Interview avec Mohamed Saïb Musette, spécialiste de la question des migrations internationales

Mohamed Saïb Musette, spécialiste de la question des migrations internationales

Par Yassin Temlali, http://www.babelmed.net/index.php?menu=191&cont=2640&lingua
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Aujourd’hui, l’Algérie accueille des flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne. Ce phénomène prend de l’ampleur depuis quelques années. Quel est le contexte politique régional qui explique son développement?
La migration subsaharienne en direction du Nord, notamment celle malienne et nigérienne, est un phénomène millénaire. Elle a toujours existé. Après l’indépendance, elle s’est poursuivie et ce, grâce à une sorte de dérogation à la loi algérienne. Les Nigériens et les Maliens qui migraient en Algérie n’étaient pas seulement des commerçants. C’étaient aussi, par exemple, des saisonniers qui travaillaient dans les oasis du Sud. On appelle ce genre de migration une «migration alternante»: on vient travailler, on rentre dans son pays à la fin de la saison puis on revient, et ainsi de suite. Le circuit fonctionnait tout à fait normalement.
Les Maliens, les Nigériens et les Algériens de l’extrême Sud, les Touaregs, ont toujours circulé librement dans le grand Sahara. L’Algérie indépendante a même institutionnalisé cette libre circulation sur son territoire, en lui donnant un cadre légal. Plusieurs traités bilatéraux ont institué dans cette région du Sahara que partagent le Mali, le Niger et l’Algérie ce qu’on appelle une «économie de troc». Les populations algériennes, maliennes et nigériennes pouvaient circuler entre plusieurs pays, vendre et acheter des marchandises, sans la moindre contrainte, sans la moindre formalité douanière ou policière non plus. Le système de l’«économie frontalière» est maintenu et l’Algérie a contribué à lé réguler. Plusieurs arrêtés ont fixé les conditions et les modalités d’importation et d’exportation de marchandises dans le cadre du commerce de troc frontalier avec le Niger et le Mali.
Dans les années 90, à un moment où l’Algérie était instable, il a commencé à se mêler à ce mouvement de libre circulation, d’autres mouvements suspects et l’Algérie voulait protéger ses frontières des mouvements de passeurs d’armes, de contrebandiers, etc. Ces mouvements suspects sur la frontière algérienne sud ont dysfonctionné le système de troc frontalier, et ceci s’est naturellement répercuté sur les flux migratoires en provenance du Sud…

Quel rôle a joué l’instabilité politique en Afrique dans le développement de l’émigration irrégulière en direction de l’Algérie?
Plusieurs événements régionaux ont contribué à accentuer le mouvement migratoire des populations subsahariennes vers l’Algérie. On peut citer la crise en Côte-d’Ivoire et au Soudan. Au début des années 90, près d’un million d’immigrés d’autres nationalités africaines travaillaient en Côte-d’Ivoire. En 1998, la population de cet Etat comptait 26% d’étrangers! La «chasse aux étrangers» qui a suivi l’instabilité politique qu’il a vécue a changé la direction des flux migratoires dans la région: ils se sont orientés vers le Nord. Le Soudan aussi accueillait beaucoup de migrants africains. La crise qu’il connaît depuis presque de longues années a joué le même rôle que la crise en Côte-d’Ivoire.
La Libye, en 1996-97, a durci sa politique de l’immigration. Des centaines de milliers de travailleurs immigrés ont été renvoyés dans leur pays; ces expulsions massives n’ont, d’ailleurs, épargné ni les Tunisiens ni les Marocains ni les Egyptiens! Or, la Libye captait une partie appréciable des flux migratoires de la région subsaharienne. Il ne faut pas non plus oublier l’effet des accords Schengen. Le durcissement des conditions d’obtention de visas européens a favorisé la migration irrégulière par voie terrestre. Il a fait de l’Algérie, vu sa situation centrale, un important «pays de transit» sur la route de l’Europe. La Maurétanie est naturellement aussi un pays de passage vers le territoire de l’UE, mais le conflit au Sahara occidental a diminué de son importance. C’est ce durcissement de la politique migratoire européenne qui a, en réalité, donné naissance à des réseaux de passeurs tant en Afrique qu’en Europe.
Il faut observer, enfin, que, ces dernières années, le Plan spécial pour le développement du Sud algérien a, attiré beaucoup de migrants subsahariens dans cette région. Ce plan signifie qu’il y a de l’argent à dépenser et des emplois à fournir ; ces emplois ne peuvent être occupés par des Algériens venant du Nord du pays. Le Nord ne fournit pas de manœuvres mais plutôt des cadres, des administratifs, etc. Vu la réduction des possibilités de travail en Libye et en Côte-d’Ivoire, ce plan attire en Algérie beaucoup de Subsahariens, des Maliens et des Nigériens notamment. N’oublions pas que l’insuffisance des revenus dans la région subsaharienne figure en tête des motifs du projet migratoire.

