Message du président Bouteflika à l’occasion de l’adoption de la loi sur la révision de la Constitution

Message du président Bouteflika à l’occasion de l’adoption de la loi sur la révision de la Constitution

El Watan, 8 février 2016

Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a adressé hier un message à l’occasion de l’adoption par le Parlement de la loi portant révision de la Constitution, dont voici le texte intégral lu par le président du Parlement, Abdelkader Bensalah.

«Monsieur le président du Parlement, Monsieur le président de l’Assemblée populaire nationale, Mesdames et Messieurs les membres du Parlement, notre pays vient d’écrire une nouvelle page de son histoire politique et constitutionnelle. Une ère prometteuse s’ouvre aujourd’hui pour notre peuple, une ère marquée par des conquêtes démocratiques substantielles et illustrée notamment par des acquis irréversibles visant la préservation des constantes nationales et des principes fondateurs de notre société.

En ce jour historique, il m’est particulièrement agréable de saluer le sens élevé de la responsabilité, du patriotisme et la clairvoyance dont ont fait preuve, résolument, les membres du Parlement, toutes tendances politiques et tous courants idéologiques confondus. En adoptant, aujourd’hui, à une large majorité, le projet de loi portant révision de la Constitution soumis à votre auguste Parlement, vous venez de marquer votre entière adhésion, en votre qualité de représentants de la nation, aux conquêtes démocratiques que ce nouveau texte ambitionne de réaliser.

Cependant, si un constat s’impose, à l’évidence, c’est celui qui atteste la vitalité de notre jeune démocratie et la dynamique constante qui la fait vivre. En effet, si un certain nombre de parlementaires ont voté contre le projet et que d’autres ont préféré s’abstenir, cela ne peut être que révélateur d’un Parlement qui fonctionne au rythme d’une démocratie pluraliste, un Parlement librement choisi par le peuple pour exprimer sa volonté et refléter la diversité des courants d’idées et d’opinions qui animent notre société.

Mesdames et Messieurs, lorsque j’avais pris la décision de mener à son terme le processus des réformes dans leur volet politique, mon objectif visait en premier lieu à répondre aux attentes légitimes de notre peuple en symbiose avec les évolutions du monde, à approfondir la démocratie, à consolider les fondements de l’Etat de droit et à renforcer les garanties constitutionnelles de promotion et de protection des droits et libertés de l’homme et du citoyen dans notre pays. La décision d’engager des réformes politiques, comme vous le savez, est intervenue après celles que j’avais entreprises quelques années auparavant sur la concorde civile et la réconciliation nationale, dans l’objectif, devenu hautement prioritaire, de ramener la paix et la sécurité des personnes et des biens dans notre pays comme je m’y étais engagé en 1999.

La paix des cœurs et des esprits est revenue, après de longues années de terrorisme, un terrorisme barbare dont l’objectif principal était de saper les fondements de l’Etat et de nier aux Algériens le droit à la différence, voire même le droit à la vie. L’image de l’Algérie, pendant longtemps ternie par les affres de ce phénomène relevant d’un autre âge révolu, a profondément changé aujourd’hui pour donner place à une Algérie apaisée et réconciliée avec elle-même, une Algérie résolument tournée vers l’avenir, dans la modernité.

A cet égard, il n’est que justice de réitérer solennellement l’hommage vibrant à notre peuple pour tous les sacrifices consentis, de saluer, une nouvelle fois, le courage et l’héroïsme de l’Armée nationale populaire, digne héritière de notre glorieuse Armée de libération nationale ainsi que l’abnégation et l’admirable détermination de tous les autres corps de sécurité sans oublier, bien entendu, le lourd tribut payé par celles et ceux qui, par la plume, l’image ou la parole ont porté haut et fort la voix de l’Algérie au moment même où elle s’est trouvée, seule, à affronter l’épreuve et de surcroît, soumise à l’arbitraire d’un embargo international quasi intégral durant de longue années.

Le combat mené contre le terrorisme n’a contraint notre pays ni à geler ses institutions, ni à arrêter en chemin le processus d’approfondissement de la démocratie pluraliste, ni à occulter l’effort de développement national. Bien au contraire, il a stimulé la détermination de notre peuple à relever les défis et à mobiliser les énergies à poursuivre, à la fois, la concrétisation des avancées démocratiques et le rythme de la construction nationale.

