Projet de loi criminalisant le colonialisme : Une partie de la droite française irritée

Projet de loi criminalisant le colonialisme : Une partie de la droite française irritée

El Watan, 10 février 2010

La convention de partenariat algéro-française a été ratifiée, hier, par l’Assemblée française dans un « climat tendu » l Des députés de l’UMP se disent « troublés » par la proposition de loi de députés algériens criminalisant le colonialisme français l Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, estime « prématuré » de réagir.

Le projet de loi criminalisant le colonialisme français irrite une partie de la droite française. Hier, à l’Assemblée nationale française, le climat, tel que décrit par l’Agence France presse, était tendu, lors des débats ayant précédé la ratification de la convention de partenariat algéro-française. Après n’avoir pas réussi à obtenir le report de la séance, quelques députés de la majorité UMP ont voté contre la convention. Leur vote n’a cependant pas empêché sa ratification. Mais ils ont vivement protesté contre le projet parrainé par une centaine de députés algériens. Les avis restent tout de même partagés. Si le député UMP Thierry Mariani, qui a voté contre la ratification de la convention, considère le texte algérien comme une « insulte aux rapatriés qui ont vécu au milieu du peuple algérien jusqu’en 1962 » et à « l’ensemble de ceux qui ont servi en Algérie sous les couleurs du drapeau français, les harkis, les militaires professionnels, les appelés du contingent, qui se sentent méprisés et qu’on injurie une nouvelle fois », d’autres parlementaires appellent plutôt à la sagesse et à plus de lucidité.

« Nous avons été plus que troublés par la prise de position inacceptable de députés algériens », s’est indigné le député Jacques Remiller (UMP, majorité de droite). Mais pour lui, il ne faut surtout pas que « cet énième soubresaut de l’histoire entache sur le fond la volonté commune de travailler ensemble ». Une réaction plutôt mesurée. De son côté, le socialiste Bernard Derosier a émis le vœu que le gouvernement français ait « la sagesse de ne pas écouter les ultras », tout en qualifiant de « malvenue » l’inscription par Paris de l’Algérie sur une liste de pays à risque pour les transports aériens. Le secrétaire d’Etat à la Coopération, Alain Joyandet, appelle à « dépassionner le débat et regarder cette convention à l’aune de l’intérêt des peuples français et algérien ».

Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, a affirmé devant l’Assemblée que l’Exécutif algérien « n’a aucunement pris position » sur la proposition de loi criminalisant le colonialisme français, ajoutant que « son inscription à l’ordre du jour n’est donc pas certaine, car c’est le gouvernement algérien qui en a la maîtrise exclusive ». M. Kouchner estime ainsi prématuré pour réagir. « Aurait-il donc fallu que la France réagisse dès maintenant à un projet qui n’est encore qu’en phase de conception et qui ne fait l’objet d’aucun soutien de la part des Algériens ? Cela me semble prématuré », a-t-il jugé. Pour lui, le traitement du problème du dialogue et de la mémoire nécessite plus de « sérieux ». Le ministre de l’Immigration, Eric Besson, quant à lui, dit sur RMC « regretter cette proposition ».

Il s’agit pour lui d’un « sujet sensible », alors qu’il reste « encore des cicatrices ». Pour le ministre de l’Immigration, « il ne faut pas oublier la colonisation et la post-colonisation ». Mais il est temps de « dépasser » cette question. Au vote, l’UMP était divisée, le PS et le PCF, quant à eux, ont donné leur quitus pour la ratification. « Il ne s’agit pas de battre sa coulpe mais de reconnaître les vérités historiques des méfaits du colonialisme », a déclaré le communiste François Asensi (PCF). La convention de partenariat franco-algérienne avait été signée à Alger le 4 décembre 2007. Le Sénat l’avait déjà ratifiée en juillet. Cette convention a pour objectif de poursuivre et d’approfondir le processus de refondation des relations bilatérales, lancé par les deux pays en juin 2000 et confirmé par la déclaration d’Alger du 2 mars 2003.

Le texte vise à consolider leur coopération dans les domaines scientifique, technique, culturel et éducatif, de la gouvernance et élargit cette coopération à de nouveaux domaines, tels que la coopération décentralisée et la coopération en matière de sécurité. La proposition de loi criminalisant le colonialisme français devrait être soumise au Parlement algérien lors de la prochaine session. L’APN va-t-elle adopter ce texte controversé ? Difficile de parier. Son annonce a déjà suscité l’ire de parlementaires français. Même si, de l’avis de spécialistes des relations algéro-françaises, il s’agit d’une colère passagère qui ne risque nullement d’influer sur les relations globales et solides qu’entretiennent les deux pays depuis bien des décennies.

C’est cependant dans ce climat de brouille que le report de la visite de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, en ce mois de février, a été reporté sine die. Même si officiellement, ce report est dû à des impératifs de calendrier. Crise ou pas, les relations algéro-françaises ont toujours été en demi-teinte, alternant éclaircies et brouilles. Elles ont surtout été passionnelles, héritées de l’histoire commune de ces deux pays.

Par M. A. O.