Abdelaziz Bouteflika réélu président

Algérie : Abdelaziz Bouteflika réélu président

LEMONDE.FR | 09.04.04 | 08h50 • MIS A JOUR LE 09.04.04 | 14h51
Une manifestation conduite par trois candidats, Saïd Sadi, Abdallah Djaballah et Ali Benflis, a été réprimée jeudi soir à Alger par la police anti-émeutes, alors que les sympathisants de M. Bouteflika parcouraient, dans la liesse, la capitale.
Abdelaziz Bouteflika, a été réélu jeudi 8 avril au premier tour de l’élection présidentielle en Algérie avec 83,49 % des voix, a annoncé vendredi le ministère de l’intérieur.

M. Boueteflika devance son principal rival et ancien homme de confiance Ali Benflis qui recueillerait 7,93 % des voix, lequel a délcaré qu’il ne reconnaissait pas « ces élections basées sur la fraude généralisée ». Pour M. Benflis, le dirigeant nord-coréen Kim Il Sung « n’aurait pas fait mieux ». L’islamiste radical Abdallah Djaballah a obtenu 4,84 % des voix ; le représentant du courant laïque Saïd Sadi, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), 1,93 %, qui a qualifié la victoire de « Boutef » de « grossière »; La porte-parole du Parti des travailleurs (PT), la trotskyste Louisa Hanoune, obtiendrait 1,16 %, et, l’outsider de cette élection, le président du parti nationaliste Ahd 54, Ali Fawzi Rebaïne, est crédité de 0,64 %.

M. Zerhouni a réfuté « catégoriquement » toute fraude assurant qu’une « surveillance totale » avait été assurée par les représentants de chaque candidat et les observateurs internationaux qui ont assisté aussi bien aux opérations de vote qu’au dépouillement.

Le messages s’adressent aux adversaires de M. Bouteflika, qui n’avaient pas attendu la fin du scrutin, marqué par un duel avec son ancien chef de gouvernement et candidat du FLN (Front de libération nationale), Ali Benflis, pour dénoncer une « fraude qui a commencé à fonctionner ».

Trois candidats, Saïd Sadi, Abdallah Djaballah et Ali Benflis, avaient affirmé que « des informations » en leur possession indiqueraient qu’aucun des six candidats ne serait élu jeudi. « A la lumière d’informations recueillies auprès de toutes les permanences des trois candidats (…) il s’est avéré que la tendance générale va vers un scrutin à deux tours », ont indiqué ces adversaires de M. Bouteflika dans un communiqué parvenu jeudi soir à l’AFP, avant la clôture officielle du scrutin. Si aucun candidat n’avait obtenu la majorité des suffrages, un second tour aurait été nécessaire, ce qui aurait constitué une première en Algérie.

« L’ÉLECTION A ÉTÉ ÉQUITABLE »

La direction de campagne du président sortant, Abdelaziz Bouteflika, avait très rapidement répliqué en accusant ses adversaires de vouloir s’imposer en recourant à « la rue ». Voyant « une claire volonté de recourir à la rue pour imposer le fait accompli » de la part de ces trois candidats, la permanence de M. Bouteflika avait averti « qu’un tel procédé, expression d’un échec annoncé, est porteur de dangers graves pour toute la nation ».

D’ailleurs, une manifestation conduite par ces trois candidats a été réprimée jeudi soir à Alger par la police anti-émeutes, alors que les sympathisants de M. Bouteflika parcouraient, dans la liesse, la capitale, ont rapporté des témoins, selon lesquels plusieurs journalistes algériens et étrangers ont, au cours de ces incidents, été passés à tabac. La police aurait confisqué le matériel de certains journalistes.

Le principal rival de M. Bouteflika, Ali Benflis, a fait savoir, avant l’annonce des résultats officiels qu’il allait engager des recours. Aucun de ceux qui contestent le déroulement du scrutin n’a cependant présenté de preuves à l’appui de ses accusations. Selon Ali Mimouni, porte-parole de M. Benflis, le FLN déplore que ces fraudes, « retardent l’accession de l’Algérie à un système politique démocratique ».

