Alger – Paris: Le dossier de l’émigration n’avance pas

Alger – Paris: Le dossier de l’émigration n’avance pas

par L’un De Nos Correspondants A Paris S. Raouf, Le Quotidien d’Oran, 20 février 2008

Aucune négociation n’a été engagée entre Paris et Alger sur l’entrée, le séjour et le travail des Algériens en France. Du coup, l’immigration algérienne reste régie par l’accord bilatéral modifié de décembre 1968,jusqu’à nouvel ordre.

D’aucuns sont déjà tentés de dire «plus rien ne sera comme avant». Paris semble bien décidé à redéfinir ses relations avec le Maghreb dans le domaine de l’immigration. Instruments au coeur de cette relation, les accords bilatéraux sont en cours de modification sous l’effet de la «politique d’immigration choisie», la nouvelle doctrine sectorielle française.

Chuchoté depuis l’adoption, fin 2006, de la loi Sarkozy dite de «maîtrise de l’immigration» – amendée depuis par la loi Brice Hortefeux -, ce projet est devenu du domaine de l’officiel. C’est ce dernier, en personne, qui vient de le confirmer sans ambages, mettant fin aux spéculations.

Le ministre de l’Immigration, de l’identité nationale et du co-développement a assuré à Jeune Afrique que le gouvernement français avançait sur ce dossier. Le chantier le plus abouti concerne la Tunisie avec laquelle Paris négocie un «accord d’immigration concertée». Un instrument appelé à remplacer l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 relatif à l’entrée, au séjour et au travail des ressortissants tunisiens en France.

L’accord a déjà été ficelé et il ne reste plus qu’à le soumettre au paraphe des deux présidents à l’occasion de la visite d’Etat de Nicolas Sarkozy en avril à Tunis. Des «discussions préliminaires» ont déjà été engagées avec Rabat fin 2007, mais aucune échéance n’a été, pour le moment, fixée pour l’adoption d’un nouveau cadre bilatéral dans le domaine de l’immigration.

En revanche, rien de tel n’ayant été «pioché» avec l’Algérie, la relation institutionnelle bilatérale dans le domaine de l’immigration reste en l’état. «Nous n’avons pas engagé de discussions avec l’Algérie. Je ne m’y suis pas encore rendu», s’est contenté de préciser Brice Hortefeux.

Interrogé par l’hebdomadaire parisien si ce statu quo tient à des raisons politiques, le «Monsieur immigration» du gouvernement Fillon a rappelé, sans en dire plus, la dimension historique de la relation bilatérale sectorielle. «Les accords bilatéraux issus de la décolonisation font bénéficier l’Algérie d’un statut particulier dans ce domaine». Rien n’étant engagé avec l’Algérie, le ministre s’est gardé de toute annonce calendaire sur l’évolution du dossier.

Inspiré des Accords d’Evian – voulus, à l’époque, comme un instrument d’une coopération renforcée -, l’accord franco-algérien a longtemps distingué les Algériens des ressortissants des autres pays du Sud. Signé le 27 décembre 1968, il a fait l’objet de deux avenants (22 décembre 1985 et 11 juillet 2001).

Avantageux à bien des égards à l’endroit des Algériens, l’accord bilatéral a été longtemps envié par les ressortissants et les consulats des pays voisins et subsahariens. Sa portée s’est vérifiée après l’introduction d’un visa d’entrée en France en 1986 à la suite d’une vague d’attentats à Paris et l’avènement, quelques années plus tard, des lois Pasqua. Avec le changement de majorité et l’arrivée du gouvernement de la «gauche plurielle» de Lionel Jospin, une nouvelle loi très favorable à l’immigration a été votée en 1998 sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement. Des assouplissements ont été introduits dans la loi.

Du coup, le droit commun est devenu plus avantageux que l’accord franco-algérien. La constitution française imposant à un texte bilatéral au droit commun, les Algériens ne pouvaient pas en bénéficier. Pour la première fois depuis l’indépendance, les dispositions réglementaires opposables aux «nationaux» étaient devenues plus contraignantes. D’autant qu’un protocole d’accord bilatéral – en date de septembre 1994 – avait durci les conditions d’obtention du visa et d’entrée en France. Négociés secrètement par les deux gouvernements, il avait été dénoncé par les organisations de défense des immigrés et des droits de l’homme.

Il aura fallu attendre la signature d’un troisième avenant par Abdelaziz Ziari, ministre chargé de la Communauté algérienne à l’étranger, et Daniel Vaillant, le nouveau ministre français de l’Intérieur, pour que les Algériens profitent des dispositions de Chevènement. Lesquels ont perdu de leurs avantages avec les «toilettages» successives de la loi.