Présidentielles: Les candidats potentiels en stand by

L’ELECTION PRESIDENTIELLE DE 2004 SUSCITE DES INTERROGATIONS

Les candidats potentiels en stand by

El Watan, 4 novembre 2003

A quelque 5 mois de la tenue de l’élection présidentielle, le spectre des candidats potentiels à cette échéance demeure flou et insaisissable. Alors que dans les pays démocratiques les candidats sont connus longtemps à l’avance, chez nous les choses se passent tout à fait autrement. A chaque nouvelle élection, c’est la rue politique qui proclame les candidatures aux lieu et place des candidats réels ou supposés, lesquels, à leur tour, se complaisent dans ce jeu de devinettes où personne ne semble détenir la solution.

En tout état de cause, même si les candidats potentiels ou désignés comme tels se gardent bien, pour des raisons tactiques bien compréhensibles, d’annoncer leur candidature dans un environnement politique et préélectorale qui impose prudence et réserve.Les apparitions publiques répétées depuis quelque temps de certaines personnalités, qui n’ont jamais caché leurs ambitions présidentielles, sont un signe qui confirme bien que ces candidats sont de fait bel et bien partants pour la prochaine présidentielle. Forts instruits de leur connaissance du fonctionnement du système qu’ils ont intégré, pour certains d’entre eux, à un moment de leur parcours politique, ils se trouvent tous ou presque en position de stand-by guettant des signaux forts qui les convaincront que le prochain scrutin ne ressemblera pas à tous les précédents, marqués par la fraude massive et la culture électorale dominante du candidat du consensus, en fait du pouvoir. La leçon de la dernière élection présidentielle où Bouteflika avait fait cavalier seul à la suite du retrait des autres candidats, qui avaient dénoncé la fraude qui se profilait à l’horizon au profit du «candidat du consensus», semble être tirée cette fois-ci. Des personnalités comme Taleb, Hamrouche, Benflis, Ouyahia ont montré qu’ils n’accepteront pas de jouer le rôle de lièvre pour un éventuel candidat du pouvoir ou de l’armée. Cela si, comme le supputent certains analystes, la règle de la cooptation, qui a toujours caractérisé le système électoral jusqu’ici, a encore de beaux jours devant elle en dépit des assurances données par l’armée pour observer une attitude de stricte neutralité dans le prochain scrutin. Le doute semble avoir gagné même le président Bouteflika qui ne paraît pas, lui aussi, être totalement rasséréné par le serment prêté par l’Anp de respecter le libre jeu électoral et la volonté populaire. De telles assurances données par l’armée, si elles ont permis d’édifier Bouteflika sur au moins cette certitude qu’il ne pourra pas compter cette fois-ci sur le soutien de l’armée comme ce fut le cas précédemment, Bouteflika est loin d’être naïf pour prendre pour argent comptant les déclarations du général de corps d’armée Mohamed Lamari sur la neutralité de l’institution militaire.

