Egypte : Poursuite des manifestations, un émissaire américain au Caire

Egypte : Poursuite des manifestations, un émissaire américain au Caire

par Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, 16 juillet 2013

L’Egypte est en train de basculer doucement vers une situation de crise durable avec l’appel des pro- et anti- président déchu Mohamed Morsi, actuellement en état d’arrestation, à des manifestations qui devaient rassembler des milliers de personnes hier lundi en fin de journée au Caire. Et principalement les partisans du mouvement Tamarrod attendus par milliers à la Place Tahrir et près du Palais présidentiel. Avec le mois de ramadhan et la canicule, les manifestations sont organisées en fin de journée, notamment par les partisans du président Morsi, qui réclament son retour. En face, les partisans de l’opposition restent mobilisés pour maintenir la pression sur les pro-Morsi, sympathisants ou membres de la Confrérie des Frères musulmans. Pour autant, les choses semblent aller vite au cours de ces dernières 48 heures, avec l’annonce du gel des avoirs de 14 membres influents des Frères musulmans et une probable inculpation de Morsi pour espionnage à la suite d’événement troubles lors de sa fuite de prison vers la fin du règne de Hosni Moubarak. Ainsi, Mohamed Morsi, qui serait ‘’dignement traité », selon le général Al Sissi, qui avait décidé de le destituer ‘’parce qu’il ne voulait pas organiser un référendum », ainsi que d’autres membres des Frères musulmans, ont été interrogés dimanche dans un lieu tenu secret sur les circonstances de leur évasion de la prison de Wadi Natroun (au nord-ouest du Caire) durant la révolte contre Hosni Moubarak. L’enquête, menée par la Sécurité intérieure, cherche en particulier à déterminer si les Frères musulmans avaient bénéficié de l’aide de groupes étrangers comme le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien, selon des sources sécuritaires. Samedi, des sources judiciaires avaient par ailleurs annoncé que le nouveau procureur général, Hicham Barakat, examinait des plaintes de particuliers contre M. Morsi et d’autres membres des Frères musulmans, pour «espionnage», «incitation au meurtre de manifestants» et «mauvaise gestion économique». Le même procureur général a en outre ordonné le gel des avoirs de 14 hauts responsables islamistes, dont le Guide suprême Mohamed Badie et huit autres dirigeants des Frères musulmans.

ATTAQUE D’UN BUS AU SINAÏ

Cette décision a été prise dans le cadre de l’enquête sur plusieurs heurts sanglants, notamment ceux du 8 juillet, qui ont entraîné la mort de 53 personnes au Caire. Un mandat d’arrêt a été émis deux jours plus tard contre le Guide suprême et d’autres responsables des Frères musulmans, en lien avec ce drame, alors que près de 250 personnes ont en outre été inculpées. Human Rights Watch (HRW) a de son côté critiqué l’enquête menée jusqu’à présent, soulignant qu’elle devait aussi déterminer les responsabilités parmi les forces de l’ordre dans la tuerie du 8 juillet. Les violences qui ont éclaté depuis le renversement de Mohamed Morsi par l’armée le 3 juillet, au terme de manifestations massives réclamant son départ, ont fait une centaine de morts. Par ailleurs, au moins trois personnes ont été tuées et 17 blessées hier matin dans l’attaque par des hommes armés d’un bus transportant des ouvriers d’une cimenterie à El-Arich, dans le nord de la péninsule du Sinaï, où les troubles récurrents se sont intensifiés depuis deux semaines. Certains parlent de groupes lourdement armés, et un policier a été tué dans cette région.

GOUVERNEMENT BEBLAWI PRESQUE FORME

De son côté, le nouveau Premier ministre Hazem Beblawi poursuit ses discussions pour la formation d’un nouveau gouvernement de transition. La liste serait même presque terminée, n’étaient des discussions pour l’intégration de franges modérées du courant islamiste. Hazem Beblawi, qui n’a pas exclu d’intégrer des Frères musulmans dans son cabinet, poursuit ses tractations pour constituer son gouvernement. Selon M. Beblawi, la composition du gouvernement pourrait être annoncée mardi ou mercredi et a réaffirmé que ses priorités seraient de restaurer la sécurité, d’assurer la fourniture des biens et services et de préparer les prochaines échéances électorales. C’est dans ces conditions difficiles que Washington, inquiète de la tournure des événements en Egypte, a envoyé hier au Caire pour une visite de deux jours, le secrétaire d’Etat adjoint William Burns, la première de la part d’un officiel américain depuis le renversement de M. Morsi. Les Etats-Unis, qui se sont abstenus de dénoncer le ‘’putsch » les militaires contre le président Morsi, tout comme l’UE d’ailleurs, suivent depuis la situation de près. D’autant que l’Egypte est depuis des décennies un allié-clé au Proche-Orient pour les Américains, qui apportent à l’armée égyptienne une aide annuelle de 1,3 milliard de dollars, sur 1,5 milliard d’assistance au total. Enfin, le président français François Hollande et le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon ont appelé hier à Paris à la fin des affrontements en Egypte et à la reprise «d’un processus politique».