Des accusations de fraude ont accompagné chaque élection en Algérie depuis l’avènement du pluralisme voici quinze ans. En 1999, Bouteflika avait été élu avec autour de 74 % des suffrages, alors que tous les autres candidats s’étaient retirés du scrutin, en hurlant à la fraude.

« L’élection a été équitable », a affirmé pour sa part Toufik Khelladi, haut responsable de l’état-major de campagne de M. Bouteflika. « Les informations dont nous disposons jusqu’à présent montrent que notre candidat est largement devant les autres. Il est clair qu’il n’y aura pas de second tour. Mais comme en football, vous ne connaissez pas le résultat tant qu’il n’y a pas eu de coup de sifflet final », a précisé M. Khelladi. Le directeur de campagne de M. Bouteflika, Abdelmalek Sellal, présentait la situation de la même façon : « Notre candidat est très largement devant tous les autres, selon les bulletins déjà dépouillés. »

Le vainqueur devait obtenir plus de 50 % pour être élu dès le premier tour, faute de quoi un second tour, prévu le 22 avril, devait départager les deux candidats arrivés en tête jeudi. 124 observateurs internationaux ont supervisé ce scrutin, pour lequel la loi électorale a été amendée et permet aux candidats et à leurs représentants de suivre toutes les opérations de vote et de dépouillement.

L’ARMÉE AVAIT PROMIS DE NE PAS INTERFÉRER

Le ministère de l’intérieur a fait état d’un taux de participation de 57,78 % à la présidentielle, contre 46 % pour les élections législatives de 2002. Lors de la présidentielle de 1999, ce taux était de 60,25 %. Les analystes expliquent ce taux élevé par le fait qu’un grand nombre d’électeurs ont vu dans cette élection le scrutin le plus libre jamais organisé en Algérie.

L’armée avait, cette fois-ci, fait sans précédent, publiquement promis de ne pas interférer dans le résultat des élections. Son patron, le général de corps d’armée Mohamed Lamari, a déclaré à plusieurs reprises que l’armée ne « soutenait » ni « n’était contre » aucun des candidats.

Des scènes de fête ont marqué la soirée de jeudi dans Alger, où l’on agitait des drapeaux depuis les voitures, les balcons ou les toits. Jusque tard dans la nuit, on pouvait entendre des coups de klaxon en signe de réjouissance.

Le responsable de la commission politique nationale de surveillance de l’élection présidentielle, Saïd Bouchar, a déclaré que le scrutin pour désigner le troisième président de l’ère pluraliste en Algérie s’était déroulé normalement, à l’exception d’incidents isolés, des urnes ayant été brûlées en Kabylie. Dans cette région, en fronde ouverte contre le pouvoir d’Alger, 612 bureaux de vote ont été « saccagés » ou « empêchés d’ouvrir » par des jeunes gens répondant au mot d’ordre de grève d’une aile des âarchs (tribus kabyles) hostile à cette élection.

Malgré ces incidents, sans conséquence majeure sur le déroulement du scrutin, la Kabylie a continué à voter, enregistrant un taux de participation à la clôture du scrutin de 15,71 % à Béjaïa, 17,80 % à Tizi Ouzou et 47,56 % à Bouira, selon des chiffres officiels. Bouira ne comprend qu’une petite partie de zones berbérophones.

Outre MM. Bouteflika, Benflis, patron du Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique), Saïd Sadi, chef du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition laïque), Abdallah Djaballah, président du Mouvement de la réforme nationale (MRN, islamiste radical), s’étaient présentés la porte-parole du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune (PT, trotskyste), et Ali Fawzi Rebaïne, président d’Ahd-54, un petit parti nationaliste.

L’Algérie a vécu sous le régime du parti unique du FLN jusqu’en 1989 quand le multipartisme a été institué. La première présidentielle pluraliste avait vu la victoire du général Liamine Zeroual en 1995, la deuxième celle de M. Bouteflika, en avril 1999.

Lemonde.fr, avec AFP et Reuters