Le candidat de l’UMP veut réhabiliter les rapatriés d’Algérie
Le Monde, 21 avril 2007
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-899065,0.html
Une lettre adressée le 16 avril par Nicolas Sarkozy au président du Comité de liaison des associations de rapatriés (CLAN-R), Denis Fadda, circule depuis deux jours dans le milieu pied-noir. Le candidat y redit son « engagement de ne jamais sombrer dans la démagogie de la repentance » : « Si la France a une dette morale, c’est d’abord envers » les Français d’Algérie rapatriés. Le 31 mars, devant des représentants de la communauté harkie, M. Sarkozy s’était engagé à « reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre de harkis », en 1962.
Dans sa lettre aux rapatriés, M. Sarkozy « souhaite que les victimes françaises innocentes de cette guerre, jusqu’à l’indépendance, et, tout particulièrement, les victimes du 26 mars 1962 (l’armée française a tiré sur une manifestation organisée par l’OAS à Alger, faisant 56 morts), se voient reconnaître la qualité de « morts pour la France » et que leurs noms figurent sur une stèle officielle afin que personne n’oublie ces épisodes douloureux ». Il semble ainsi ne retenir que les morts européens. « Il y a pourtant eu entre 300 000 et 400 000 morts du côté algérien », rappelle l’historien Benjamin Stora.
Dans ce courrier, M. Sarkozy rouvre le dossier de l’indemnisation des rapatriés clos par Jacques Chirac en 1987. Il s’engage à créer une commission indépendante devant établir « précisément un état des lieux sur l’ensemble des dossiers concernant les rapatriés, notamment sur les taux d’indemnisation, le désendettement, les retraités et toutes les situations spécifiques qui n’ont pas été réglées ». Elle devrait faire des propositions avant la fin 2007, afin que des mesures soient budgétées dès 2008.
En s’engageant auprès des rapatriés, « par respect », à ce que la date officielle de la commémoration des morts de la guerre d’Algérie ne soit pas le 19 mars, « celle, dit-il, d’un cessez-le-feu, qui, de surcroît, n’a pas été respecté », le candidat écarte l’idée d’un travail historique commun entre Français et Algériens. « Nous devons aujourd’hui construire ensemble l’avenir, sans repentance, sans réécrire notre histoire avec l’Algérie », affirme-t-il.
« Cinquante ans plus tard, écarter toute possibilité que des historiens français et algériens puissent travailler ensemble, c’est soutenir qu’aucun compromis n’est possible. On ne peut pas demander aux Algériens de reconnaître leurs exactions alors que nous n’en reconnaissons aucune dans notre histoire officielle ! », s’indigne M. Stora, qui a ouvert la voie d’un travail commun avec l’historien Mohammed Harbi en 1984. « M. Sarkozy endosse la vision nostalgique de la colonisation, des pieds-noirs extrémistes, et fait ainsi resurgir l’article 4 de la loi du 23 février sur les aspects positifs de la colonisation qui a pourtant suscité une vive polémique », s’alarme Gilles Manceron de la Ligue des droits de l’homme.
PAS DE TRAITÉ AVEC ALGER
M. Sarkozy rejette aussi toute idée de traité avec l’Algérie. Quelques jours avant sa visite à Alger en novembre 2005, il avait déjà déclaré que « l’amitié n’avait pas besoin d’être gravée dans le marbre d’un traité ». Il écarte aujourd’hui toute relance de ce projet de traité voulu par M. Chirac puis abandonné après la polémique sur l’amendement consacrant le « rôle positif de la colonisation ».
Le candidat assure néanmoins tenir « à l’amitié franco-algérienne », mais il s’agit surtout pour lui d’établir des liens économiques : « L’Algérie a d’immenses ressources énergiques. La France maîtrise les technologies de l’électricité nucléaire. Nous devons trouver là les bases d’une coopération équitable », insiste-t-il. Pour M. Stora, ce rejet d’un traité d’amitié franco-algérien équivaut à « une déclaration de guerre envers l’Algérie ».
Laetitia Van Eeckhout
Article paru dans l’édition du 21.04.07