Après les critiques de Bruxelles sur le protectionnisme économique: Alger demande plus de compréhension

Après les critiques de Bruxelles sur le protectionnisme économique: Alger demande plus de compréhension

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 25 avril 2018

Le gouvernement semble sur la défensive, multipliant les explications et les assurances en direction de Bruxelles après l’attaque en règle déclenchée, récemment, par la commissaire européenne du Commerce, Cécilia Malmstrom, devant la commission des affaires économiques et des affaires étrangères de l’assemblée nationale française sur le dispositif algérien de sauvegarde de l’économie nationale, le jugeant «non conforme à l’accord de libre-échange». Des déclarations qui ont suscité une levée de boucliers en Algérie alors que la commission européenne devra dépêcher, demain, son directeur de commerce à Alger.

Le ministre du Commerce est revenu, hier, sur cette question, indiquant que des explications ont été données aux partenaires européens à propos des mesures provisoires prises par l’Algérie pour réduire ses importations face aux difficultés financières «particulièrement au niveau de la balance commerciale et celle des paiements». Saïd Djellab a insisté sur le caractère transitoire de ces mesures, «qui permettra à l’Algérie de diversifier son économie et de ne pas dépendre uniquement des hydrocarbures», invitant l’UE au dialogue et à plus de compréhension. Rappelons que parmi les voix qui ont réagi aux déclarations européennes, le FCE et l’UGTA qui ont exprimé leur «préoccupation», en expliquant que ces mesures de protection ne remettent pas en cause la volonté de consolider la coopération économique de l’Algérie avec Bruxelles.

De son côté, le vice-président du Conseil national économique et social (CNES), Mustapha Mekideche, a considéré que la réaction de l’UE était «contradictoire» et «paradoxale» précisant que des partenariats entre des entreprises européennes et algériennes se sont noués dans le secteur de l’automobile avec des importations de CKD/SKD auprès de pays européens, sans compter la levée des restrictions à l’importation de certains intrants. Pour sa part, le conseil national de concertation pour le développement de la PME «a réprouvé la vision d’une Algérie réduite à un simple marché accessible et réservé aux Etats membres de l’Union européenne». Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait appelé, quant à lui, à la «compréhension» des fournisseurs traditionnels de l’Algérie quant aux mesures prises par le gouvernement pour rééquilibrer la balance des paiements. Pourtant, l’Algérie, en décidant de renforcer ses mesures protectionnistes, savait qu’il fallait tenir compte de la réaction de ses partenaires commerciaux, européens en tête de liste. Déjà critiquée par Bruxelles après l’instauration du régime des licences parce qu’impactant négativement des secteurs d’activité indispensables pour la survie économique de leurs régions. Les exemples de la céramique de la Castellon ou la pomme des Alpes sont une illustration de ce manque à gagner de l’UE interdite d’exportation d’articles produits en Algérie. Si en 2016, le gouvernement Sellal a été interpellé sur cette question, il aura fallu les explications de Tebboune, alors ministre du Commerce par intérim pour calmer les craintes européennes. Qu’en sera-t-il cette fois ? L’ancien ministre du Commerce, Benmeradi, rappelait à qui veut l’entendre que le protectionnisme commercial n’est pas une invention algérienne et que beaucoup de pays ont levé ces boucliers depuis la crise économique de 2008. Pourtant, au G20 de Hambourg, il a été question de ce sujet hautement polémique. En effet, si depuis l’avènement Trump et son «Amérique d’abord», les Etats-Unis inquiètent le reste du monde, un compromis entre condamnation du protectionnisme et droit à se défendre aurait été trouvé avec Washington. Le G20, qui a fait de la lutte contre le protectionnisme une ligne de conduite, a été obligé de faire des concessions aux Américains à travers l’usage «d’instruments légitimes de défense commerciale». Mais voilà, l’Algérie n’est pas les Etats-Unis et elle n’est pas à l’abri des tirs groupés des pays les plus puissants de la planète.

En 2016, déjà, et de Hangzhou en Chine, où les dirigeants du G20 se sont réunis, l’Algérie avait déjà été mise en joue, enfin pas directement mais faisant partie de ces pays qui ont érigé le protectionnisme comme mode de gouvernance économique.