Hormis les rapports de la gendarmerie et de la police, nous possédons peu d’informations sur l’immigration irrégulière en Algérie. Pouvez-vous nous livrer quelques données générales sur ce phénomène?
Le caractère irrégulier de cette immigration explique son manque de visibilité en termes statistiques. Malheureusement, on ne peut dénombrer les immigrés irréguliers qu’à travers le nombre d’arrestations effectuées par les autorités. Entre 2001 et 2006, on a enregistré une moyenne de 5000 arrestations par an. On multipliant ce chiffre par quatre, on obtient un chiffre indicatif du nombre total des immigrés irréguliers présents sur le territoire algérien. Ils sont donc, selon nos estimations, quelque 20000. Ce chiffre ne comprend pas, bien entendu, les Touaregs maliens ou nigériens qui, eux, ne sont pas considérés comme des illégaux dans la mesure où ils ont toujours voyagé librement dans le Sahara, notamment en pays touareg.
L’écrasante majorité de ces immigrés sont des Noirs africains. Ils se partagent sur 22 wilayas (départements). Ils vivent principalement dans le Sud, notamment à Tamanrasset et Ghardaïa. Dans l’extrême sud, à Tamanrasset par exemple, on atteste une forte présence des migrants de nationalités malienne et nigérienne, qui proviennent pour la plupart des grandes régions d’émigration, historiquement connues: les zones de Kayes, Bamako et Gao au Mali, celles de Niamey, Agadez, au Niger. Les immigrés noirs africains vivent aussi dans le Nord, plus dans les villes de l’Ouest (Oran, Tlemcen et Maghnia) que dans le Centre ou l’Est. Seule une petite minorité est en fait installée dans les villes de l’Est.

Quels sont les différents profils de ces immigrés?
Le CISP (2) a réalisé à ce sujet une étude, en collaboration avec la Société algérienne de recherches en psychologie (SARP). Malheureusement, les résultats de cette étude ne peuvent pas encore être rendus publics.
Globalement, on peut affirmer que l’immigration noire-africaine en Algérie est plus masculine que féminine et qu’elle est composée essentiellement de jeunes: l’âge moyen des immigrés est 26 ans. La majorité d’entre eux ont un niveau d’instruction moyen (niveau secondaire), même si on retrouve parmi eux une proportion possédant un niveau d’instruction universitaire. Cette immigration comprend différents types de compétences professionnelles: certains ont été dans leur pays enseignants, moniteurs de sports, etc. D’autres ont déjà suivi des formations spécialisées…

Parmi ces immigrés irréguliers, quelle est la proportion de ceux pour qui l’Algérie est une destination finale?
40% de ces immigrés sont venus en Algérie pour travailler. Ce pays est, de ce point de vue, leur destination finale. Ont-ils l’intention de retourner chez eux un jour? Nous n’en savons pas grand-chose.
Nous savons qu’une partie des 20000 immigrés voudraient rentrer chez eux, mais ne peuvent le faire. Il leur est impossible de partir plus loin, en Europe, et ils ne peuvent pas retourner dans leur pays parce que ce serait, pour eux, honteux d’avoir échoué dans leur projet migratoire. Ils sont, en quelque sorte, bloqués en Algérie. Ils sont en détresse. Le CISP a pris une initiative d’aide au retour au profit de ressortissants de trois pays: le Mali, le Niger et la RDC. En 2005-2006, il en a aidé quelque 200 à rentrer chez eux et ce, en mobilisant des fonds à travers le PNUD, l’Organisation internationale des migrations (OIM), etc. L’Algérie doit penser à mettre en place un véritable dispositif d’aide au retour pour les immigrés qui le souhaitent…

