Des conseils très « avisés »

DES CONSEILS TRES «AVISES»

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 14 octobre 2010

L’Algérie a ostensiblement boycotté la réunion des experts du Groupe d’action contre le terrorisme du G8 (GACT), réunis au Mali pour parler du terrorisme au Sahel. L’absence algérienne n’a rien de surprenant. Alger a en effet fait valoir depuis longtemps qu’une implication des Etats extérieurs à la région, outre le fait qu’elle est politiquement inacceptable, serait contreproductive.

Virginie Saint-Louis, l’ambassadrice du Canada à Bamako, pays vraiment très lointain du Sahel et dont les destinées sont aux mains d’un gouvernement néoconservateur très bushien, a présidé cette réunion. Et après un laïus sur le caractère nocif de l’Aqmi et du peu de cas qu’elle fait de la souveraineté des Etats, l’ambassadrice a souhaité aux Etats du Sahel «d’agir collectivement», ce qui est du bon sens. Ce qui l’est beaucoup moins est l’appel lancé par cette dame aux Etats sahéliens pour travailler avec des puissances «en dehors de la région» et de construire «une confiance mutuelle par le biais d’exercices et d’entraînements communs».

Le message est très clair. Il ne reste plus qu’à suggérer que l’armée des Etats-Unis et, bien accessoirement, l’armée canadienne viennent s’installer directement dans la région.

Un diplomate est, par fonction, très prudent dans ce qu’il énonce. A priori, l’ambassadrice du Canada chez nos voisins maliens n’a pas fait de lapsus. Elle exprime clairement un souhait extérieur d’être directement présents dans la région du Sahel. L’Aqmi, dont il ne s’agit pas de nier la réalité, sert de prétexte pour une remise au goût du jour des visées impériales.

L’uranium et les richesses minières sont de vraies raisons. Ces richesses sont d’ailleurs en bonne partie entre les mains de multinationales étrangères. Mais ce qui est recherché, c’est la raison profonde du carnage bushien en Irak, est un contrôle direct sur les pays où se trouvent ces richesses.

L’Afrique a, avec un certain succès, résisté à la tentative de mise en place, via l’Africom, de bases militaires impériales. Il y avait dans ce rejet une analyse juste et simple de ce qui s’est passé en Irak. Voilà un pays qui n’était pas une démocratie et qui ne l’est toujours pas après une guerre impériale qui a causé des centaines de milliers de morts et qui place l’Irak en situation de partition. Ce pays ne connaissait pas le terrorisme avant le débarquement des « civilisés » ; il le connaît désormais. Et ce terrorisme est mis en avant pour essayer de nuire à la réputation de tous les patriotes qui refusent l’emprise étrangère.

En clair, si les militaires américains prétendent aller partout où se trouvent Al-Qaïda, il n’est pas inutile de noter que partout dans l’aire islamique où les forces américaines sont présentes même discrètement comme en Arabie Saoudite -, ils suscitent de grosses et violentes vocations.

Il est clair que les pays de la région n’ont pas la même perception que l’Algérie sur la manière de traiter et de combattre le terrorisme. Mais de manière caricaturale, en demandant aux pays de la région de solliciter des puissances en dehors de la région, la diplomate canadienne exprime un point de vue américain et européen porteur de risque. La coopération régionale, qui n’est pas des meilleures, risque d’en pâtir durablement.