La maladie de Bouteflika paralyse le pays

Des diplomates tirent la sonnette d’alarme

La maladie de Bouteflika paralyse le pays

El Watan, 9 mars 2014

Si des inconditionnels du chef de l’Etat, à l’image de Amar Benyounès, Amar Saadani ou encore Abdelmalek Sellal, s’échinent à vendre l’image d’un Président «en possession de ses capacités intellectuelles», d’anciens diplomates tirent la sonnette d’alarme.

C’est le cas de Halim Benatallah. L’ancien ministre délégué chargé de la Communauté nationale à l’étranger et ancien ambassadeur à Bruxelles a été le premier à ouvrir la boîte de Pandore. Dans une lettre adressée au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, le diplomate, qui dit souhaiter s’adresser au responsable comme parlementaire, pose des questions précises sur les capacités physiques du chef de l’Etat. «Pensez-vous que le Président pourra, sans risque aucun lors de son déplacement, répondre à l’invitation d’un chef d’Etat ? Pensez-vous qu’il pourra conduire les entretiens marathon qui caractérisent ces visites et qu’il pourra mener des négociations des heures durant sous une grande pression politique et psychologique ?

Pensez-vous qu’il sera en mesure de conduire les nécessaires et éprouvantes conférences de presse ? Pensez-vous qu’il pourra assumer pleinement les charges présidentielles lors des déjeuners et dîners de travail ? Pensez-vous qu’il pourra se rendre sans risque à un sommet des chefs d’Etat au siège des Nations unies à New York, qu’il pourra de nouveau y prononcer une longue plaidoirie et enfiler les entretiens bilatéraux et les mini-sommets régionaux ? C’est un rythme d’enfer comme vous le savez. Tenir le rang de son pays met la santé à rude épreuve. Pensez-vous que son équipe médicale peut aujourd’hui le certifier ?» Telles sont les interrogations de M. Benatallah. Ce dernier, qui signe sa missive, publiée sur le site Elwatan2014.com, sous le nom d’un «citoyen inquiet», dit attendre une réponse du Premier ministre. Mais il sait qu’il ne l’aura jamais.

64 ambassadeurs sans accréditation

Avant de conclure son message, l’ancien ministre délégué, qui a rejoint l’équipe du candidat Ali Benflis, glisse une dernière remarque. Contrairement aux questions de politique intérieure, la présence du chef de l’Etat à des sommets internationaux est indispensable. «Quant à l’idée de remplacer ou de substituer une équipe au président Abdelaziz Bouteflika, vous n’êtes pas sans ignorer que, de par le monde, les chefs d’Etat traitent avec les représentants de leur rang et, souvent, dans les forums fermés, l’invitation est adressée à la personnalité elle-même au regard de sa stature sur la scène internationale», écrit l’ancien secrétaire d’Etat. L’avis de M. Bentallah est largement partagé par Abdelaziz Rahabi, lui aussi ancien diplomate. «Une absence de l’Algérie à des réunions qui se tiennent au niveau des chefs d’Etat risque de réduire sensiblement le poids des décisions du pays au niveau régional et international», explique l’ancien ambassadeur d’Algérie en Espagne, contacté hier après-midi.

Selon ce dernier, «la paralysie de l’appareil diplomatique, qui a commencé depuis au près de 2 ans, est aggravée par le fait que le chef de l’Etat concentre tout entre ses mains». Plus grave encore, on apprend de source diplomatique que depuis au moins avril 2013, 64 ambassadeurs, dont 30 résident en Algérie, n’ont pu déposer leurs lettres de créances.
Incapables d’attendre une hypothétique amélioration de l’état de santé du chef de l’Etat, ces diplomates se sont sentis obliger d’entrer en fonction sans passer par cette étape, certes, protocolaire mais nécessaire à l’installation de tout ambassadeur. Autant dire que la paralysie du chef de l’Etat bloque tout. Y compris l’appareil diplomatique.

Ali Boukhlef