Les Arabes font le minimum à Beyrouth

Les Arabes font le minimum à Beyrouth

Par K.Selim, Le Quotidien d’Oran, 8 août 2006

Les chefs de la diplomatie arabe réunis dans Beyrouth assiégé par les bombes sont sortis avec le minimum: soutien total au plan de sortie de crise en sept points du chef de gouvernement libanais Fouad Siniora et envoi d’une délégation à New York pour demander l’amendement du projet de résolution américano-français qui est outrageusement en faveur d’Israël.

La délégation, qui s’est envolée immédiatement pour New York, est conduite par le secrétaire général de la Ligue, Amr Moussa, accompagné par les chefs des diplomaties du Qatar et des Emirats arabes unis. Le secrétaire général de la Ligue arabe a été chargé également de préparer un sommet arabe extraordinaire. Mais ce projet de sommet extraordinaire demandé par l’Arabie Saoudite demeure vague et n’est pas réellement tranché. Fouad Siniora, dans une intervention devant les ministres arabes, a déclaré qu’il n’était pas satisfait du projet américano-français car il ne mentionne pas un cessez-le-feu immédiat et un retrait des troupes israéliennes. Toute résolution internationale doit satisfaire à deux exigences, le respect de la souveraineté du Liban et qu’elle soit applicable. Il a appelé les Arabes à une position «ferme» pour amender le projet de résolution des Américains et des Français. Comparée à la dernière réunion du Caire où certains pays arabes n’étaient pas loin d’apporter une caution à l’agression israélienne, la réunion de Beyrouth a donné lieu à l’expression d’un consensus devenu rare entre les gouvernements arabes. La résistance libanaise et le puissant soutien qu’elle reçoit au sein des opinions arabes et musulmanes contraignent désormais ceux qui pensaient qu’Israël allait régler l’affaire en quelques jours, à penser à leurs arrières. Le chef de la diplomatie qatarie qui a estimé «positive» la réunion des ministres a indiqué que l’endurance de la résistance libanaise a permis de recadrer les positions des Etats arabes en question.

Plus question donc d’approuver – du moins publiquement – un projet de résolution américano-français qui consacre en réalité l’occupation des terres libanaises et légitime la guerre sioniste contre le peuple libanais. Et surtout qui est absolument inapplicable même si de son ranch de Crawford, le président américain, George W. Bush, met la pression pour faire adopter cette résolution. Le Premier ministre Fouad Siniora qui a pleuré en évoquant les souffrances des Libanais devant les ministres arabes pouvait, après le départ de ceux-ci, dire à la presse de manière claire que les 22 Etats de la Ligue arabe apportent «soutien complet, complet, complet aux sept points adoptés par le gouvernement libanais».

L’attachement du gouvernement libanais au plan en 7 points qui semble avoir surpris la France, co-rédactrice du projet de résolution, s’explique. Il est impossible d’appliquer le projet américain sans se heurter de front à la résistance libanaise et sans provoquer des déchirements internes qui ont été, jusque-là, évités. On peut imaginer le scénario catastrophe pour le Liban avec le million de personnes déplacées qui ne peuvent retourner dans leurs foyers avec la présence des troupes sionistes.

L’attitude de la France, supposée connaître le Liban de manière «intime», est incompréhensible. Le projet de résolution qu’elle a parrainé avec les Américains ne peut qu’affaiblir le gouvernement libanais et rendre la résistance islamique libanaise encore plus rétive à l’idée de remettre les armes.

Le plan en sept points accepté par l’ensemble des courants politiques libanais – y compris le Hezbollah malgré des réticences – est le plus faisable et le plus pratique. Le projet américano-français risque, on peut se demander si telle n’est pas son intention, de provoquer des dissensions très graves au sein de la société libanaise. Les Etats arabes sont-ils en mesure de l’amender – la question du retrait de troupes israéliennes hors du Liban n’est pas discutable pour la résistance – alors que les Américains veulent l’imposer ? Quelle sera leur réaction si le projet passe grâce au forcing des Américains ? Le sommet arabe pourra-t-il apporter un début de riposte et affirmer une volonté arabe devenue inexistante ? Le test de Beyrouth, s’il n’est pas honteux pour les Etats arabes, n’est pas encore concluant. C’est bien le Premier ministre «modéré», selon les canons de Washington, qui a fixé le niveau minimal: «Il est impératif que l’ennemi israélien mette un terme à ses actes d’agression et se retire immédiatement (…), remette (les territoires qu’il occupe) à une force internationale, échange ses prisonniers et signale les champs de mines».

C’est bien là l’ordre du jour du 27ème jour d’agression où au moins 34 Libanais ont été tués dans des raids et des bombardements israéliens. Le pire a été évité au village de Houla où l’on a sorti miraculeusement une soixantaine de personnes de sous les décombres d’un immeuble bombardé. Fouad Siniora qui avait annoncé une quarantaine de morts a rectifié, soulagé, en indiquant que les personnes avaient été sauvées et qu’il y avait un seul mort dans cette attaque. Beaucoup d’autres Libanais n’ont pas eu cette chance à Ghassaniyé, Ghaziyé, Tyr, Nabatiyé…