Hamrouche veut-il se placer ?

Il aborde les questions qui sont au cœur de l’actualité dans un entretien à El KHABAR

Hamrouche veut-il se placer ?

Djilali B., Liberté, 12 août 2006

Fidèle à sa réserve et à son silence, mais sachant trouver les opportunités pour occuper la une de la scène nationale, Mouloud Hamrouche est revenu cette fin de semaine à travers le journal El Khabar dans lequel il a décrit le sombre tableau de la situation nationale avant d’esquisser une sorte de programme pour sortir de “la quadrature du cercle”.
Les événements ne manquent pas pour lui fournir matière à analyse. Réconciliation nationale, pluralisme, révision constitutionnelle, loi sur les hydrocarbures, réformes…

> Échec du pluralisme Pour l’ancien Chef du gouvernement, l’expérience pluraliste a échoué que ce soit en politique ou dans le syndicat. Pour lui, derrière l’échec, il y a d’abord la responsabilité des partis qui se comportent avec autorité avec leurs militants et “les forces occultes” qui freinent le développement d’un véritable multipartisme. L’adhérent n’est vu que sous l’angle de l’allégeance. Le même comportement est observé dans le syndicat, a-t-il relevé. “Ces pratiques et tares ont contribué à faire échouer l’expérience des palais du multipartisme. Le régime est allé vers le multipartisme avant le pluralisme politique”, a-t-il précisé. Plus encore, M. Hamrouche considère que les partis politiques algériens ne le sont pas et ne correspondent pas à la définition. “La définition du parti politique ne s’applique pas aux partis algériens”, dit-il, en précisant que ces partis aux élites claniques “refusent l’idée d’un militant doté d’une autorité, empêchent l’apparition d’une élite dans les partis ou les syndicats”.
Il a estimé, par ailleurs, que l’alliance présidentielle réduit la concurrence politique. Il a appelé enfin le gouvernement et les partis politiques à ouvrir un débat sur la démocratie et le multipartisme.

> Des mesures partielles comme réconciliation Sur la réconciliation nationale, Hamrouche considère qu’elle est un ensemble de mesures partielles à l’intérieur de “la quadrature du cercle” alors que, selon lui, la solution est en dehors. Selon lui, l’initiative ne sort pas du cadre de l’impasse. Et de lier cela à la dégradation de la situation sécuritaire. Les différentes formes de violence, vols, enlèvements et dilapidations sont considérés, dit-il, comme des problèmes sécuritaires tant que dans le cercle il a été décidé de dépasser la crise politico-sécuritaire.
Il est temps que le gouvernement et les différents courants se penchent pour trouver une formule de solutions aux problèmes et à la tension qui persistent avec des instruments qui n’ont pas encore été utilisés, a-t-il indiqué. Ces instruments, ces mesures, a-t-il insinué, sont dans le cadre de la loi portant concorde civile. Ainsi la réconciliation se devait d’être un objectif pour corriger les erreurs. Implicitement, il notera que l’État est hors la loi. De ce fait, tout ce qui est fait est un facteur qui pousse au recours à la force pour terroriser, dilapider ou imposer la force.

> La révision constitutionnelle n’est pas une priorité La révision de la Constitution n’est pas une priorité, estime celui qui s’est retiré de la course présidentielle en 1999. Il a souligné que “c’est la nécessité qui détermine la révision constitutionnelle”. Nécessité que “ne sent pas celui à qui il revient de la proposer”, a-t-il ajouté. Il a, par ailleurs, vu en la motion du Parlement soutenant l’initiative comme un empiètement sur les prérogatives du président, seul responsable habilité à décider de cela. Et de s’interroger sur le but d’une telle entreprise. Il a, par contre, affirmé avec certitude qu’“il est exclu que le président ait décidé cette révision pour changer de régime ou éliminer le pouvoir occulte”. Ce pouvoir n’est pas les services de sécurité, mais les lobbys et les réseaux qui pèsent sur les choix du pays dans toutes les décisions liées à la gestion des finances. Il n’a pas exclu aussi que le choix, du moins dans la forme, soit “une allégeance”. Et de relever les similitudes entre l’Algérie et les autres régimes arabes en matière de problèmes de succession au pouvoir. Le pari de 2009 n’est pas celui du troisième mandat, mais celui de la stabilité, a estimé l’homme des réformes. Il s’agit entre autres, selon lui, de revenir à une situation normale, “légale” en faisant référence à l’état de siège.

> Pour un investissement raisonnable des recettes pétrolières Revenir aux réformes des années 1990 ? Il n’en est pas question, a-t-il estimé arguant qu’il y a eu échec et qu’elles sont dépassées. L’idée était d’apporter des correctifs après l’ajustement structurel et d’orienter ensuite raisonnablement les recettes pétrolières. Le problème reste posé, selon lui, depuis 23 ans. La tare de l’Algérie est dans son incapacité à créer une économie alternative à celle des hydrocarbures et son système bancaire obsolète. Son verdict sur les banques est sans appel. Elles ne fonctionnent selon aucune règle bancaire reconnue. Elles ne sont même pas comparables aux banques offshore qui observent un minimum de règles. Et de s’interroger s’il n’y a pas une volonté de faire disparaître la Banque d’Algérie. La loi sur les hydrocarbures pose un problème, selon Hamrouche, celui de la souveraineté et du contrôle des recettes fiscales.

Aussi craint-il que l’État soit dans l’ignorance de cette donne devant les compagnies étrangères qui seront au courant de tout. Il rejette cette loi qui n’introduit pas la transparence dans le secteur même s’il avoue lui trouver des aspects positifs. Même tableau concernant les privatisations, cette option du gouvernement qui a abandonné les entreprises publiques tout en ouvrant le marché. “Le gouvernement a vendu le marché et laissé les entreprises publiques étouffées”, dit-il. En définitive, cette sortie de Hamrouche, qui met le doigt sur des points précis de la compliquée crise qui touche tous les secteurs, se veut un programme de sortie de crise, mais surtout porte en filigrane des indices d’une offre de service. Évidemment, c’est cela aussi Mouloud Hamrouche, la personnalité désabusée mais qui ne cesse de tenter de s’imposer sur une scène à des moments précis, choisis. Des échéances pointent à l’horizon !

Djilali B.