S’il est vrai que les conséquences économiques induites par la chute des prix des hydrocarbures, à l’instar d’autres pays, peuvent avoir pour effet immédiat de repenser le rythme des priorités nationales de développement, cela ne saurait affecter notre volonté de préserver la protection du volet social. Jamais, le moindre doute n’a effleuré notre peuple quant à sa capacité à surmonter les difficultés. Chaque fois que le destin l’a placé devant des dangers imminents, il a su s’en prémunir avec clairvoyance et à faire preuve de persévérance imperturbable et de sérénité, refusant toute forme de défaitisme ou de fatalité, fidèle à lui-même, confiant en la vigueur de sa jeunesse, celle d’aujourd’hui comme celle de demain.

Ce n’est point un hasard si la révision constitutionnelle a consacré la garantie par l’Etat des ressources naturelles ainsi que leur préservation au profit des générations futures. Mesdames et Messieurs, le processus des réformes engagées n’est évidemment pas une fin en soi. Il permet à notre société de passer d’une étape politique et constitutionnelle déterminée, à une autre étape qualitativement meilleure tout au long de la construction d’une société fondée sur les valeurs républicaines et les principes démocratiques.

C’est dans le sillage de ces réformes, porteuses d’un renouveau démocratique, que s’inscrit la présente révision constitutionnelle qui, comme vous le savez, à été précédée de la refonte d’une partie de l’arsenal législatif et de l’élaboration de nouveaux textes, dont vous avez été à la fois acteurs et témoins, et qui seront, le moment venu, réexaminés et amendés par le Parlement à la lumière de la révision constitutionnelle que vous venez d’adopter. Cette démarche a eu pour mérite, et peut-être pas le seul, d’avoir renforcé la stabilité de nos institutions et préservé notre pays de toute autre aventure périlleuse.

Elle a permis également d’entamer sereinement et dans un climat apaisé, des réformes politiques substantielles pour notre peuple, et ce, malgré un environnement sécuritaire hostile et chargé de menaces, dans lequel d’autres pays se sont trouvés, malheureusement, et en dépit du refus de leurs peuples, en proie à des violences préméditées de terreur et d’anarchie qui ont eu pour effet, outre l’ampleur des pertes en vies humaines et des biens, de perpétuer le spectre de l’instabilité politique et de retarder le retour à la paix, condition fondamentale de tout développement.

A cet égard, je voudrais exprimer ici, d’abord, au nom de la fraternité et des valeurs humaines qui se doivent d’animer et d’unir les cœurs face à l’épreuve de la souffrance, et tout autant pour avoir vécu dans notre pays l’épouvante des atrocités et des crimes commis durant de nombreuses années, je voudrais exprimer ici, une nouvelle fois, à ces peuples frères, notre solidarité agissante et notre constante amitié. Mesdames et Messieurs, il est tout à fait clair et universellement établi que la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme constituent un triptyque qui se construit patiemment, il se construit, pierre par pierre par le peuple et par les institutions qu’il se donne à un moment donné de son existence.

Dans cette œuvre, qui s’inscrit dans la durée, il ne s’agit pas, de toute évidence, d’importer et de plaquer telles quelles des institutions et des concepts, produits de l’histoire politique particulière d’autres nations. Il ne s’agit pas non plus de reprendre tels quels les fruits des discours et des débats qui y sont développés, fussent-ils pertinents, en faisant fi de sa propre histoire et des spécificités de sa société. Car, reproduire ces schémas venus d’ailleurs, qui ont, sans doute, pu générer des effets bénéfiques dans les sociétés où ils sont nés, c’est non seulement s’éloigner dangereusement de sa propre réalité nationale, mais aussi et surtout courir le risque de s’identifier à ces pays et se donner l’éphémère illusion de se hisser au rang des sociétés rompues depuis des siècles au plein exercice de la démocratie.

La démocratie, en tant que principe, en tant que valeur, en tant que culture est en effet, au regard de sa profondeur historique et des objectifs qu’elle ambitionne de réaliser, un édifice toujours inachevé mais sans cesse rénové. Je suis de ceux qui croient que toute société humaine est capable d’inventer et de forger souverainement, au rythme de son histoire politique particulière et selon les ambitions de son peuple, un système politique lui-même produit de cette même histoire et, par ailleurs, résolument inspiré de valeurs et principes universels. Telle est ma conviction, telle est l’aspiration profonde de notre peuple.

Mesdames et Messieurs, La présente révision que vous venez d’adopter, fruit d’une démarche résolument inclusive et constamment ouverte aux différents acteurs politiques et sociaux quels que soient leurs courants idéologiques, s’est appuyée sur des consultations les plus larges possibles (partis politiques, organisations nationales, associations, syndicats, membres du Parlement, personnalités nationales, etc.), et l’apport d’experts en droit constitutionnel et dont j’ai suivi personnellement le déroulement avec la plus vive attention.

