Le message sanglant du président Saleh

Alors qu’on attendait une initiative de sortie de crise

Le message sanglant du président Saleh

El Watan, 5 avril 2011

Dix-sept manifestants ont été tués par balle hier à Taëz, au sud de Sanaa, rapporte l’AFP citant des sources médicales. Le même jour à Sanaa, des militaires ralliés à l’opposition ont empêché les forces de police de s’approcher de la place de l’Université où campent les contestataires depuis le 21 février dernier.

Entre temps, l’opposition continue d’exiger un départ immédiat du président Saleh, au pouvoir depuis 1978. Ce dernier se dit prêt à le faire à la fin de l’année, après des élections générales. Alors que la crise politique est dans l’impasse, des indices de changement de position de Washington à l’égard du régime de Sanaa commencent à se signaler. Dans son édition de dimanche dernier, le New York Times, citant des responsables américains et yéménites, a rapporté que le gouvernement américain est en train de retirer son soutien au président Ali Abdallah Saleh et de faciliter son départ. L’Administration du président Barack Obama s’est bien «gardée de le critiquer publiquement» jusque-là. Cependant, observe le Times, des responsables américains ont signifié à Sanaa que la situation du président Abdellah Saleh est intenable, et qu’il doit quitter son poste.

Des négociations portant sur le départ du président yéménite ont débuté il y a plus d’une semaine, rapporte le quotidien. Il s’agirait de proposer à Saleh de remettre le pouvoir à un gouvernement provisoire jusqu’à la tenue de nouvelles élections. Ce principe en soi «n’est pas l’objet de contestation», a déclaré au journal un responsable yéménite. Cela ne remet pas en cause la position de Washington concernant les opérations américaines de contre-terrorisme au Yémen, relève le Times. Les incessants affrontements entre Saleh et les opposants «ont eu un impact négatif direct sur la sécurité dans tout le Yémen», a déclaré pour sa part, au Times, un responsable américain ayant gardé l’anonymat.

Washington lâche son allié «Ali»

Des câbles diplomatiques ont révélé récemment par WikiLeaks que la question de la succession du président yéménite se pose depuis 2005 aux Etats-Unis. De leur côté, les monarchies arabes du Golfe ont proposé dans la nuit de dimanche à lundi leur médiation entre l’opposition et le pouvoir en place. Dans un communiqué à l’issue d’une réunion extraordinaire à Riyad, les ministres des Affaires étrangères des six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), à savoir l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar et le sultanat d’Oman, ont exprimé «leur vive inquiétude face à la détérioration de la situation sur le plan de la sécurité et l’état de division qui prévaut au Yémen».

Le CCG offre ses «bons» offices

Ils ont appelé «les parties concernées au Yémen à faire prévaloir l’intérêt national et reprendre rapidement le dialogue pour s’entendre sur les réformes requises». «Les pays du CCG ont convenu de mener des contacts avec le gouvernement et l’opposition yéménite» pour proposer «des idées» qui permettraient de débloquer la situation, selon le communiqué. Abdallah Saleh a joué toutes ses cartes pour garder le pouvoir. Les tractations menées le mois dernier avec le général dissident Mohsen Ali Al Ahmar ont échoué. Il a aussi transmis sa proposition relative à l’issue à la crise à l’opposition. Laquelle les a rejetées.
Ladite proposition se résume en quatre points. Il s’agit en premier lieu de «la formation d’un gouvernement d’unité nationale qui a pour mission de constituer une commission nationale chargée d’élaborer une nouvelle Constitution». Suivra «l’élaboration d’une nouvelle loi électorale prévoyant un mode de scrutin à la proportionnelle».L’autre étape consiste en l’organisation du référendum sur la nouvelle Constitution. Enfin sont prévues des élections législatives suivies de la formation d’un gouvernement et l’élection par le nouveau Parlement d’un président fin 2011. Pour un porte-parole de l’opposition, Mohammad Gahtane, une telle option relève d’élucubrations et le président n’a d’autre choix que de partir.Et de poursuivre : «Le sang versé et la mobilisation du peuple ne lui laissent pas d’autre choix.»

Amnay idir