Le puzzle des guerres par procuration

Le puzzle des guerres par procuration

par Mahdi Boukhalfa, Le Quotidien d’Oran, 27 avril 2016

La tournée moyen-orientale de M. Abdelkader Messahel, plus exactement en Syrie et au Liban et celle de ce mercredi du Premier ministre Abdelmalek Sellal en Russie, même si elle a été programmée il y a un moment, ne sont pas d’innocentes visites de travail. Le calendrier diplomatique n’explique pas tout et les allées et venues d’officiels algériens dans quelques capitales arabes, dont celle de M. Bédoui à Tunis, sont également des indices qui ne trompent pas sur un soudain redéploiement de la diplomatie algérienne.

Cela a chamboulé tout le calendrier diplomatique algérien, comme sa feuille de route par rapport à certaines crises régionales ou locales, car en même temps il s’agissait de trouver une issue à un début de brouille politique avec l’Arabie Saoudite, toujours mécontente que l’Algérie n’ait pas partagé sa vision des choses au Yémen et l’intervention militaire arabe contre les Houtis, soutenus par l’Iran.

Et, comme le président Bouteflika, même avec une santé fragile, est connu pour être un excellent connaisseur, sinon faiseur de l’actualité moyen-orientale, il était évident dès lors qu’Alger rétablisse les ponts avec Damas, devenu la bête noire de toutes les démocraties occidentales bien avant 2011. La présence d’un ministre algérien à Damas, en ces moments troubles, comme une sorte de retrouvailles, avec l’annonce d’une reprise des relations bilatérales entre les deux pays ne peut-être interprétée autrement que comme la réponse la plus évidente à ceux qui tentent depuis quatre ans de destituer Bachar Al Assad par procuration à travers des groupes terroristes, dont le Front Al Nosra, proche d’Al Qaïda, sinon un appendice. Ryadh est dans le même scénario, d’ailleurs.

A Alger, on fait les choses en règle, avec méthode, sans passion: non content d’envoyer un de ses ministres les plus en vue dans la résolution par la voie négociée de la guerre civile en Libye et les conflits en Afrique, Bouteflika envoie également Messahel au Liban expliquer aux ‘’sunnites et aux chiites» la position de l’Algérie dans la question syrienne et réaffirmer, quitte à faire grincer des dents à Ryad et ses satellites du Golfe, ses principes de non ingérence politique et militaire.

Ce mercredi M. Sellal est attendu à Moscou, qui a soutenu depuis le début le régime syrien contre la volonté de Washington d’intervenir directement, et a une lecture de plusieurs variantes, de défense comme économique et de politique. Une visite qui rappelle que l’Algérie reste plus que jamais proche de son ancien allié russe dans tous les domaines. Un soudain rappel des réalités géopolitiques à l’Arabie Saoudite, dont la stratégie pétrolière suicidaire est en train de ruiner les pays pétroliers, et veut en même temps faire plus que ne le veut son rôle de gendarme dans la région au profit des Américains. Et il semblerait qu’une mauvaise lecture des événements au Proche et Moyen-Orient ait provoqué un soudain redéploiement stratégique de l’Algérie vers l’une des deux grandes puissances militaires du moment, la Russie. Pour rappeler à tous que la paix dans la région proche-orientale ne peut-être l’objet de marchandages et de parts de marchés, encore moins une démocratie importée, par procuration, qui profiterait surtout à engraisser les groupes terroristes. Même si tous n’aiment pas la tyrannie de Bachar.