La Constitution révisée vient d’intégrer le préambule du texte constitutionnel dans le corps de celle-ci et qui, de ce fait, acquiert valeur constitutionnelle au même titre que les autres dispositions de la Loi fondamentale et devient ainsi une source d’inspiration et d’action pour les institutions concernées. Les termes de cette consécration constitutionnelle, s’agissant des composantes fondamentales de notre identité que sont l’islam, l’arabité et l’amazighité stipulent que l’Etat œuvre désormais et constamment à la promotion et au développement de chacune d’entre elles, marquant ainsi le souci de préserver la profondeur et la spécificité qui les caractérisent.

Aussi, si l’islam est consacré, à l’article 2 de la Constitution, religion d’Etat, l’arabe qui est aux termes de l’article 3 de la Constitution, la langue nationale et officielle demeure, en vertu de ce même article, la langue officielle de l’Etat et la création du Haut-Conseil de la langue arabe lui confère opportunément la vocation de développement et de rayonnement notamment par le besoin pressant et la capacité de s’approprier, sans tarder, l’utilisation des sciences et des technologies modernes. Dans le même ordre d’idées, l’une des préoccupations récurrentes qui a résulté des consultations concernait la langue amazighe.

Promue, ici même, comme langue nationale en 2002 par votre auguste Parlement, elle est appelée, en vertu de la Constitution révisée, à accéder, à terme, au statut de langue officielle. Héritage ancestral légué par des siècles d’histoire de notre peuple, tamazight retrouve ainsi sa place naturelle aux côtés de l’islam et de l’arabité en tant qu’identité nationale, au sein du patrimoine partagé par l’ensemble des Algériennes et Algériens. Il appartient donc aujourd’hui aux experts de s’engager pleinement dans cette mission laborieuse et passionnante, au sein de l’Académie créée à cet effet, pour concrétiser cette avancée constitutionnelle historique.

La révision avait également pour objectif de recueillir un large consensus en consacrant et en approfondissant le principe fondamental de séparation et de coopération des pouvoirs qui constitue l’épine dorsale de la démocratie ainsi que le renforcement des attributions du Conseil de la nation en lui conférant le droit d’initiative et d’amendement dans le domaine législatif, en conférant à l’opposition politique un statut constitutionnel, ce qui immanquablement contribuera à insuffler une nouvelle dynamique à nos institutions constitutionnelles, en élargissant l’espace des droits et libertés du citoyen, en consolidant l’Etat de droit par notamment la rénovation de la fonction de contrôle aussi bien du Parlement sur l’action gouvernementale que du Conseil constitutionnel, et enfin, à l’approfondissement de l’indépendance de la justice.

S’agissant des élections, l’innovation majeure du texte constitutionnel que vous venez d’adopter, concerne notamment la création d’une Haute instance indépendante de surveillance des consultations politiques nationales et locales, chargée de veiller à la transparence et à la probité de ces dernières, et ce, depuis la convocation du corps électoral jusqu’à la proclamation des résultats provisoires du scrutin. Indépendante, dans sa composition, cette Haute instance, au regard de l’importance des missions qui lui sont dévolues par la Constitution révisée, et qu’elle mettra en œuvre dès les prochaines élections, imprimera aux élections la crédibilité attendue et renforcera davantage la légitimité démocratique des représentants du peuple.

Mesdames et Messieurs, vous qui êtes rompus à l’exercice de la vie parlementaire, du moins pour un grand nombre d’entre vous, vous conviendrez avec moi qu’à l’instar de la langue amazighe ou de la saisine du Conseil constitutionnel par le citoyen, certaines autres dispositions constitutionnelles nouvelles ne produiront pleinement les effets escomptés que dans des étapes à venir. Je n’en voudrais pour exemple que celui de la promotion des droits politiques de la femme. Comme vous le savez, la révision constitutionnelle de 2008 y a consacré l’augmentation de ses chances d’accès à la représentation dans les assemblées élues et le nombre de femmes députés a considérablement augmenté.

Un nombre jamais atteint depuis le recouvrement de notre indépendance nationale et rarement atteint même dans les sociétés avancées. Dans ce domaine, la présente révision marque une avancée qui mérite d’être soulignée. Elle consacre la parité homme-femme sur le marché de l’emploi et encourage la promotion de la femme aux responsabilités dans les institutions et administrations publiques ainsi qu’au niveau des entreprises, en vue de concrétiser le principe constitutionnel d’égalité entre l’homme et la femme.

