Expulsions d’Algériens du Maroc et de Marocains d’Algérie : le ton monte entre Alger et Rabat

Expulsions d’Algériens du Maroc et de Marocains d’Algérie : le ton monte entre Alger et Rabat

Samir Allam, TSA, 15 novembre 2012

C’est un nouveau sujet de tension entre Alger et Rabat. Depuis quelques jours, le ton monte au sujet du dossier des expulsions d’Algériens du Maroc et de Marocains d’Algérie. Le 13 novembre, Youssef Amrani, ministre marocain délégué aux Affaires étrangères, répondant à une question orale au Parlement, s’est montré offensif : Rabat « ne cesse de déployer des efforts pour leur trouver les solutions adéquates, à travers l’incitation de la partie algérienne à ouvrir un dialogue sérieux et responsable à ce sujet ». Le Maroc « ne ménagera aucun effort pour défendre ses ressortissants expulsés d’Algérie pour leur permettre de récupérer leurs biens et recouvrer leurs droits, dont ils sont privés depuis plus de 35 ans », a-t-il ajouté, selon des propos cités par l’agence marocaine officielle MAP.
À Alger, la lecture est différente, comme l’explique à TSA Amar Belani, porte-parole du MAE :

« Premièrement, je dois rappeler que durant la même période, des centaines de ressortissants algériens ont été expulsés du Maroc et que leurs biens ont été expropriés sans indemnisations. Par ailleurs, des milliers d’hectares de terres agricoles et des centaines de biens immobiliers appartenant aux ressortissants algériens ont été « nationalisés » sans indemnisation, à la faveur d’un dahir du 2 mars 1973 portant « transfert à l’État marocain des immeubles agricoles appartenant aux personnes physiques étrangères ou aux personnes morales ». Nous savons que les propriétaires européens ou relevant d’autres nationalités touchés par cette même mesure ont été indemnisés à l’exception des propriétaires algériens lésés.

Deuxièmement, lors des deux réunions de la commission consulaire et sociale qui se sont tenues, respectivement, les 25 juin 2003 à Alger et le 21 juin 2004 à Rabat, il avait été convenu d’assainir les contentieux liés aux biens revendiqués de part et d’autre sur la base de la réciprocité. Ces engagements sont restés malheureusement sans suite.

Troisièmement, la très grande majorité des Marocains qui ont quitté l’Algérie à la fin de l’année 1975 n’était pas constituée de propriétaires de biens personnels en Algérie mais de locataires de biens appartenant à l’État ou à des tiers.

Quatrièmement, je rappelle que lors de la visite de travail qu’il avait effectuée au Maroc, l’ancien secrétaire d’État chargé de la communauté nationale, M. Benattallah, avait demandé officiellement aux autorités marocaines de prendre en charge, de manière sérieuse et responsable, le dossier des biens des Algériens expropriés et qu’à cette date, malheureusement, nous n’avons toujours pas enregistré de réponse à une demande pourtant légitime qui consiste à rétablir dans leurs droits nos ressortissants dont les biens ont été confisqués ».

Ce nouveau dossier vient s’ajouter à ceux du Sahara occidental et de la réouverture des frontières terrestres entre les deux pays. En 2011, après le début du « Printemps arabe », les relations entre Alger et Rabat avaient connu un début de réchauffement, avec la multiplication de visites ministérielles et de déclarations d’apaisement des deux côtés. En privé, les Algériens n’excluaient pas une réouverture des frontières.

Mais ce réchauffement a fait long feu. Les sujets de désaccord ont refait surface dès le printemps dernier. Alger reproche à Rabat de multiplier les actions de lobbying auprès des capitales occidentales pour renforcer sa position sur le Sahara occidental. Les Marocains, de leur côté, ont montré des signes d’impatience sur la question de la réouverture des frontières. La nouvelle période de froid pourrait durer longtemps.