Sanda Ould Boumama, porte-parole du groupe Ansar Dine: La France ne veut pas de solution politique à la crise malienne

INTERVIEW – Sanda Ould Boumama, porte-parole du groupe Ansar Dine

La France ne veut pas de solution politique à la crise malienne

Propos recueillis par Hadjer Guenanfa,TSA, 30 octobre 2012

Sanda Ould Bouamama est le porte-parole du groupe islamiste touareg Ansar Dine. Ce groupe occupe, avec d’autres mouvements armés, depuis plusieurs mois, le Nord-Mali. Il constitue l’un des points de divergences entre l’Algérie et la France au sujet du règlement de la crise malienne.

Avez-vous entamé des discussions avec les autorités maliennes ?

Jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de dialogue officiel et sérieux même s’il y a toujours eu des occasions. Des parties, comme l’Algérie et des personnalités maliennes, voudraient réunir tous les acteurs autour de la table de négociation. Mais certains ne veulent pas de solution politique pour résoudre la crise dans la région. Et le premier est le président français François Hollande, ceux qui profitent de la guerre et ceux qui ont des intérêts dans la région. Et puis, quand l’autre partie (les autorités maliennes) a senti qu’il y aurait une intervention militaire, elle a commencé, comme d’habitude, à exterminer les civils.

L’Algérie s’est toujours exprimée en faveur d’une solution politique pour la résolution de la crise. Êtes-vous en contact avec les autorités algériennes ?

Les contacts avec les autorités algériennes n’ont pas été interrompues, ne serait-ce que pendant 24 heures. Nos délégations se sont souvent rendues à Alger. L’Algérie a déclaré à plusieurs reprises qu’une solution politique existe. Elle a su surpasser des difficultés et régler des problèmes plus difficiles et compliqués que le notre. Elle a toujours trouvé une solution. Certains ne voudraient pas la laisser jouer son rôle dans la région.

L’un des griefs retenus par les Occidentaux – notamment la France – contre votre organisation est le fait de vouloir appliquer la charia…

Nous en vouloir parce qu’on veut appliquer la charia est une chose qui nous honore. Nous sommes un mouvement islamiste qui a décidé de porter les armes pour faire appliquer la charia dans le nord du Mali et pour arracher les droits de la population de l’Azawad. Je ne pense pas qu’on puisse blâmer un musulman parce qu’il voudrait appliquer la charia.

Même contre la volonté de la population ?

Dieu n’a pas donné le choix aux êtres humains pour qu’ils choisissent d’appliquer ses ordres ou pas. Les croyants ne discutent pas de ce que disent Dieu et son prophète Mohamed (QSSL). Pensez-vous que les musulmans sont contents, dans d’autres pays, avec la démocratie et la laïcité ? C’est une question de droit.

Pour les Occidentaux, vous ne vous êtes jamais démarqués d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi)…

C’est un prétexte, Sadam pouvait-il produire des armes nucléaires en 24 heures ? C’est pourtant ce que disait Tony Blair.


Quel genre de relations entretenez-vous avec Aqmi ?

Ce qui nous lie à Aqmi, c’est ce qui nous lie aux musulmans du monde entier. Notre relation avec Al-Qaïda est la relation d’un musulman avec un autre musulman. Pas moins et pas plus.

Au cas où Ansar Dine rejoindrait le front antiterroriste, combattrait-il Aqmi ?

Nous allons combattre Al-Qaïda pour l’intérêt de qui ? Pour les intérêts d’Obama ? Le problème dans le monde musulman ne se règle pas à travers les guerres mais avec une vision réaliste de la situation et avec un retour à la religion. Ceux qui veulent combattre Al-Qaïda doivent se tourner vers la religion et là, se demander s’ils doivent combattre Al-Qaida, la religion. Je vous disais que nous sommes un mouvement islamiste. Nous combattons ceux que notre religion nous a ordonné de combattre et nous cessons de combattre quand notre religion nous prescrit de le faire.

Une intervention militaire aura probablement lieu vers la fin de l’année. Quelle sera votre position ?

Nous n’avons pas porté les armes pour les déposer. Nous allons résister et nous défendre, c’est notre droit. Je pense que les Algériens sont les mieux placés pour le savoir. L’Algérie a payé avec le sang d’un million et demi de martyrs. Nous ne serons pas les premiers à souffrir d’une intervention militaire.