In Amenas, des missiles enterrés dans le sable

Trafic d’armes à la frontière avec la Libye

In Amenas, des missiles enterrés dans le sable

El Watan, 20 février 2012

C’est un véritable arsenal de guerre qui a été découvert par les services de sécurité algériens dans la région d’In Amenas.

L’information, rapportée hier par notre confrère électronique DNA-Algérie (dna-algerie.com) et confirmée par nos sources, donne une autre acuité aux craintes sur la circulation des armes dans la suite de la révolution libyenne. 15 missiles antiaériens portables SA-24 et 28 missiles sol-air SAM-7 de fabrication russe, en plus d’une importante quantité de munitions, ont été ainsi découverts récemment par les services de sécurité algériens, apprend-on de sources sécuritaires.
Bien dissimulé sous le sable, le lot a été localisé et déterré à une soixantaine de kilomètres au sud d’In Amenas et à 3 km de la RN3 reliant In Aménas à la wilaya d’Illizi, à 43 km de la frontière libyenne.

Une autre cache d’armes a été découverte dans le même périmètre avant-hier, affirment nos sources, sans pour autant préciser ni la quantité ni le type des armes déterrées. Issues d’un trafic qui tend à s’installer dans la région, ces armes font partie de l’arsenal de missiles libyen estimé à 20 000 unités que Mouammar El Gueddafi avait achetés à Moscou durant son règne. Ils seraient 10 000 selon la France, 5000 selon le CNT libyen, à avoir été dérobés et éparpillés dans le désert dans le contexte du chaos qui a vu l’effondrement de la dictature.

C’est grâce à des informations fournies par des contrebandiers et des passeurs activant dans ce couloir du désert que les services de sécurité ont pu réussir cette opération et continuent à récupérer ces armes destinées vraisemblablement à alimenter les activités terroristes des groupes d’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) présents sur les frontières des pays du Sahel.
«C’est une cache aménagée dans le sable. Les trafiquants utilisent des techniques artisanales, souvent pour préserver leur butin du contact du sable avant de le remettre aux acheteurs. Après avoir passé une couche de graisse sur la surface, ils enveloppent les armes, tous gabarits confondus, d’une bâche en plastique avant de les enfouir dans des fosses de plusieurs mètres de profondeur et de largeur. Pour localiser le lieu de la cache, ils enregistrent les coordonnées à l’aide d’un GPS, puis les communiquent à leurs clients après la transaction», expliquent les mêmes sources.Le risque de voir les fameux missiles sol-air portatifs pénétrer sur le territoire algérien, déjà évoqué, devient donc une réalité.
redoutables,

Faciles à manier

Le choix du trafic est porté sur ce type d’arme parce qu’il peut être utilisé par les terroristes sans formation et sans difficulté de déplacement. Mieux encore, ces armes ne nécessitent pas de compétences particulières pour assurer la maintenance électronique de leurs systèmes. «Les missiles SAM-7 menacent sérieusement l’aviation civile. Ils peuvent atteindre des avions volant de 3500 à 4000 mètres d’altitude. Une sérieuse menace à prendre en compte pour les avions en décollage ou atterrissage dans les aéroports de la région, notamment celui de Zarzaitine à In Amenas», estime-t-on.

Le phénomène, qui inquiète au plus haut point, a fait réagir l’institution militaire algérienne qui a déployé des forces dans les régions frontalières du Sud et du Sud-Est. Composées de fantassins, de gendarmes, de douaniers et de membres des unités spéciales, les forces terrestres ont été renforcées dans les régions situées le long des frontières avec la Libye et le Mali. Quotidiennement, elles sillonnent tous les couloirs du désert empruntés par les terroristes et les contrebandiers. Les responsables militaires sont à l’affût de la moindre information ayant trait à ce genre de trafic. Ils ont pu démanteler plusieurs réseaux de trafiquants et réussi à bloquer 30 corridors secrets, principaux itinéraires d’infiltration empruntés par les trafiquants et les terroristes, dans le cadre d’un plan de sécurité initié conjointement avec le Niger et le Mali.

En 2011, les services de sécurité avaient arrêté 87 Libyens qui se sont avérés des trafiquants d’armes ou de matériels prohibés destinés aux groupes terroristes. L’Algérie a maintes fois tiré la sonnette d’alarme quant à l’existence d’un trafic d’armes sur sa bande frontalière.
Gaidi Mohamed Faouzi


«Les missiles Sam-7 peuvent cibler des hélicoptères et des avions»

Les armes découvertes dans la région d’In Amenas confirment toutes les craintes formulées jusqu’ici.

La circulation en nombre de cet armement constitue une menace pour la sécurité du pays et de la région. Il s’agit cette fois de missiles de type SA 24 et Sam-7. Les missiles de courte portée Sam-7, selon un expert en armement que nous avons contacté hier et qui souhaite garder l’anonymat, sont très dangereux pour l’aviation civile et militaire. «Le Sam-7 est un missile sol-air doté d’une tête infrarouge, appelée également tête chercheuse. Il est utilisé contre des objectifs aériens qui dégagent de la chaleur, comme le réacteur d’un avion ou d’un hélicoptère», explique notre source. S’il est utilisé par des professionnels, ce genre de missile peut causer des dégâts importants. «Ils présentent un danger même pour les avions de transport. Car si les Sam-7 sont tirés à proximité d’un aéroport, au décollage ou à l’atterrissage, ils peuvent détruire les avions.»

Longs de 2 mètres, ces missiles sont tirés à l’aide d’un lance-roquettes en évitant, précise notre source, l’angle zéro et le soleil. Et d’ajouter : «Avec ce genre de missile, on ne peut pas viser des objectifs à l’horizontale parce que la tête infrarouge serait attirée vers le sol.» Le transport de ce genre d’arme nécessite, selon l’expert, beaucoup de précautions. «La tête infrarouge est très sensible. Si elle n’est pas bien entretenue, elle risque d’être abîmée et n’aura plus la même efficacité», indique encore la même source.
Cette découverte confirme donc l’existence d’une sérieuse menace contre les avions militaires et ceux des compagnies pétrolières activant dans le sud du pays. Pour rappel, l’ambassade des USA en Algérie avait alerté, en septembre 2011, contre des menaces terroristes ciblant des avions affrétés par des compagnies pétrolières américaines et britanniques opérant dans le Sud algérien.

«L’ambassade américaine à Alger a été informée de menaces (…). Bien que nous et nos partenaires internationaux ayons mis une pression considérable sur Al Qaîda et beaucoup amoindri ses capacités, y compris sa capacité à lever des fonds, des recrues et à planifier des attaques en dehors de la région, nous continuons à faire face à une importante menace terroriste de la part d’Al Qaîda, de ses groupes et de ses adhérents», avait écrit le département d’Etat américain à l’époque.
Madjid Makedhi