Un «dispositif d’aide au retour» ne serait pas une simple soumission à la politique européenne de limitation de l’émigration noire-africaine en Europe?
Toute migration, par définition, suppose un retour possible. Le retour est dans tout projet migratoire. La possibilité du retour doit exister pour tout migrant. Il y a bien un dispositif retour pour l’émigration algérienne en Europe. Il existe depuis des décennies. L’aide au retour doit être évidemment volontaire. Il s’agit d’une action non contraignante et exige l’expression du désir du migrant de rentrer dans son pays d’origine.

Parmi ces immigrés irréguliers, quelle est la proportion de ceux pour qui l’Algérie est «pays de transit» vers l’Europe?
A peu près 40% des 20000 immigrés irréguliers noirs-africains sont en Algérie dans une sorte de transit vers le continent européen. En général, plus on a de l’instruction, plus l’attraction de l’Europe est forte. Certains sont entrés tout à fait légalement en territoire algérien mais, à l’expiration de la durée de séjour légal, ils entrent en clandestinité parce que leur objectif est d’aller plus loin, dans quelque pays européen, l’Espagne, la France ou l’Italie. Comme vous devez le savoir, les Nigériens et les Maliens n’ont pas besoin de visa pour voyager en Algérie, mais la durée de leur séjour légal sans visa est limitée.
Au début des années 2000, le temps de transit par l’Algérie, comme par d’autres pays d’ailleurs, ne dépassait pas six mois. Il s’est bien rallongé depuis! En attendant de traverser la Méditerranée vers l’Europe, certains immigrés peuvent rester en situation de transit pendant deux ans! On les retrouve essentiellement dans les villes de l’Ouest, près des frontières marocaines mais aussi dans certaines villes de l’Est, proches des frontières tunisiennes.

Qu’en est-il des 20% restants?
Les situations de ces 20% sont très complexes, très diverses. Certains souhaitent retourner dans leur pays mais n’en ont pas les moyens. D’autres souhaiteraient obtenir un statut de réfugiés politiques… Un des problèmes-clés posés par l’étude de l’immigration noire-africaine en Algérie est qu’elle comprend une proportion de réfugiés qui n’est pas toujours facile à déterminer. Les réfugiés, partout dans le monde, voyagent sans documents. Le Haut commissariat aux réfugiés, en 2006, a enregistré 600 demandes d’asile politique en Algérie déposés par des ressortissants de différents pays d’Afrique noire.

La fermeture de la frontière terrestre algéro-marocaine ne semble pas dissuader ces migrants de tenter le passage au Maroc pour aller, ensuite, en territoire espagnol…
La frontière ouest était fermée. Elle ne l’est pas réellement pour les réseaux de passeurs. Selon des chercheurs marocains, il existe 1000 réseaux de passeurs actifs au Maroc. Ils oeuvrent aussi bien entre l’Algérie et le Maroc qu’entre le Maroc et l’Espagne. Si les migrants noirs-africains préfèrent passer par le Maroc, c’est parce que la distance à parcourir jusqu’en Espagne est beaucoup plus courte qu’entre la Tunisie et l’Italie, par exemple, ou entre l’Algérie et la France. C’est aussi parce que les réseaux de passeurs sont plus actifs, plus expérimentés. La majorité des immigrés irréguliers africains en Espagne sont marocains.

