Mettre le FLN au musée de l’histoire

Revendication persistante d’un courant d’opinion

Mettre le FLN au musée de l’histoire

El Watan, 12 octobre 2011

Vingt-deux députés veulent en finir avec la légitimité révolutionnaire et rompre avec l’exploitation politicienne d’un sigle, patrimoine de la nation, le Front de libération nationale en l’occurrence.
Une proposition de loi est déposée sur le bureau de l’Assemblée populaire nationale, exprimant ainsi un courant d’opinion dans la société que le pouvoir n’a de cesse de vouloir étouffer.

Vingt-deux députés veulent en finir avec la légitimité révolutionnaire et rompre avec l’exploitation politicienne et maffieuse d’un sigle, patrimoine de la nation, le Front de libération nationale en l’occurrence. Pour leur baroud d’honneur, leur dernier tour de piste avant la fin de la législature, 22 parlementaires – députés indépendants, du Front national algérien (FNA) et du Mouvement Infitah – menés par le trublion Ali Brahimi (député de Bouira en rupture de ban avec son parti, le RCD) ont introduit hier, au niveau du bureau de l’Assemblée populaire nationale (APN), une proposition de loi osée amendant la loi 99-07 relative au moudjahid et au chahid.
Si les amendements proposés à cette loi – une des dernières que l’ex-président Liamine Zeroual a signée, le 5 avril 1999, quelques semaines avant son départ – venaient par miracle à être adoptés, cela sonnerait le glas de la légitimité révolutionnaire et remiserait dans les hangars de l’histoire le parti du Front de libération nationale. Le parti unique, censé avoir été «chassé» du pouvoir par le soulèvement populaire d’Octobre 1988, demeure, 23 ans après, la «première» force politique en Algérie, écrasant sous son poids la scène politique et hypothéquant toute amorce de changement démocratique.

Le premier amendement apporté à la loi 90-07 relative au moudjahid, au chahid et leurs ayants droit, qui énonce les règles de promotion et de valorisation du patrimoine historique de la lutte de Libération nationale, concerne l’article 52 qui énumère les symboles de la Révolution de libération nationale. Les députés proposent de compléter ce recensement en ajoutant le FLN et l’ALN aux neuf autres symboles de la Révolution déjà consacrés, à savoir l’hymne national officiel ; le chahid ; le moudjahid, la veuve de chahid, les cimetières de chouhada ; les musées du moudjahid ; les hauts faits historiques ; les places et lieux abritant les stèles commémoratives. L’article 52 bis, introduit dans la nouvelle mouture, enfonce davantage le clou en déclarant «prohibé» l’usage des «mêmes noms, sigles et autres signes distinctifs appartenant aux organisations symboles de la Révolution de libération nationale». «Les organisations, dont les appellations et sigles utilisent ces symboles, sont tenues, d’après ce nouvel amendement, d’y renoncer dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.»
«L’objectif de cette initiative n’est pas d’effacer toute trace de la Révolution nationale, mais de préserver la mémoire et de l’extraire aux jeux politiciens», affirme Ali Brahimi. Depuis 1989, souligne le député, hommes politiques de l’opposition et opinion publique sont dans l’attente d’«une rupture avec la légitimité historique».

De la légitimité révolutionnaire à la légitimité des urnes

«Nous sommes, déclare-t-il, à la veille de la révision de la loi sur les partis politiques et il est nécessaire de mettre à l’abri de toute utilisation partisane un patrimoine national qui est le sigle FLN.» «Une véritable transition démocratique, l’édification d’un Etat civil doivent intégrer le passage de la légitimité révolutionnaire à la légitimité des urnes, du suffrage universel», ajoute-t-il. La proposition des 22 députés – un coup d’épée dans l’eau – intervient après la montée au créneau du ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, accusant le FLN de freiner le train des «réformes» et au lendemain des déclarations de Saïd Abadou, secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidine, plaidant à demi-mot pour la dissolution du FLN dont «l’existence s’est arrêtée, à ses dires, en 1962». M. Brahimi dément tout lien ou concordance avec sa proposition de loi. «Le timing m’est propre, répond le parlementaire. Cette proposition de loi était prête depuis janvier dernier ; j’allais la déposer le 5 juillet, mais je n’ai pas pu avoir le nombre exigé de signatures.» Certains députés avaient refusé, selon lui, d’inclure le Congrès de la Soummam parmi les symboles de la Révolution sous prétexte qu’il ne faisait pas «consensus».

M. Brahimi dit par ailleurs ne se faire aucune illusion quant au sort qui sera réservé à sa proposition de loi : «Je sais très bien que le pouvoir s’est enfermé dans une attitude d’exclusion de l’opposition, cela ne m’empêche pas, à partir du moment où j’ai accepté de siéger dans cette assemblée, d’entretenir la flamme.» A l’heure où le brasier révolutionnaire a consumé les anciens partis au pouvoir en Tunisie et en Egypte, visés par des décisions de dissolution, leurs patrimoines ont été confisqués et leurs principaux responsables jugés et condamnés.
Mohand Aziri