Une petite joie palestinienne après six décennies de calvaire

Un vote historique à l’Onu malgré les pressions américaines

Une petite joie palestinienne après six décennies de calvaire

par Salem Ferdi, Le Quotidien d’Oran, 1er décembre 2012

« Les grandes villes sont tristes quand le camp de réfugiés se prend à sourire». Ce vers de Mahmoud Darwiche a des résonances après le vote de l’Assemblée générale de l’Onu en faveur de la reconnaissance de la Palestine comme Etat non membre. Dans certaines grandes villes comme Washington, Ottawa, Londres ou Berlin, les mines se sont attristées devant la petite joie palestinienne.

En plus de six décennies, entre trahison, abandon et fausses promesses, les Palestiniens n’ont pas eu de raisons de faire la fête. En reconnaissant par 138 voix pour, 9 contre et 41 abstention le statut «d’Etat non membre» à l’entité palestinienne, l’Assemblée générale où le veto de l’empire ne marche pas, leur a donné une raison de chanter. Et de Ramallah à Ghaza, les Palestiniens ont salué un vote historique obtenu malgré les pressions des Américains qui ont menacé Mahmoud Abbas de sanctions. Personne n’est surpris du vote hostile du Canada dont le Premier ministre tend à remplacer Tony Blair dans le statut de «caniche» de la Maison Blanche. Ce vote a été aussi obtenu malgré le quasi-chantage des Britanniques tellement soucieux du sort des criminels de guerre israéliens qu’ils ont conditionné un soutien à la résolution par un engagement de l’Autorité palestinienne à ne pas saisir la Cour pénale internationale. La Grande-Bretagne s’est abstenue, tout comme une Allemagne traînant une culpabilité génocidaire qu’elle fait payer aux Palestiniens. Le vote a été éclatant avec deux tiers des 193 Etats membres, la vraie «communauté internationale», qui ne supportent plus l’injustice faite aux Palestiniens et l’arrogance d’Israël. Rien ne changera sur le terrain a tonné, fielleux, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Les Etats-Unis dont la diplomatie essuie un échec ont qualifié par la voix de Mme Hillary Clinton la résolution de contreproductive qui «met davantage d’obstacles sur le chemin de la paix». Comme si le monde entier ignorait qu’il n’y a pas de processus de paix et que les Etats-Unis défendent systématiquement Israël comme en témoigne l’usage massif et répété du veto au Conseil de sécurité.

24 ANS APRES L’ETAT DE PALESTINE A ALGER

Le vote de l’Assemblée générale de l’Onu est une étape marquante du combat des Palestiniens comme le fut la proclamation de l’Etat de Palestine, il y a 24 ans à Alger. C’est un «certificat de naissance», a déclaré Mahmoud Abbas qui ne pouvait, sans se suicider politiquement, céder aux pressions des Américains et aux menaces des Israéliens. Surtout pas après l’agression contre Ghaza soutenue par la Maison Blanche. Ce succès diplomatique a été également salué par le Hamas qui y a vu une «victoire» du peuple palestinien. Ce nouveau statut ne bouleverse pas la donne mais il permet aux Palestiniens d’accéder aux agences de l’Onu et surtout de saisir la Cour pénale internationale contre les crimes d’Israël. C’est la «dernière chance de sauver la solution à deux Etats», a déclaré Mahmoud Abbas qui a promis, en réponse à l’appel de Ban Ki-moon, de «tenter de ranimer les négociations». Il est peu probable que l’infini «processus de paix» en panne depuis au moins quatre ans puisse reprendre à terme. Ce succès diplomatique intervenant dans le sillage de la résistance des Palestiniens de Ghaza remet à l’ordre du jour et de manière pressante l’impératif d’une réunification des rangs palestiniens.

LA QUESTION D’OSLO

L’agression contre Ghaza a donné lieu à une grande manifestation d’unité des Palestiniens et Mahmoud Abbas, contrairement à la précédente agression contre Ghaza, n’a pas critiqué les tirs de roquettes. Il a même fait le geste, inhabituel, de féliciter Ismaïl Haniyeh, qui dirige la bande de Ghaza. Le Hamas, de son côté, a ouvertement soutenu le processus de reconnaissance de l’Etat palestinien lancé par Mahmoud Abbas. Ces signes ne sont pas suffisants. Il est nécessaire que les Palestiniens aillent dans le sens de la réunification des rangs en tirant les leçons des expériences et des échecs subis. La grande divergence entre «action politique» et «résistance» n’a pas de raison d’être. 18 ans de discussions dans le cadre d’Oslo ont démontré le danger de renoncer au droit légitime de résister à l’occupation qui est consacré par les règles internationales. Toute oppression donne un droit légitime à la résistance. Mahmoud Abbas a souligné que les Palestiniens n’accepteront «rien de moins qu’un Etat de Palestine indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale, sur tout le territoire palestinien occupé en 1967, vivant en paix et en sécurité aux côtés de l’Etat d’Israël». Le Hamas s’est félicité pour sa part d’une «nouvelle victoire sur le chemin de la libération de la Palestine» et la considère «comme succès unitaire qui suscite la joie au sein de notre peuple». Il reste du chemin à faire et vite. Il faut bien se poser la question de «l’après» vote de l’Assemblée générale. Peut-on encore rester dans le cadre d’un processus d’Oslo dont le bilan est particulièrement sinistre pour les Palestiniens ? Après la fête et la joie légitime, les Palestiniens devront aborder cette question qui les divise depuis 18 ans.