Préparatifs pour l’entrée en activité du G5 au Sahel

PRÉPARATIFS POUR L’ENTRÉE EN ACTIVITÉ DU G5 AU SAHEL

Le dilemme d’Alger

Le Soir d’Algérie, 13 décembre 2017

Les préparatifs qu’effectue le G5 pour entrer dans sa phase active semblent avoir placé Alger dans un certain dilemme tirant son origine des limites constitutionnelles ne lui permettant pas de prendre part aux actions concrètes du groupe et encore moins d’ouvrir ses frontières aux forces africaines qui seront tout prochainement déployées dans la région.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Tout naturellement, l’Algérie marquera sa distance avec les prochains évènements qui se dérouleront à ses frontières en ne prenant pas part à la réunion qui se tiendra demain à Paris pour évaluer l’avancée des travaux du G5.
Composé de cinq pays africains constituant en quelque sorte la ceinture du Sahel (Mali, Niger, Tchad, Mauritanie et Burkina Faso), le groupe est activement soutenu par la France, elle-même impliquée militairement au Mali et même au Niger.
Face à la dangereuse évolution de la situation sécuritaire dans ces zones, et son prolongement dans toute la région sahélienne, décision a été prise de mettre en place un front commun pour lutter efficacement contre l’avancée des groupes terroristes. Il y a environ trois mois, le groupe décidait de se réunir à Bamako en présence d’Emmanuel Macron, alors fraîchement élu. L’Algérie ne figure pas dans le lot. Elle n’a pas non plus été «conviée» à cet évènement régional.
Les interrogations nées de cette affaire ont fait couler beaucoup d’encre à ce moment en raison, non seulement de l’importance du processus envisagé, mais aussi et surtout en raison du rôle prédominant que tient le pays à travers sa position géographique et politico-sécuritaire. L’Algérie, doit-on le rappeler, est parraine de toutes les négociations menées de longues années durant entre le pouvoir central malien et les groupes rebelles du Nord lesquelles ont d’ailleurs abouti à la signature d’un accord pour la paix et la réconciliation.
Alger n’était donc pas présente non plus à Bamako. Mais à l’évidence, les discussions ayant précédé la rencontre se sont déroulées ailleurs. Conscient de la spécificité des lois algériennes, et sans doute désireux de ne pas heurter la sensibilité du voisin méditerranéen astreint à des principes de non-ingérence inaliénables, Macron semble avoir opté pour la solution du «direct».
Un coup de fil, d’ailleurs révélé par les services de l’Elysée, a été passé à son homologue algérien pour «discuter» du dossier malien, nœud gordien et élément (avec la Libye bien sûr) reflétant toute l’instabilité en cours au Sahel.
Selon les informations rapportées par la presse française, Emmanuel Macron a demandé à son homologue algérien de coopérer plus étroitement en vue d’une application urgente de l’accord de paix au Mali où les troupes françaises se trouvent durement enlisées. De la réponse algérienne, on n’en saura rien. Visiblement gênés, les services de la présidence algérienne se contentent de publier un communiqué évoquant l’entretien téléphonique qui s’est déroulé entre les deux hommes. Quelques semaines plus tard, se déroule la rencontre de Bamako.
Par différents canaux, l’Algérie officielle rappelle ses principes. Mais un certain forcing paraît s’effectuer pour que cette dernière trouve le moyen de transcender ses limites. La situation au Sahel figure d’ailleurs parmi les questions centrales abordées par les deux Premiers ministres (algérien et français) lors de la récente réunion du CHIN à Paris.
Durant cette rencontre, Ouyahia et Edouard Philippe ont ainsi convenu que «les deux parties, préoccupées par la situation sécuritaire qui prévaut au niveau de la bande sahélo-saharienne, caractérisée par la prolifération de la criminalité organisée sous toutes ses formes et sa conjonction avec le terrorisme transnational auquel elle offre un terreau fertile visant à déstabiliser la région de l’Afrique du Nord, du bassin occidental de la Méditerranée, ont manifesté le souhait de renforcer significativement la coopération pour faire face aux différentes menaces, en particulier le terrorisme».
S’agissant de la situation au Mali, les deux Premiers ministres «ont souligné la nécessité de la mise en œuvre diligente et intégrale de l’accord de paix avec l’appui politique technique et financier de la communauté internationale en vue de permettre un règlement durable de la crise qui affecte le Mali». Les deux hommes ont également fait part de leurs inquiétudes en raison du retard observé dans la mise en place du processus et «appelé à une implication plus active et une appropriation effective par les parties du processus de mise en œuvre de l’accord de paix».
Vingt-quatre heures avant la rencontre du G5 à Paris (aujourd’hui mercredi), un appel en direction d’Alger a été lancé par l’Elysée. «L’Algérie est associée et doit être associée au G5 Sahel», fait savoir cette dernière en rappelant qu’aucune opération ne pouvait être menée sans discussions avec les partenaires de l’Afrique du Nord. Il faut savoir que l’Union africaine sera présente à cette rencontre aux côtés de partenaires issus de l’Union européenne mais aussi des représentants de puissances arabes (l’Arabie Saoudite et le Qatar, notamment) qui se sont engagés à fournir une aide financière pour l’entrée en activité du G5. De son côté, l’Algérie préfère maintenir un silence «officiel» sur la question, mais y réfléchit intensément…
A. C.


