La lettre de Zerhouni lance la polémique

«SONDAGE» DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR AUPRÈS DES ABSTENTIONNISTES

La lettre de Zerhouni lance la polémique

L’Expression, 04 Août 2007

Les partis politiques ont diversement apprécié l’initiative du département de Noureddine Yazid Zerhouni.

L’envoi par les services du ministère de l’Intérieur de lettres aux citoyens abstentionnistes aux dernières législatives continue d’alimenter les débats. La polémique s’installe au sein de la classe politique. Chacun y va de son analyse pour commenter la correspondance du département de M.Zerhouni. Il est question dans ce courrier, de connaître les raisons du fort taux d’abstention qui a caractérisé le rendez-vous du 17 mai dernier.
Après le FFS c’est au tour du parti En Nahda de réagir prestement à l’initiative. Dans un communiqué rendu public, hier, le secrétaire général d’En Nahda, Fateh Rebaï, juge «le comportement de l’administration comme étant une manière de terroriser les citoyens et qui est aux antipodes de la conduite démocratique et de liberté d’expression». Il y voit «une fuite des responsabilités» et «une mauvaise lecture du boycott électoral». Aussi, En Nahda considère «l’acte d’abstention» comme «un droit légal de même valeur juridique que la participation» et appelle «à des élections libres, transparentes et honnêtes pouvant redonner à l’acte de vote toute sa crédibilité et sa valeur. Ce qui serait une manière juste de remédier aux causes du boycott».
Le FFS était le premier à rejeter la décision du ministère de l’Intérieur. Le plus vieux parti de l’opposition avait dénoncé haut et fort le comportement de l’administration qu’il qualifie «d’irresponsable».
Il décèle «une nouvelle manoeuvre qui vise à faire pression et à terroriser les citoyens qui en ont marre du processus institutionnel qui leur a été imposé» et accuse le département de Zerhouni de dépasser ses prérogatives dictées par la loi. Le parti d’Aït Ahmed qui appelle les dirigeants du pays à laisser le peuple prendre son destin en main, est l’un des acteurs qui avaient appelé au boycott des élections législatives du 17 mai dernier. Il estime de ce fait que «le citoyen algérien ne voit plus l’utilité d’aller voter dans un climat politique où il n’y a plus de libertés publiques et où le vainqueur est désigné et connu d’avance». Ce n’est pas le point de vue du FLN. Son porte-parole, Saïd Bouhadja, pense que «si le ministère a envoyé des lettres aux citoyens dans ce sens, c’est pour donner plus de crédibilité aux partis politiques». «Ces partis, explique-t-il, n’ont pas pu sensibiliser et mobiliser les citoyens pour l’acte électoral et ce sont eux qui tireront bénéfice de l’initiative du ministère de l’Intérieur.»
Au contraire des autres partis qui ont crié au «terrorisme administratif», Saïd Bouhadja considère que le sondage des citoyens est acceptable et positif, puisqu’il vise à soutenir tous les partis sans exception. «Le ministre de l’Intérieur, ajoute-t-il, n’a pas appelé les citoyens à voter pour X ou pour Y». Tout comme il revient aux partis politiques, conclut-il, de faire de même en mobilisant les citoyens dans ce sens. Le président du Front national algérien (FNA), M.Moussa Touati, a quant à lui déclaré, au cours d’un meeting animé jeudi à Constantine, que son parti considère le sondage en question «tout à fait légal». Il appelle même les citoyens sondés à y répondre en toute franchise.
A noter qu’en sus des réactions de certains partis, le mouvement Islah a tenu, hier une journée d’étude consacrée à l’abstention, ses raisons et ses répercussions. Une chose est sûre: cette divergence apparue entre les partis politiques suscitée par l’initiative du département Zerhouni, prend l’allure d’une polémique qui va réveiller la classe politique de sa léthargie et faire des vagues.
En somme, ce que les partis hostiles à la lettre de M.Zerhouni rejettent, c’est le fait qu’elle tente de forcer la main aux électeurs. Ils considèrent que ce ministère n’est pas habilité à mener une telle opération, sachant que des instituts de sondage existent bel et bien en Algérie.
Par ailleurs, l’électeur est libre de son comportement. Le droit de ne pas se rendre aux urnes est consacré dans la Constitution, aussi bien que l’acte de voter. Pour le moment, le citoyen profite de la fraîcheur de la grande bleue pour atténuer les effets des grandes chaleurs.

Kamel BENMESBAH