L’émigration noire-africaine vers Algérie est-elle une émigration essentiellement économique?
Il existe des villages subsahariens où la migration est, pour les jeunes, une forme d’initiation à la vie adulte. Dans ces villages, pour qu’un homme puisse se marier et fonder un foyer, il faut qu’il ait eu une aventure migratoire, pour travailler, gagner de l’argent, mais aussi pour devenir un «homme». La migration, de ce point de vue, peut être comparé au service militaire.
Il y a aussi, évidemment, des raisons économiques à ces flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne. Les pays de cette région sont extrêmement pauvres. Le Niger et le Mali font parie des pays les plus démunis de la planète. Sur l’échelle du développement humain, ils sont classés respectivement 176e et 174e. En 2002, l’espérance de vie ne dépassait pas 46 ans au Niger et 48,5 au Mali. Le PIB par habitant était, en cette même année, de 800 dollar/an dans le premier pays et de 930 dollars/an dans le second.
L’Algérie, elle, est classée 108e sur cette même échelle du développement humain. L’espérance de vie y est de 69,5 ans. Son PIB par habitant est de 5760 dollars an (chiffres de 2002). Son économie est en plein essor. Un migrant subsaharien qui y travaille peut au moins envoyer à sa famille de quoi scolariser ses enfants et de quoi leur acheter des médicaments s’ils tombent malades. Lui-même peut se soigner dans un hôpital algérien. Au Niger et au Mali, les services de santé sont très insuffisants et les enfants n’ont pas tous accès à l’école: en 2001-2002, les taux de scolarisation ne dépassait pas 19% pour le premier, et était de 26% pour le second.

Vous insistez sur le Niger et le Mali? L’immigration noire-africaine en Algérie est-elle essentiellement issue de ces eux Etats?
Les immigrés noirs-africains en Algérie sont majoritairement nigériens et maliens, les premiers étant bien plus nombreux que les seconds. Ce constat s’explique par le fait que les ressortissants de ces deux Etats connaissent mieux que d’autres Noirs-Africains l’Algérie et les itinéraires sahariens ainsi que ceux qui mènent du Sud au Nord du pays. Ils devraient d’autant plus être régularisés qu’il s’agit, comme je l’ai dit au début, d’un mouvement migratoire millénaire. L’Algérie continue, notamment dans le Sud, de tolérer cette migration mais elle ne l’a pas encore régularisée.

Existe-t-il en Algérie des camps où sont regroupés les immigrés irréguliers noirs-africains?
Au début des années 2000, dans le camp de Maghinia, au Nord-Ouest, près de la frontière marocaine, vivaient quelque 2000 immigrés noirs-africains. Ce camp accueillait les candidats à l’émigration vers l’Europe dont certains étaient refoulés en Algérie par le Maroc sous prétexte qu’ils étaient entrés au royaume par la frontière algérienne.
Le camp de Maghnia était toléré par les autorités. Il est aujourd’hui fermé. En existe-t-il d’autres? Les autorités algériennes ont des camps où ils hébergent ces immigrés irréguliers en attendant de traiter leur situation, de déterminer leur nationalité, de discuter avec les consulats de leurs pays sur les conditions de leur refoulement, etc. Je ne saurais dire où ces camps sont localisés. Ils sont sous l’autorité des services de sécurité. Seuls la Croix-Rouge ou des organismes humanitaires, comme le Haut commissariat aux réfugiés, peuvent éventuellement y accéder.

Quelle est l’attitude de l’Algérie vis-à-vis de la politique européenne de lutte contre l’immigration clandestine?
Les autorités algériennes sont pour un «règlement global» de la question de l’émigration clandestine. Autrement dit, pour la solution de ce problème à la source, par le développement des économies subsahariennes et la lutte contre la pauvreté en Afrique.
L’Algérie a, certes, décidé de mieux surveiller ses frontières. Elle a accepté l’aide européenne en matière de formation des policiers des frontières. Mais elle affirme ne pas vouloir jouer le rôle de «gendarme de l’Europe». L’Europe a une responsabilité morale envers l’Afrique qu’elle a longtemps colonisée. Elle doit aider au développement de ce continent.
L’Algérie a refusé les propositions italiennes et allemandes d’installation sur son territoire de «camps de tri», où l’on étudierait les cas des immigrés clandestins et distinguerait les «vrais demandeurs d’asile» des autres migrants. Elle n’a pas, pour l’instant, adopté de loi qui aggrave les peines en matière d’immigration clandestine. Elle n’a pas emboîté le pas au Maroc et à la Tunisie où pareilles lois sont pratiquement anti-constitutionnelles. La loi tunisienne punit toute personne qui héberge un immigré clandestin. Ce n’est pas encore le cas en Algérie.