G5 Sahel : l’Algérie absente, l’Arabie saoudite pour apporter un soutien financier

Fayçal Métaoui, TSA, 13 Déc. 2017

Les pays membres de la force militaire conjointe G5 Sahel tiennent un sommet, ce mercredi 13 décembre, à Paris. Les présidents du Tchad, du Niger, de Mauritanie, du Burkina Faso et du Mali se réunissent avec le président français Emmanuel Macron.

L’Elysée a invité, à cette réunion, la chancelière allemande Angela Merkel, le tchadien Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel Al Joubeir, le ministre émirati des Affaires étrangères, Abdullah Bin Zayed Al Nahyan, et une vingtaine de délégations étrangères.

« Je suis arrivé à Paris ce mercredi pour prendre part à une réunion de soutien au G5 Sahel pour accélérer son opérationnalisation », a écrit le président burkinabé, Roch Kaboré, sur son compte Twitter. « Ce n’est pas une réunion de plus. C’est une réunion qui nous permettra d’échanger sur l’évolution de la situation sur le terrain, qui est très rapide, ce qui exige de nous des rencontres et des réflexions fréquentes et nous adapter, à chaque fois, à la situation qui, comme vous le savez, se dégrade. C’est donc une réunion capitale. J’espère qu’elle nous permettra d’avancer », a déclaré, pour sa part, le président tchadien Driss Deby, à RFI.

Selon M. Deby, la question du financement du G5 Sahel se pose avec acuité. « La lutte contre le terrorisme n’est pas simplement une affaire des pays du G5 ou des pays africains. C’est un phénomène mondial. Il faut des ressources. Nous avons des hommes et des moyens. Nous sommes engagés, mais il nous faut des ressources pérennes », a-t-il plaidé.

C’est tout l’enjeu de la réunion de Paris : trouver des sources de financement durables pour le fonctionnement du G5 Sahel qui doit regrouper à termes 5000 hommes. « Une force qui n’est pas encore prête à subir l’épreuve de feu. Et le budget de 423 millions d’euros nécessaire pour équiper (chaussures, gilets pare-balles), former, encadrer et armer ces milliers de futurs combattants n’est toujours pas bouclé. Seuls l’Union européenne (50 millions de dollars) et les États-Unis (51 millions, si le Congrès donne le feu vert) se sont montrés un tant soit peu généreux », écrit l’hebdomadaire Le Canard Enchaîné.

Soutien financier de Ryad

L’Arabie saoudite, qui tente de construire sa propre Alliance antiterroriste avec plusieurs pays musulmans, a promis de dégager 100 millions de dollars pour le G5 Sahel. Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères, s’est déplacé à Ryad, début décembre 2017, pour plaider la cause du G5 Sahel. « Le Mali en tant que membre de la Coalition militaire islamique contre le terrorisme (initiée par Ryad) et président en exercice du G5 Sahel a souligné l’importance du soutien du Royaume d’Arabie saoudite aux initiatives du G5 Sahel », a déclaré, cité par la presse malienne, Abdoulaye Diop. Il a salué dans la foulée « la générosité, la solidarité et la fraternité » de Ryad.

