Un gouvernement d’union nationale pour sauver la transition : Huit soldats tunisiens tués près de la frontière algérienne

Un gouvernement d’union nationale pour sauver la transition : Huit soldats tunisiens tués près de la frontière algérienne

par Salem Ferdi, Le Quotidien d’Oran, 31 juillet 2013

Quelques jours après l’assassinat du député d’opposition Mohamed Brahmi, huit militaires tunisiens ont été tués dans une embuscade au mont Chaambi, une zone proche de la frontière algérienne. Les tensions politiques s’accroissent. Aux dernières nouvelles, Ennahda serait prêt à la formation d’un gouvernement d’union nationale pour mettre à l’abri une transition menacée par les assassinats et les appels à la dissolution des institutions.

On ne connaît pas encore les circonstances de cette embuscade tendue contre un commando militaire d’élite mais les terroristes ont « marqué » leur acte en égorgeant et en décapitant les victimes post-mortem. Trois membres du commando d’élite blessés ont été laissés sur place. Les terroristes ont pris les armes des victimes. La zone du mont Chaambi fait l’objet de ratissage régulier de la part de l’armée tunisienne qui tente d’éviter l’installation durable d’un maquis djihadiste. La présidence tunisienne a décrété un deuil national de trois jours alors que la ville de Kasserine, proche du mont Chaambi, a connu une nuit tendue ponctuée d’affrontement entre détracteurs du pouvoir et partisans du gouvernement. Une illustration des tensions qui montent au niveau politique en Tunisie où des opposants, minoritaires au sein de l’Assemblée nationale constituante, en appellent à la « désobéissance civile » et à la dissolution des institutions de transition. Une perspective rejetée avec fermeté par le Premier ministre Ali Larayedh qui a dénoncé, lundi, des appels au chaos de certains « qui ont appelé à la désobéissance civile avant même de présenter des condoléances » après l’assassinat de Mohamed Brahmi.

Intervenant lundi soir, après une réunion de crise et avant la nouvelle de la mort des soldats, Larayedh avait récusé les appels à la dissolution du gouvernement et des institutions de transition. «Ce gouvernement continuera d’assumer ses fonctions, nous ne nous accrochons pas au pouvoir mais nous avons un devoir et une responsabilité que nous assumerons jusqu’au bout», a-t-il dit tout en se disant «ouvert au dialogue». Selon lui, la rédaction de la Constitution pourrait être en août, promettant dans la foulée une loi électorale pour le 23 octobre et des élections le 17 décembre. En clair, la transition est dans sa dernière ligne droite et il n’est pas question de céder devant les appels au retour à la case départ. Ces appels au « départ » des institutions de transition sont le fait de 59 députés qui «se sont retirés » – sans démissionner – de divers partis d’opposition et d’une coalition d’extrême gauche.

UNE TRANSITION MENACEE

Les propos de Larayedh refusant le départ du gouvernement ont été tenus avant le massacre du mont Chaambi. La donne change. Si le rejet d’une dissolution de l’Assemblée constituante est très largement refusé, ce n’est pas le cas pour le gouvernement. Après le carnage, des appels à la formation d’un nouveau gouvernement, sans remise en cause de l’Assemblée nationale constituante, se sont multipliés. Ils émanent de l’UGTT (principal syndicat du pays), de l’UTICA (patronat) et même du parti de centre-gauche Attakatol qui fait partie de la troïka au gouvernement. Le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, s’est dit, lui aussi, prêt à démissionner en appelant à la formation d’un « gouvernement de salut national ou d’union nationale pour sortir la Tunisie de cette impasse». La Ligue tunisienne des droits de l’homme en a fait autant. Le président Moncef Marzouki a appelé, dans une déclaration à la télévision, à «l’union nationale». «Si nous voulons affronter ce danger (du terrorisme) nous devons l’affronter unis, j’appelle la classe politique à revenir au dialogue car le pays, la société sont menacés », a-t-il dit. Marzouki a regretté que la « tragédie » de l’assassinat de Mohamed Brahmi n’ait pas provoqué l’union mais «la division et l’anarchie» en Tunisie. La transition tunisienne est menacée et des figures de l’opposition, comme Sihem Bensedrine, tout en appelant à un changement de gouvernement récusent les appels à la création d’une situation de vide institutionnel voire de réédition du « scénario égyptien » en Tunisie. Tout en appelant à la formation d’un « nouveau gouvernement consensuel capable d’assurer la poursuite du processus démocratique pacifique jusqu’aux élections », elle demande aux opposants « de rechercher une issue à la crise par le dialogue et la sauvegarde des institutions républicaines ».

UN GOUVERNEMENT D’UNION NATIONALE

«La Tunisie doit être plus que jamais préservée de la solution égyptienne qui a consacré des « démocrates » dans le rôle de supplétifs assistant une armée se livrant au massacre de manifestants pacifiques et procédant à la fermeture des médias défavorables. Il est urgent de dépasser les réglementes de compte entre les différentes factions politiques pour relancer le processus de démocratisation et sauver notre pays », écrit Bensedrine. Changer de gouvernement pour sauver la transition et permettre à l’Assemblée constituante de terminer son travail, c’est l’option la plus raisonnable. Et selon des informations persistantes en milieu d’après-midi, le mouvement Ennahda a accepté l’option d’un gouvernement d’union nationale. Ali Larayedh devrait probablement remettre le tablier. On attendait, en fin d’après-midi, une confirmation officielle de la part du chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi. Ennahda agirait ainsi très intelligemment pour désamorcer la crise et enlever des arguments à des courants qui rêvent, en jouant la rue, de revenir au statuquo ante. La transition ne pourrait qu’être confortée par la formation d’un gouvernement d’union nationale. On cesse de donner des raisons de faire de la surenchère dans la rue en attendant que les forces politiques passent au maillage des urnes.