précise le conférencier, en s’interrogeant : pourquoi la mission de prévention qui revient aux services de sécurité n’est pas remplie.

Leur première mission est la défense des citoyens sur la base du renseignement… «La question que posent Ali Mendjeli, Ghardaïa, Djanet, Badji Mokhtar… c’est à quoi sert l’Etat», dit-il, en soulignant que ce n’est pas hasard que ce soit l’Algérie utile qui bouge, c’est le sud du pays. Ceci et de s’indigner de la non-ouverture d’une information judiciaire après qu’un prédicateur ait appelé au meurtre des Mozabites sur une chaîne saoudienne. «Qui aurait cru que le Soudan ou l’Ethiopie subiraient un nouveau découpage, pourtant c’est arrivé», note Hadj Nacer, en se félicitant que la réaction de la population en Algérie va toujours à l’encontre des manipulations. Hadj Nacer affirme : «Nous avons les moyens d’éviter le chaos si la société algérienne retrouve ses ressorts pour s’organiser et constituer une résistance permanente.»
Nous reviendrons dans notre édition de demain sur d’autres questions évoquées par le conférencier, notamment sur l’idée de consensus et l’armée.
Nadjia Bouaricha