Une année terrible

UNE ANNEE TERRIBLE

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 24 décembre 2013

« Ils lui ont mis le couffin» ! Dans nos contrées autoritaires, les avocats, sans se concerter, ont trouvé la formule pour désigner la propension des régimes à mettre toutes les charges imaginables prévues dans le code pénal contre les opposants. Pour les bâillonner et les éliminer. L’Egypte qui a connu une année dramatique avec un coup d’Etat militaire appuyé par les libéraux, les laïcs et la gauche, suivi du terrible carnage de Rabaa Al Adawiya, nous en offre une caricaturale illustration. Le président Mohamed Morsi, élu démocratiquement et destitué par l’armée, est accusé d’incitation au meurtre de manifestants.

Mais la main lourde d’une justice qui se fait fort de traduire en charges les désirs du pouvoir ne s’est pas retenue pour ajouter, dans le couffin, la charge «d’espionnage» et de «conspiration» avec des organisations étrangères en vue de commettre des «actes terroristes». Les preuves ? Dans l’esprit des juges de l’autoritarisme, il n’est point besoin d’aucune imagination pour remplir ce couffin, il suffit de manquer de pudeur. Les «grands ennemis» avec lesquels Mohamed Morsi et les Frères musulmans auraient conspiré ne sont autres que le Hamas et le Hezbollah. De «pures inventions» et des «mensonges», a rétorqué le Hamas, mais le procureur n’en démord pas : son dossier est celui de «la plus grande conspiration de l’histoire de l’Egypte». C’est absolument affligeant pour un pays qui dispose d’une élite instruite d’accepter ce dévoiement aussi grossier de la justice.

Depuis la destitution de Mohamed Morsi, le pouvoir militaire mène une campagne sans merci contre les Frères musulmans et il n’admet d’ailleurs pas que l’on sorte des rangs. Trois militants révolutionnaires «non islamistes» viennent d’écoper de trois ans de prison ferme pour manifestation illégale. Ahmad Maher, fondateur du Mouvement du 6 Avril, ainsi que Ahmad Doma et Mohamed Adel, deux autres dirigeants du mouvement contestataire, rejoignent les milliers de «Frères musulmans» dans les geôles. C’est une loi sur les manifestations destinée à réprimer les manifestations, incessantes malgré la violence de la répression, organisées par les FM, qui s’applique ainsi à ces révolutionnaires. Une illustration éloquente du fait qu’un régime autoritaire même s’il a une cible principale, le mouvement politique le plus fort, en l’occurrence les Frères musulmans, ne tolère pas non plus leurs adversaires.

Les laïcs, les libéraux et les militants de gauche qui approuvent ouvertement – ou silencieusement – la répression sont, eux aussi, potentiellement passibles d’accusation d’intelligence avec l’ennemi. Le couffin du code pénal leur est opposable. Le terrain est largement balisé pour le général Sissi.

IL EST DEJA LE PRESIDENT DE FAIT, IL SERA LE PRESIDENT FORMEL. L’IMPACT, DURABLE, DE LA CONTRE-REVOLUTION EN COURS AVEC DE TRES PUISSANTS ACCENTS REVANCHARDS DES TENANTS DU REGIME DE MOUBARAK EST UNE ACCENTUATION DE LA POLARISATION DE LA SOCIETE EGYPTIENNE. ET IL NE PEUT EN SORTIR RIEN DE BON. L’ANNEE 2013 POUR L’EGYPTE EST TOUT SIMPLEMENT UN MONSTRUEUX ET SANGLANT RETOUR EN ARRIERE.