Quel est le statut des immigrés noirs-africains qui travaillent en Algérie ? Quel est leur statut du point de vue du Code du travail algérien?
Les lois du travail algériennes n’évoquent pas le cas des travailleurs migrants irréguliers. La Convention 1990 des Nations unies sur la protection des travailleurs migrants n’est pas encore mise en application. Il faut dire que le Maroc, qui l’a ratifiée plus tôt, ne l’applique pas non plus. La Tunisie refuse, elle, de la ratifier.
Quant aux avantages sociaux, les travailleurs immigrés réguliers n’y ont pas accès dans la mesure où ils ne sont pas déclarés par leurs employeurs. Et quand bien même leurs employeurs voudraient les déclarer, la loi interdit de recruter des étrangers non munis d’un permis de travail. Les immigrés irréguliers ne bénéficient donc d’aucun avantage social. Les travailleurs étrangers réguliers non plus, faut-il souligner! Les seuls avantages auxquels ces derniers ont accès sont ceux garantis par le système de la sécurité sociale (remboursement des frais des soins). Mais ils n’ont pas le droit, par exemple, au logement social.
L’Algérie n’a ratifiée que tout récemment, en 2004, la Convention des Nations unies sur la protection des travailleurs migrants. En attendant qu’elle soit appliquée, on fonctionne encore selon les lois anciennes. Cela m’a choqué moi-même d’apprendre qu’un immigré a beau avoir un permis de travail, il n’a pas le droit au logement social. Cela scandaliserait tout le monde qu’un immigré algérien en France n’ait pas le droit à un logement HLM. En Algérie, cela ne semble scandaliser personne que le logement social soit réservé aux seuls nationaux.

Peut-on parler de xénophobie contre les immigrés noirs-africains en Algérie?
L’Algérie a changé. Il y a aujourd’hui plus de réticence à accepter la présence des étrangers. D’étrangers noirs, je précise, car les « Blancs » n’ont aucun problème! La xénophobie est une hostilité à l’égard de tous les étrangers, quelle que soit leur nationalité. En Algérie, les victimes de la xénophobie sont essentiellement les Noirs. Pour moi, il s’agit d’une forme de racisme anti-noir. La population noire algérienne elle-même n’est pas visible ailleurs que dans le Sud du pays. Pourquoi reste-elle confinée dans cette région? La question se pose.
En Algérie, il est devenu banal d’appeler un Noir «kahlouch» (3). «Kahlouch» est devenu le terme «normal», ordinaire, pour désigner le «Noir», alors que sa connotation péjorative est évidente. Ce qui est certain, c’est que ces comportements n’ont rien à voir avec la religion islamique. L’islam ne fait pas de distinction entre les gens selon la couleur de leur peau.
L’Algérie a changé. Dans les années 60 et 70, elle accueillait beaucoup d’étudiants noirs-africains. Les Algériens côtoyaient aussi bien des Noirs que des Chiliens, des Portugais… Ce «mélange de couleurs» ne posait problème à personne. L’arabisation du système d’enseignement a fait que peu de Noirs-Africains viennent aujourd’hui poursuivre leurs études en Algérie. Leur présence dans la rue est devenue une curiosité pour des générations entières qui n’en avaient jamais vu de leur vie.

Craignez-vous que ce que vous appelez une «forme de racisme anti-noir» s’aggrave ou êtes-vous optimiste pour l’avenir?
L’ouverture médiatique et l’accès massif aux médias étrangers permettront de rompre l’enfermement culturel dans lequel l’Algérie a vécu pendant longtemps. Tout le monde a aujourd’hui une antenne parabolique. On découvre que le monde est vaste et divers. Grâce à la télé, on a accès à d’autres univers culturels. L’Algérie, tôt ou tard, devra s’ouvrir à la multi-culturalité. On finira par accepter la présence de l’autre parmi nous et à respecter sa culture. Je suis optimiste.

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Notes:
(1) Mohamed Saib Musette est chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD, Algérie)
(2) Le Comité international pour le développement des peuples (CISP), une ONG italienne très active en Algérie.
(3) «Kahlouch» signifie à peu près «noiraud», avec une forte connotation péjorative.
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