Paris ne reviendra pas sur l’Union méditerranéenne

Chargé du dossier à l’Elysée, Henri Guaino confirme Paris ne reviendra pas sur l’Union méditerranéenne

par L’un de Nos Correspondants à Paris: S. Raouf, Le Quotidien d’Oran, 2 février 2008

Le projet d’Union méditerranéenne (UM) a beau être toujours en quête de consensus, l’Elysée y tient plus que jamais. A un semestre de la date prévue du sommet constitutif de Marseille, Nicolas Sarkozy met le cap vers le projet unitaire du «continent liquide», selon l’appellation image de Fernand Braudel.

En dépit des réserves émises par des acteurs pesants comme Berlin, Paris ne semble pas douter, le moindre instant, de la pertinence de son idée. Quitte à tenter, seule, un passage en force parmi ses pairs, elle entend bien profiter de sa présidence de l’Union européenne pour lancer la locomotive méditerranéenne et en définir le carnet de bord.

Une telle détermination se lit dans les éléments de langage émis par l’entourage immédiat de Sarkozy. Son conseiller spécial, Henri Guaino, vient de confirmer que le projet cheminait selon la vision dessinée par le candidat Sarkozy dans son discours de campagne de Toulon (février 2007).

Plus que cela, il assure que le chantier a atteint un point de non retour. La France «va bientôt envoyer des propositions qui ne sont pas définitives à ses partenaires. Ce sera une manière de lancer l’élaboration en commun de cette Union», a-t-il indiqué dans une longue interview publiée, hier, par «New africain», un titre du groupe de IC Publications. Henri Guaino parle en connaissance de cause. «Plume» de Sarkozy, il est le rédacteur de la parole méditerranéenne du locataire de l’Elysée.

C’est à lui que ce dernier a confié la tâche de piloter le projet et de le mener à bon port (Marseille) en juillet 2008. Plus qu’en charge du suivi, il est «surtout» le représentant de Sarkozy auprès des chefs d’Etat et de gouvernements pour «porter le projet». Le conseiller réfute d’un trait de main les réserves et attaques lancées, tour à tour, par Madrid, Rome, la Commission de Barroso et Berlin contre l’UM. Son plaidoyer, le premier sous forme d’interview exclusivement consacrée à la Méditerranée, repose sur plusieurs messages. Et d’abord la promesse que le projet de Sarkozy ne vient pas pour faire voler en éclats les chantiers antérieurs : processus de Barcelone, dialogue informel des 5 5, «politique européenne de voisinage» (PEV).

«On va essayer de faire en plus quelque chose qui, par ailleurs, va servir de catalyseur à toutes les initiatives qui existent déjà, susciter de la mobilisation, créer de l’unité autour de la Méditerranée. Cela n’empêche absolument pas le processus de Barcelone de se poursuivre. L’Union pour la Méditerranée n’est pas en concurrence avec les autres dispositifs, elle est complémentaire».

Les réactions négatives au projet de Sarkozy ont été suscitées par des raisons différentes d’un pays à un autre. «Berceau» du processus de Barcelone, l’Espagne veille jalousement à ce que le chantier de Barcelone demeure – malgré son bilan mitigé – le cadre tout indiqué pour le partenariat méditerranéen. Pays à l’histoire chargée de «Méditerranée», l’Italie redoute de perdre de sa puissance méditerranéenne. Quant à l’Allemagne, elle se dit franchement opposée à tout dessaisissement de l’UE de sa politique méditerranéenne.

Par la voix d’Henri Guaino, l’Elysée prend acte des appréhensions des uns et des autres, mais changer de cap. Si elle s’emploie à rassurer que l’UE ne se fait au détriment de personne, elle s’en tient à la philosophie initiale. «Chaque fois que vous proposez quelque chose de nouveau, vous suscitez des réticences et du scepticisme», constate le «sherpa» de Sarkozy. Qui, sans transition, laisse entendre que la France a vocation légitime à penser l’UM. «C’est vrai que l’Allemagne a un intérêt fort pour la Méditerranée, mais elle n’est pas un pays méditerranéen. Et il n’est pas surprenant que le projet d’unir les pays riverains de la Méditerranée suscite de sa part et de celle d’autres pays européens des interrogations. Elles sont légitimes et nous allons essayer d’y répondre». Selon Henri Guaino, les charges contre l’idée d’UM viennent précisément de sa pertinence. «Si ce n’était pas un projet fort, il ne susciterait pas de réactions».