Ignacio Cembrero: Enlèvement de Tindouf : quelles conséquences pour l’Algérie et le Front Polisario ?

Trois questions à Ignacio Cembrero, journaliste à El País

Enlèvement de Tindouf : quelles conséquences pour l’Algérie et le Front Polisario ?

TSA, 28 octobre 2011

Ignacio Cembrero est journaliste au quotidien espagnol El País. Il est spécialiste du Maghreb et du dossier du Sahara occidental.

Quel est l’impact du kidnapping des trois Européens à Tindouf sur l’Algérie et le Front Polisario ?

Pour le Front Polisario, il est désastreux pour des raisons politiques et pratiques. Face aux accusations marocaines de connivences avec Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi), il s’est toujours présenté comme une barrière antiterroriste infranchissable. Et voilà que les terroristes frappent à Rabouni, au cœur de son dispositif. Pour ce faire ils doivent sans doute compter avec quelques complices sur place. La « barrière infranchissable » n’a pas tenu bon. Je suppose qu’il y a une enquête en cours et que des têtes vont tomber. Qui plus est, les terroristes frappent les volontaires, surtout espagnols, de la coopération internationale dont dépendent largement les camps de réfugiés. Pour l’Algérie, c’est un gros revers. Son armée est fortement présente dans la région. Le kidnapping s’est déroulé sur une portion de son territoire prêtée au Polisario, donc sur le sol algérien. Le Maroc n’a pas perdu une minute pour souligner la responsabilité algérienne dans cette affaire.

Près d’une semaine après le kidnapping, il n’y a toujours aucune revendication. Aqmi reste-t-elle la piste à privilégier ?

Je pense que c’est la seule piste. La revendication d’Ami met huit ou dix jours en général. Elle devrait se produire la semaine prochaine. Les otages sont au nord du Mali. Aqmi devrait aussi envoyer bientôt à l’Espagne et à l’Italie, les pays dont sont originaires les trois otages, ce que l’on appelle des « preuves de vie », c’est-à-dire des informations qui montrent que les trois captifs sont bien entre ses mains et qu’ils sont vivants.


La ministre espagnole des AE a indiqué avoir demandé à l’ONU d’étudier les moyens de renforcer la sécurité dans la zone du kidnapping. S’agit-il d’une imprudence de sa part ou existe-t-il un projet en ce sens ?

C’est une déclaration pour montrer que l’on fait quelque chose, que l’on est actif, mais, du point de vue pratique, cela ne signifie presque rien. Il y a eu débat au sein du gouvernement espagnol : fallait-il demander aux cinquante volontaires sur place, à Tindouf, de rentrer en Espagne ? Finalement cela ne s’est pas fait. On a un peu renforcé leur sécurité, mais ils sont restés dans les camps car leur présence est capitale pour les réfugiés.