Le Conseil constitutionnel français à propos de la guerre d’Algérie: Les victimes algériennes peuvent prétendre à une pension

Le Conseil constitutionnel français à propos de la guerre d’Algérie

Les victimes algériennes peuvent prétendre à une pension

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 10 février 2018

Toutes les personnes qui résidaient en Algérie et qui ont été victimes d’actes de violence pendant la guerre de libération nationale pourront dorénavant prétendre à des pensions versées par la France. Le Conseil constitutionnel français a étendu jeudi dernier ce droit à l’ensemble des personnes qui résidaient alors dans le pays et quelle que soit leur nationalité.

Les sages ont ainsi censuré les mots «de nationalité française» qui réservaient jusqu’alors ces avantages aux seules victimes françaises. A l’origine, le législateur avait justifié la création de ce droit pour les victimes françaises par «la carence du gouvernement algérien» à assurer le paiement des rentes à ces victimes prévues dans les accords d’Evian.

Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 23 novembre 2017 par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité posée pour Abdelkader K., victime à l’âge de 8 ans des violences liées au conflit en Algérie, par son avocate du barreau de Rennes. Abdelkader K. contestait un article d’une loi de 1963 instaurant le régime d’indemnisation des personnes de nationalité française victimes de dommages physiques subis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962. Selon le Figaro, ce dernier qui réside aujourd’hui à Bordeaux, a été blessé, en 1958 alors qu’il était âgé de 8 ans, par balle à l’abdomen lors d’un attentat à Mascara. Les sages ont considéré que la différence de traitement entre victimes françaises et étrangères n’était pas plus acceptable en ce qui concerne les ayants droit des victimes décédées.

«C’est une décision très forte mais parfaitement logique», a réagi auprès de l’AFP l’avocate du requérant, Me Jennifer Cambla. «On avait du mal à comprendre cette différence de traitement dans la mesure où tous les Algériens étaient Français durant la guerre d’Algérie.

Ce n’était donc pas juste de penser que seuls les Français pouvaient bénéficier de ce droit à pension», a-t-elle expliqué en évoquant la fin d’un long combat judiciaire. En mars 2016, l’avocate avait déjà obtenu une première victoire. Jusque-là, une disposition de la même loi exigeait d’avoir été Français à la date de sa promulgation pour pouvoir prétendre à une pension. Une disposition que le Conseil constitutionnel avait alors censurée. «Mon client, Chérif Y., blessé par balle durant la guerre d’Algérie mais qui n’a obtenu la nationalité française qu’après la loi, a pu, grâce à cette décision, obtenir une pension de 150 euros par mois», a-t-elle rappelé. Pour l’avocate, «les personnes concernées, dont il est difficile d’évaluer le nombre, attendent avant tout la reconnaissance par la France de leur statut de victime, car les pensions ne représentent pas beaucoup d’argent».

Les victimes ou leurs ayants droit peuvent faire valoir leur droit à un rattrapage sur les cinq années précédant la décision du Conseil constitutionnel, précise-t-elle. Dans leur décision, les sages relèvent aussi que l’objet des dispositions contestées était «de garantir le paiement de rentes aux personnes ayant souffert de préjudices résultant de dommages qui se sont produits sur un territoire français à l’époque». Ils jugent que le législateur de l’époque «ne pouvait, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, établir (…) une différence de traitement entre les victimes françaises et celles, de nationalité étrangère, qui résidaient sur le territoire français au moment du dommage qu’elles ont subi». Les sages considèrent enfin que cette différence de traitement n’est pas plus acceptable en ce qui concerne les ayants droit des victimes décédées.