Six mois après la mise en oeuvre de l’accord d’association

SIX MOIS APRES LA MISE EN OEUVRE DE L’ACCORD D’ASSOCIATION

Les premiers couacs

Le Quotidien d’Oran, 28 mars 2006

Halte de réflexion sur la mise en oeuvre de l’accord d’association, six mois après son entrée en vigueur, à l’occasion d’un séminaire organisé par la chambre française de commerce et d’industrie à l’hôtel Sofitel. Même si la thématique est chevillée à un ordre du jour somme toute technique, puisqu’il se rapporte aux droits de douanes et les clauses de sauvegarde et les outils de partenariat, la rencontre a permis aux opérateurs économiques nationaux d’exprimer leurs préoccupations et d’établir un bilan peu réjouissant sur l’état de la mise en oeuvre de l’accord.

En présence de M. Lucio Guerrato, ambassadeur et chef de la délégation de la Commission européenne à Alger, d’experts juridiques internationaux, et des chefs d’entreprises algériennes, le propos s’est appesanti sur les entraves sur lesquelles bute le flux des échanges commerciaux effectués dans le cadre de cet accord.

Contrairement aux attentes, le courant des échanges de l’Algérie a plutôt baissé avec l’Europe, alors qu’il a pris l’ascenseur avec les pays asiatiques. Le constat est de M. Redha Hamiani qui s’est exprimé en tant que vice-président du Forum des chefs d’entreprises (FCE). Hamiani s’interrogera sur les motifs de cet état de faits. Le marché interne européen s’est-il érigé en citadelle imprenable ou est-ce l’accord qui porte en lui un défaut de cuirasse de par un supposé déséquilibre ?

Le directeur des relations extérieures à la direction générale des douanes, M. Abdelaziz Bouguelid, a estimé que les échanges commerciaux entre les deux parties, depuis l’entrée en vigueur de l’accord, ne semblent pas provoquer «les importations massives attendues par les opérateurs».

Le bilan des importations réalisées durant les six derniers mois fait ressortir que les importations provenant de l’UE sont, effectivement, en baisse de plus de 10%, passant de 5,526 milliards de dollars entre septembre 2004-février 2005 à 4,656 milliards de dollars de septembre 2005 à février 2006.

Les importations de produits européens ayant bénéficié d’avantages préférentiels (taux zéro de droits de douane) ont diminué de 2%, atteignant 1,903 milliard de dollars depuis septembre 2005, contre 1,955 milliard de dollars (septembre 2004-février 2005). Les produits ne bénéficiant pas de ces avantages ont vu leurs importations diminuer de 14% à 3,043 milliards de dollars contre 3,571 milliards de dollars. Quelque 2.076 produits industriels, notamment des produits de fonctionnement (2.015), ont bénéficié d’une suppression totale des taxes et de droits de douane à partir du 1er septembre 2005.

En matière de contingents (système de quotas), il a été enregistré sur la période des deux mois (janvier-février 2006) l’épuisement total de 16 produits contingentés, notamment le sucre, sur les 66 produits proposés pour l’année 2006. Pour la période allant de septembre 2005 à décembre 2005, 26 produits contingentés ont été consommés totalement sur les 66.

Dans le camp des chefs d’entreprises, c’est le scepticisme quant aux retombées positives de l’accord d’association dans la mesure où, jusque-là, ces entreprises s’estiment lésées. Ce son de cloche est développé par Issad Rebrab, le président-directeur général de Cevital, qui a constaté que la réciprocité en matière de l’octroi des avantages ne s’applique pas aux Algériens, au moins dans le cas du sucre. «Je ne remets rien en cause, mais je dis que la situation est en défaveur de l’Algérie pour plusieurs contingents. On risque même d’être exclus dans beaucoup de secteurs» préviendra-t-il.

Intervenant à la suite des inquiétudes exprimées par les acteurs économiques algériens, le représentant de la commission de l’UE, M. Guerrato, qualifiant les préoccupations exprimées de légitimes, a estimé qu’il est du droit des opérateurs algériens de saisir la Commission européenne pour régler toutes les anomalies.

D’autres opérateurs, à l’image du vice-président d’Anexal, M. Ali Bey Nasri, ont signalé que certains produits made in Algeria, comme le sucre et la farine, sont refusés d’accès par certains Etats européens car ne répondant pas aux normes internationales. Hamiani a révélé qu’une opération d’exportation de biscuit a été rejetée par l’UE pour ce même motif.

Un expert a situé le problème dans la méconnaissance par les entreprises algériennes de l’aspect juridique de l’accord qui prévoit des dispositions à même de permettre de protéger les entreprises, notamment exportatrices de biens et services contre le dumping et la concurrence déloyale.

Selon lui, les entreprises algériennes, hormis quelques-unes, manquent d’expertise et d’outils qui leur permettent de faire face aux éventuelles retombées négatives des dispositions de cet accord en matière d’accès au marché européen.

Omar Sadki