Calculs
Sur ce plan, il est sur la même ligne d’horizon que les autres candidats. Mais à la différence de ces derniers, il a l’avantage sur eux d’être en poste et de disposer du puissant relais de l’administration et des moyens de l’Etat pour battre campagne comme il semble s’y employer avant la lettre depuis ces derniers mois où il n’arrête pas de sillonner le pays avec grand renfort de projets qui pleuvent sur les wilayas visitées. Mais Bouteflika qui connaît bien le système sait que tout cet activisme ne peut pas lui garantir le succès électoral si en haut lieu on décide de lui faire barrage. Sa volonté de récupérer le FLN et de courtiser le RND en sollicitant les services de son secrétaire général M. Ouyahia pour diriger l’exécutif, l’opération de charme lancée en direction des associations de la société civile à coups de subventions, toutes ces actions participent d’une stratégie électorale visant à s’assurer un large réseau de soutiens. Ce genre de calculs aurait eu un sens si les partis politiques et le mouvement associatif avaient eu un profond ancrage populaire. Or, c’est loin d’être le cas. La proportion du corps électoral organiquement structuré dans les partis et associations demeure insignifiante. Le parrainage partisan n’est pas forcément une garantie de succès. Bouteflika l’a bien compris. C’est ce qui explique ces visites ininterrompues à travers le pays allant à la rencontre de la population pour tenter de capter le gisement électoral. Mais là aussi ce genre de calculs peut s’avérer erroné. Bouteflika peut être accueilli aujourd’hui avec tambour et trompette parce qu’il est d’abord président de la République et, ensuite, porteur durant ses visites de mannes financières et de projets socio-économiques et culturels pour lesquels les populations locales ne vont quand même pas faire la fine bouche ; mais dans l’isoloir, il n’est pas exclu que toutes ces voix qui s’époumonnaient sur son passage en lui jurant fidélité et un second mandat n’iront pas à d’autres candidats. Compte tenu de toutes ces contraintes, Bouteflika qui n’est pas homme à accepter les échecs pourrait ne pas se porter candidat s’il a le moindre doute qu’il n’aura pas la main heureuse. Il ne voudrait pour rien au monde quitter la scène politique en dilapidant ce (factice ?) capital de popularité de président élu par plébiscite lors du dernier scrutin. Les autres candidats potentiels sont dans un tout autre état d’esprit que Bouteflika. A commencer par Benflis, le seul candidat déclaré pour le moment qui est sérieusement contrarié dans ses ambitions par les luttes intestines qui secouent le FLN et les questions existentialistes qui en découlent pour la direction politique du parti et son propre avenir politique.

L’attente d’un signal fort
L’assainissement de ce contentieux qui peut traîner en longueur apparaît comme un sérieux handicap pour Benflis pour mener sa campagne électorale dans le calme et la sérénité. Ses projets pourraient être remis en question, si le recours introduit par le groupe des «redresseurs» pour invalider les résultats du congrès venait à aboutir. Demeurer sur la scène constitue pour le secrétaire général du FLN la seule préoccupation du moment. L’autre candidat potentiel dont le nom revient à chaque scrutin présidentiel, Mouloud Hamrouche, demeure fidèle à sa ligne de conduite qui consiste à ne rien dire et à ne rien faire qui puisse laisser penser qu’il est partant pour le scrutin présidentiel tant qu’il n’a pas les garanties qu’il ne part pas à cette élection comme on part à une parade. Il avait franchi le pas lors de la dernière élection présidentielle en se portant candidat bien que convaincu que «l’élection est ouverte, mais le scrutin est fermé». Joignant l’acte à la parole, il se retira alors de la compétition avec les autres candidats laissant Bouteflika dans une course solitaire. Cette fois-ci, selon certaines indiscrétions, on le dit dans des dispositions bien en retrait par rapport au précédent scrutin. Il considère que la prochaine élection est totalement fermée. Si les choses demeurent en l’état, il est très peu probable qu’il se jette à l’eau. Apparemment, lui aussi, attend pour voir à l’épreuve des réalités, ce que vaut l’engagement de l’armée de ne soutenir aucun candidat, lui qui avait déclaré un jour qu’il ne se présenterait pas contre un candidat de l’armée. Il s’agissait à l’époque du candidat Zeroual. Ahmed Taleb Ibrahimi guette lui aussi le même signal fort de l’institution militaire pour se prononcer. Présenté comme le candidat des islamistes, une étiquette qu’il réfute, l’ancien ministre des Affaires étrangères est sorti de sa réserve depuis quelques jours pour effectuer des déplacements à l’intérieur du pays et à l’étranger bien que son parti n’ait pas encore reçu d’agrément. Lors de l’inhumation de M’hammed Yazid, on se bousculait pour le congratuler. Des anciens et nouveaux ministres, des anciens moudjahidine, des hauts cadres de l’Etat se pressaient pour l’approcher. Il était bien dans la peau d’un candidat. Les islamistes purs et durs auront leur candidat en la personne du président du mouvement Al Islah, Djaballah. Restent les autres partis démocrates comme le Rcd, le FFS qui attendent eux aussi de voir plus clair pour se prononcer.

Par Sofiane Bensalem