Marrakech 2011, Marrakech 1994

MARRAKECH 2011, MARRAKECH 1994

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 9 mai 2011

La vitalité de la demande démocratique des Marocains n’a pas été affectée, comme on pouvait le crain- dre, par l’attentat terroriste qui a ciblé la ville de Marrakech. C’est, disons-le ouvertement, un motif de réjouissance de voir ceux qui veulent le changement intégrer tout simplement le rejet de la violence comme faisant partie de la demande démocratique.

Le mouvement de contestation du 20 février a souligné, avec beaucoup d’à-propos, que réclamer des réformes démocratiques est le meilleur moyen de lutter contre la violence. C’est un message général, juste, qui concerne les Marocains comme les Algériens et d’autres pays de la région. Le terrorisme comme justification au bâillonnement a trop longtemps été invoqué pour qu’il soit crédible.

Comme mus par une volonté de ne pas transiger sur les valeurs, les manifestants marocains ont dénoncé les services marocains – la DGST – qu’ils accusent d’user de la torture, en réaffirmant que le «seul moyen de combattre le terrorisme, c’est la démocratie».

Voilà un thème brûlant qui a été à la base de l’accentuation de la gestion autoritaire des sociétés dans le monde arabe, avec l’appui des Occidentaux, qui se retrouve pour ainsi dire désactivé par des mouvements jeunes, inscrits dans leur temps et dans l’avenir. En Syrie, de manière absurde, le régime continue d’invoquer le terrorisme, en usant d’une répression sanglante contre les manifestants.

En inscrivant la condamnation et le rejet de la violence comme faisant partie du combat démocratique, les contestataires marocains mettent en exergue clairement que ce sont les sociétés, et leurs aspirations, qui sont les victimes du terrorisme et non les régimes. C’est pour cela qu’un jeune Marocain peut aujourd’hui dire dans le même élan «non au terrorisme», «pour la démocratie», «la justice sociale» et non «à la corruption».

L’attentat de Marrakech pouvait être invoqué par le régime pour refermer l’ébauche d’ouverture qu’il a été contraint de concéder. Les contestataires n’acceptent pas qu’il puisse servir de prétexte et ils refusent d’édulcorer la demande de citoyenneté ou de réduire les critiques sur le caractère insuffisant des réformes annoncées par Mohammed VI. La peur n’est plus un argument et des Marocains n’hésitent plus à demander une monarchie constitutionnelle avec un roi qui ne gouverne pas. La réaction salutaire des contestataires marocains est positive.

Il faut également se satisfaire que les autorités marocaines n’aient pas succombé, comme en 1994, à la tentation pavlovienne de mettre en accusation les services secrets du voisin. Les relations entre les deux pays continuent de subir les effets néfastes de cette réaction, trop facile, des responsables marocains de l’époque.

Et beaucoup constatent que l’on n’arrive toujours pas à revenir au niveau des relations qui existaient avant 1994 et qui n’étaient déjà pas particulièrement chaleureuses. Il faut espérer que ces expériences, malheureuses, soient utiles.