Rencontre à paris entre les deux principaux rivaux de la crise libyenne

Rencontre à paris entre les deux principaux rivaux de la crise libyenne

Des élections au printemps

El Watan, 26 juillet 2017

Le nouvel émissaire de l’Organisation des Nations unies, Ghassan Salame, et le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, ont participé à cette rencontre. Les deux rivaux libyens se sont entretenus, avant ce rendez-vous, séparément avec le président français.

Les deux principaux rivaux dans la crise libyenne, le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez Al Sarraj, et l’homme fort de l’est du pays, le maréchal Khalifa Haftar, se sont rencontrés hier à Paris, sous l’égide du président français, Emmanuel Macron. Le nouvel émissaire de l’Organisation des Nations unies (ONU), Ghassan Salame, et le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, ont pris part à cette rencontre. Les deux rivaux se sont entretenus, avant ce rendez-vous, séparément avec le président français.

Les deux protagonistes se sont mis d’accord sur des élections «au printemps», a annoncé Emmanuel Macron, saluant leur «courage historique», cité par l’AFP. «Ce qui est extrêmement important, c’est que l’un et l’autre ont acté un accord en vue des élections au printemps prochain», a affirmé le Président au cours d’une conférence de presse, à l’issue des discussions. Comme ils ont adopté, pour la première fois, une déclaration commune de sortie de crise, appelant à un cessez-le-feu et à l’organisation d’élections le plus rapidement possible.

Le texte en dix points réaffirme que seule une solution politique permettra de sortir de la crise libyenne et réitère la validité des accords de Skhirat, signés en 2015 sous l’égide de l’ONU. «C’est un processus qui est essentiel pour l’Europe toute entière, car si nous ne réussissons pas ce processus, à travers les risques terroristes, à travers les conséquences migratoires qu’un tel échec produirait, les conséquences sur nos pays sont directes», a indiqué le président français.

Et d’ajouter : «Le peuple libyen mérite cette paix et nous la lui devons.» Le cessez-le-feu prévu ne doit pas s’appliquer à la seule lutte antiterroriste, précise le texte, qui appelle également à la démobilisation des combattants, des milices et à la constitution d’une armée libyenne régulière. Il souligne aussi la nécessité de bâtir un Etat de droit en Libye et d’y respecter les droits de l’homme.

Un pays «somalisé»

Outre les factions armées issues de l’insurrection de 2011 et les groupes djihadistes, le pays est embourbé dans une crise politique marquée par la rivalité de deux gouvernements, chacun se considérant légitime : celui de Tobrouk, où s’est replié le Parlement issu des élections législatives de 2014, et celui du GNA, installé à Tripoli en mars 2016 soutenu par les Nations unies et la communauté internationale. En plus, le général Haftar, autoproclamé chef de l’Armée nationale libyenne (ANL), s’impose comme un des acteurs incontournables de l’échiquier politique libyen.

Cependant, le GNA peine à asseoir son autorité sur l’ensemble du pays et ne contrôle que quelques régions dans l’Ouest. Ainsi, il a échoué à créer un Etat-nation dans un pays où le système tribal et plus de 40 ans de dictature ont laminé toute notion d’institution. Or, un des défis pour mettre fin aux violences et à l’insécurité serait la mise en place d’institutions, entre autres, gouvernement, armée, police, capables d’exercer leur autorité sur l’ensemble du pays.

A l’est, dans la Cyrénaïque, une autorité rivale règne sur de vastes territoires : le maréchal Khalifa Haftar impose son autorité. En février, dans une interview à l’hebdomadaire français Journal du dimanche (JDD), le maréchal Haftar a demandé à la communauté internationale de laisser les Libyens gérer seuls leurs affaires. «C’est aux Libyens de décider ce qui est bon pour eux. La communauté internationale ne devrait que soutenir ces décisions.» Le maréchal, qui s’est rapproché de la Russie, se dit prêt à s’allier aussi avec la nouvelle administration américaine dans la lutte contre le djihadisme.

«Si la Russie et les Etats-Unis se rapprochent dans le but d’éradiquer le terrorisme, cela peut nous aider. Nous allons serrer la main aux deux. Nous nous allierons à eux», a-t-il indiqué. Quant à la France, qui soutient Al Sarraj, il lui demande surtout du renseignement. «La France soutient politiquement des acteurs qui n’ont aucun pouvoir. Mais ça nous irait, si nous recevions de l’aide en termes d’information et de renseignement», avait-il relevé.

Les forces menées par Khalifa Haftar, soutenues par l’Egypte et les Emirats arabes unis, ont enregistré récemment une importante victoire contre les djihadistes dans la ville de Benghazi (est). Mais des milices de Misrata, ville située à 200 kilomètres à l’est de Tripoli, se sont alliées au GNA lui permettant de chasser les éléments du groupe Etat islamique (EI) de la ville côtière de Syrte.

Le Fezzan (centre et sud) constitue la zone de tous les trafics avec une mosaïque de forces tribales et ethniques en lutte pour le contrôle de la contrebande et des champs pétroliers. Les Touareg contrôlent notamment les frontières avec le sud de l’Algérie et la partie occidentale du Niger et les Toubous sont présents dans la zone frontalière avec le Niger, le Tchad et une partie du Soudan. De leur côté, les tribus arabes, dont celles de Sebha et de Koufra, soutiennent le GNA. Des affrontements réguliers opposent la minorité toubou, alliée à Khalifa Haftar, à des tribus arabes qui soutiennent le GNA..

Fin 2015, l’Italie, ancienne puissance coloniale de la Libye, a accueilli une réunion internationale axée sur un règlement politique de la crise libyenne. Rome a donné son accord en février 2016 à l’utilisation, au cas par cas, de drones déployés sur la base américaine de Sigonella, en Sicile, pour combattre l’EI en Libye. Depuis plusieurs semaines, l’Italie exhorte, de son côté, ses partenaires européens, notamment la France, à apporter une «contribution concrète» pour endiguer les départs, mais surtout ouvrir leurs ports aux bateaux chargés de migrants, ce qu’ils refusent toujours de faire.
Amnay idir