Bouteflika: Les sept jours d’un candidat pas comme les autres

BOUTEFLIKA

Les sept jours d’un candidat pas comme les autres

De Notre Envoyé Spécial: Noureddine Azzouz, Le Quotidien d’Oran, 25 mars 2004

Hier, mercredi, Bouteflika bouclait son septième jour de campagne à Naâma après avoir tenu deux meetings à Béchar et Adrar. Dans sa course pour un second mandat, la stratégie du candidat semble consister, depuis le début, à cibler l’intérieur du pays et le pays profond auquel il voue un culte déclaré: «Je vous aime», a-t-il déclaré, hier, à ses nombreux supporters de Béchar. «Je sais que vous me comprenez», a-t-il répété à ceux d’Adrar, une ville fétiche et où il jouit de solides amitiés grâce à sa passion pour la zaouïa de Cheikh Belkbir, son grand patron spirituel, disparu récemment. Son secret semble justement celui-là: une connaissance certaine du terroir et de l’Algérie traditionnelle à laquelle il sait parler aussi. Tantôt par des versets coraniques, tantôt par un hommage au saint patron du coin ou alors par une formule empruntée à l’humour paysan. Le sens politique, lui, semble désigner un formidable réservoir électoral.

Bouteflika, qui le sait tellement, multiplie devant les clins d’oeil et précise sa véritable ambition: «Le jour du scrutin, votez massivement. L’enjeu est tel que le prochain président doit impérativement bénéficier d’un soutien franc et massif de votre part», s’exclame-t-il que son public l’acclame. Là où il est passé, l’homme semble jouir d’une grande popularité et d’un charisme qu’on a du mal à cerner à Alger. Pour beaucoup de personnes qui se sont déplacées pour assister à ses meetings, il est encore le «raïs» et le chef auquel on doit, après tout, respect et déférence. C’est, suppose-t-on, le résultat du verrouillage des espaces d’expression et du monopole qu’il a exercé, pendant cinq ans, sur la télé. Mais ce n’est évidemment pas là l’unique raison: les étapes qu’il a parcourues durant ces sept jours ont révélé un pays souffrant réellement, vide politiquement, sans structuration partisane ni opposition crédible.

Dans ce désert, Bouteflika semble, à l’inverse, s’y être pourvu des solides relais qu’il n’avait pas en 1999. Nous ne parlons pas du RND, du MSP, des «redresseurs» du FLN ou des affinités régionales – comme dans les wilayas de l’Ouest algérien – mais de notabilités économiques et de milieux d’affaires: des riches opérateurs du Mzab, des patrons des PME/PMI de Blida et des agriculteurs du Dahra et du Touat, hier, et dont l’efficacité se décline sur le terrain par un appui logistique et financier difficilement mesurable mais qu’on devine important. Déterminant, c’est peut-être leur soutien qui semble inciter le candidat Bouteflika à une certaine modestie: «Je ne suis qu’un candidat comme les autres», aime-t-il dire à chaque fois.

A moins que ce ne soit sa prudence à n’assumer aucune chapelle: «J’appartiens à vous tous mais je ne revendique aucun de vous», répète-t-il incessamment depuis presque une semaine. De l’alliance, «ouverte à tout le monde», il a une conception très large: «Je suis libre et indépendant», rétorque-t-il aux slogans pro-RND ou pro-MSP. Quant au FLN, son attitude demeure, elle aussi, très ambiguë. Elle oscille entre un discours à la Boudiaf – «personne n’en est le dépositaire», dit-il – et une prudence contrainte à ne pas trop cautionner le camp des «redresseurs». Jusqu’ici, l’homme n’a rien promis. Son bilan suffit, suggère-t-il.

Ah ! si, parfois il se hasarde à quelques vagues promesses: «Je ferai de votre ville une perle, je lui rendrai sa splendeur d’antan», a-t-il dit par exemple à Metlili, Souk Ahras et, hier, à Béchar. Son conflit présumé avec l’armée, il le balaie d’un revers de main: «On ne remerciera jamais assez l’ANP et les services de sécurité pour avoir sauvé la république. On me dit que les services de sécurité ont commis des dépassements. Peut-être, mais ils l’ont fait pour vous, pour que vous surviviez au fléau terroriste», a-t-il lancé hier à Adrar. Oecuménique, son credo reste la «réconciliation nationale», un concept non encore identifié politiquement si l’on excepte l’allusion à une meilleure intégration des repentis du terrorisme islamiste mais par le biais duquel il dévoile sa vision de la nation: une mosaïque dont il veut préserver les pièces en les rassemblant.