Face à l’impasse politique : L’urgence d’une sortie de crise

Face à l’impasse politique : L’urgence d’une sortie de crise

El Watan, 20 novembre 2014

La dernière hospitalisation cachée du président Bouteflika à Grenoble et l’image de l’ambulance qui le ramenait à l’aéroport ont achevé de détruire les arguments de ceux qui nous serinent, sans rire, que notre «raïs» se porte comme un charme et que son cerveau «fonctionne mieux» que les nôtres…

Les Algériens en sont réduits à épier cette image inamovible d’un Président presque immobile, agitant péniblement sa main droite et bafouillant quelques mots à peine audibles à des diplomates et responsables étrangers plus gênés que charmés. La tournée qu’effectue depuis hier une délégation de l’Union européenne, présidée par Bernard Savage, chez les partis de l’opposition n’est certainement pas fortuite. En d’autres circonstances, le pouvoir et ses porte-voix auraient crié à l’ingérence dans les affaires internes. Souvenons–nous de la salve de Belkhadem, alors ministre des Affaires étrangères, contre l’ex-ambassadeur des Etats-Unis, Robert Ford, qui s’était permis d’aller écouter certains leaders de l’opposition. Il faut croire que Bouteflika et son clan ne sont désormais plus en mesure de gronder les diplomates étrangers dont ils ont grandement besoin pour, espèrent-ils, transformer par la magie du verbe leur immobilisme en «stabilité».

L’opposition franchit le pas

Que les Européens aillent écouter les propositions de la CNLTD, du Pôle du changement et du FFS est signe de conviction que la durée de vie du régime Bouteflika est arrivée à expiration. Et ce ne sont pas les propos railleurs du chef du MPA, Amara Benyounès, sur le bulletin de santé du Président qui vont convaincre du contraire ; surtout pas nos partenaires étrangers.
Ou encore ce déni des réalités de son alter ego du FLN, Amar Saadani, pour qui «il n’y a pas de crise politique» en Algérie. La situation prête vraiment à rire, si ce n’est qu’il est question du destin de la nation mis en sursis au grand dam d’un peuple qui a légitimement peur de l’avenir.

Mais cette forme d’idolâtrie ne s’accommode pas avec la pratique politique, pas plus qu’il n’est sain de superposer le destin d’un homme, fut-il Président, à celui de l’Algérie. Il n’est pas possible non plus de sauver Bouteflika, le régime et l’Algérie en même temps. L’impasse étant intégrale, qu’elle ne peut se résoudre par un discours incantatoire. Le régime, qui s’est appuyé quinze années durant sur la rente pétrolière pour s’acheter la paix sociale, les soutiens internes et externes, fait face aujourd’hui à un retour de flammes. Le baril du pétrole, qui lui permettait un règne «étincelant» sans consentir le moindre effort, risque de lui exploser à la figure, à présent que les cours du brut frisent la ligne rouge.

Les Européens veulent savoir…

Ironie du sort, le pétrole qui était le meilleur allié de Bouteflika est en passe de devenir son pire ennemi. Pris dans une boulimie dépensière et ayant ouvert la voie à une corruption épidémique, qui est l’œuvre de ses collaborateurs, Bouteflika a «oublié» de construire une économie alternative. Du coup, son bilan constitue son boulet, au-delà de la glaciation politique qu’il a imprimée au pays. Précisément, la chape de plomb que le régime a imposée aux partis et aux médias commence à se lézarder. Il n’est plus possible à l’Algérie de se suffire d’un Président malade dont les rares apparitions sont forcément accompagnées de commentaires aigres-doux des médias étrangers.

En osant réclamer une présidentielle anticipée, les animateurs de la CNLTD expriment tout haut ce que beaucoup d’Algériens pensent tout bas. Ils ont le mérite d’abattre leurs cartes et d’ouvrir un débat sérieux sur l’avenir du pays loin des considérations sentimentales. C’est ce que fait aussi Mouloud Hamrouche qui sillonne le pays et sensibilise l’opinion sur l’impérieuse nécessité d’un consensus national.
En face, et comme par instinct de survie, les «béquilles» politiques de Bouteflika battent en retraite en décidant de créer une sorte de «front de refus» du changement pour s’opposer à l’initiative du FFS et celle de la CNLTD.

Un appel qui sonne comme un cri de panique des partisans du statu quo mortifère pour le pays. En effet, la pilule du quatrième mandat s’étant finalement avérée beaucoup plus dure à avaler. On doit reconnaître avec Noureddine Boukrouh : «Quand il s’agit du sort d’une nation, d’un peuple, d’un Etat, le sentimentalisme et le moralisme bon marché ne sont pas de mise ; ils doivent laisser place à l’analyse froide, objective et rationnelle, et parfois même à la colère et à la révolte quand elles sont largement justifiées.»
Il y a donc urgence de trouver une solution, négociée de préférence, à l’impasse actuelle et ne pas foncer tête baissée droit dans le mur…
Hassan Moali