À Paris, l’Arabie saoudite devrait officialiser sa décision. En contrepartie, Ryad, en guerre diplomatique et politique contre le Qatar et l’Iran, souhaite que les pays membres du G5 Sahel, tous musulmans, se joignent ou contribuent plus efficacement à la Coalition antiterroriste, lancée le 26 novembre 2017 à Ryad, et regroupant, pour l’instant, une quarantaine de pays dont le Nigéria, la Turquie, l’Egypte et le Pakistan. Le but de cette coalition est, entre autres, de « mobiliser et coordonner les ressources, faciliter les échanges d’informations et aider les pays membres à bâtir leurs propres capacités en matière de lutte contre le terrorisme ».

Absence de l’Algérie

Pays leader en matière de lutte contre le terrorisme en Afrique et dans la région arabe, l’Algérie n’est présente ni dans la Coalition de Ryad ni dans le G5 Sahel de Paris. Attachée à sa doctrine de ne pas engager des troupes en extérieur, Alger refuse d’adhérer à des alliances qui exigent des opérations en dehors de son territoire.

Lors du sommet Union africaine-Union européenne, fin novembre 2017, le premier ministre Ahmed Ouyahia a rappelé les efforts de l’Algérie menés dans la zone Sahel avec l’octroi de 100 millions de dollars pour les cinq pays de la région (Libye, Mauritanie, Niger, Mali et Tchad) pour lutter contre le terrorisme. « Sur sept ou huit ans, l’Algérie a dépensé plus de 100 millions de dollars d’aide à cinq pays de la sous-région du Sahel pour former une dizaine de compagnies de forces spéciales et leur donner d’énormes équipements. L’implication solidaire de l’Algérie dans la lutte antiterroriste, dans la sous-région sahélienne, est organisée depuis plus de 10 ans à travers le Comité d’état-major opérationnel des armées (CEMOC) (basé à Tamanrasset) et d’autres mécanismes de coopération », a-t-il expliqué.

Alger, en langage plus simple, ne veut pas d’une autre structure qui évacue le traitement politique en profondeur de la question selon une approche afro-africaine et qui sera « un moyen » pour rendre durable la présence de troupes étrangères à ses frontières dans la mesure où le G5 Sahel ne peut pas fonctionner sans l’appui technique et stratégique français, voire allemand.

« L’Algérie doit être associée au G5 Sahel »

Ouyahia a souligné « la mollesse » de l’Union européenne dans le financement du G5 Sahel. « Sans polémique aucune, l’Union européenne a annoncé une aide de 50 millions de dollars pour la force G5 Afrique. Cette aide provient de 28 pays de l’UE sans être sûr si elle est débloquée ou non », a-t-il noté.

L’Union africaine, de son côté, n’a donné aucun signe de vouloir soutenir financièrement le G5 Sahel dans le futur. À Alger, le président français, en visite courte le 6 décembre 2017, a tenté de convaincre les autorités algériennes de « la nécessité » d’appuyer l’initiative G5 Sahel. Sans succès, visiblement.

À l’Elysée, la présence de l’Algérie dans l’action future du G5 Sahel est perçue comme nécessaire. « L’Algérie est associée et doit être associée au G5 Sahel. Si l’on accroît l’opération militaire au Sahel, il faut que cela se fasse en concertation avec les voisins du Nord », a déclaré, à TSA, une source à l’Elysée.

Sans l’appui de l’Algérie, le G5 Sahel n’aura pas la capacité opérationnelle et l’efficacité de terrain pour contrer et pourchasser les groupes terroristes sur le moyen terme. Mais, l’Algérie ne veut pas y adhérer ne serait que par l’échange d’informations. Un véritable dilemme pour les promoteurs du projet.