Il est évident que par sa forte symbolique, la parité ne manquera pas de créer une dynamique réelle au sein de notre société et constituera une avancée considérable des libertés démocratiques dans notre pays. Ainsi, lorsque la femme se sentira encouragée par l’évolution des mentalités vers plus d’ouverture et d’engagement démocratique, qu’elle réunira à son profit tous les atouts intellectuels, professionnels et de rectitude morale dont elle dispose, elle ne manquera pas de s’engager dans la saine émulation de la compétition électorale pour arracher de haute lutte de nouvelles conquêtes.

C’est dire que ce qui est projeté aujourd’hui ne se réalisera, avec efficience, qu’avec le recul salvateur du temps qui favorisera, à terme, une évolution positive des mentalités. Dans le même ordre d’idées, d’autres innovations pourraient être mises en exergue, tel le bon usage de la saisine du Conseil constitutionnel par la minorité parlementaire ainsi que par le citoyen par voie indirecte, gage d’un sain exercice de la démocratie pluraliste.

Un tel usage constitue en effet un instrument légal aux mains de l’opposition, qui lui permettra de s’exprimer librement dans un débat paisible et serein, et contribuera, par conséquent, à pacifier, à terme, les relations entre la majorité et la minorité parlementaire, sachant bien, en fin de compte, que la Constitution reconnaît à cette dernière le droit de recours à l’arbitrage du Conseil constitutionnel au lieu et place de l’expression de la colère, par la démesure verbale ou par la violence. Quant à l’usage de la saisine par le citoyen, il confère à celui-ci le statut d’acteur dans le processus de construction de l’Etat de droit, car une fois entrée en vigueur, cette disposition lui permettra, grâce au recours au Conseil constitutionnel, de se réapproprier ses droits garantis par la Constitution et auxquels la loi aura porté atteinte.

Telles d’autres dispositions visant à renforcer l’indépendance de la justice, et dont votre auguste Parlement aura la charge, le moment venu, d’en examiner et d’adopter de nouveaux projets de lois y afférents. Mesdames et Messieurs, l’édifice constitutionnel que nous nous sommes engagés à rénover ensemble, sous la dictée des exigences de notre société et des valeurs universelles, et auquel j’avais appelé à maintes reprises et à différentes occasions, doit être à la hauteur des ambitions de notre nation, une nations digne et sereine, fidèle à ses racines et ouverte à la modernité.

C’est pourquoi, eu égard à l’importance des nouvelles dispositions contenues dans la présente révision, notamment celles dont la réalisation est projetée dans des étapes à venir, j’ai décidé, en ma qualité de garant de la Constitution, de mettre en place, auprès du président de la République, une cellule de suivi dont la mission essentielle sera de veiller attentivement, dans les temps impartis et jusqu’à son terme, à la concrétisation minutieuse et intégrale de ces dispositions et de m’en tenir régulièrement informé. Mesdames et Messieurs, en ce troisième millénaire débutant, l’évolution du monde se déroule à un rythme accéléré. Pour n’avoir pas été en marge de cette évolution irréversible et tout en poursuivant ses efforts pour parachever le processus démocratique engagé, voilà des années, notre pays doit inexorablement s’inscrire dans le sens de l’histoire.

Il s’agit là, non seulement de répondre aux exigences de l’heure, mais surtout de refléter les aspirations légitimes de notre peuple, et de répondre, en priorité et sans tarder, à l’attente d’une jeunesse pleine de promesses pour elle-même, pour le pays et pour les idéaux républicains. L’Algérie d’aujourd’hui, n’est plus celle des années 1990. Notre génération à la conviction d’avoir fait ce qu’il fallait faire, au moment où il fallait le faire et avec les moyens qui s’offraient à elle. Une autre génération, qui aura peut-être une vision différente de la nôtre, continuera, avec d’autres idées, d’autres moyens et d’autres manières, ce qui a été commencé par ses aînés.

Elle léguera à son tour, le moment venu, l’œuvre qu’elle aura accomplie à la génération suivante, de telle sorte que chacune de ces générations aura contribué à la construction patiente de l’édifice constitutionnel avec la spécificité de sa démarche et la particularité de son empreinte. C’est ainsi, que se construisent au fil du temps, patiemment et sûrement, dans la continuité et la diversité, les fondements des nations fortes par la volonté inébranlable de leurs peuples.

Enfin, qu’il me soit permis, en ce jour mémorable dans l’histoire de notre pays, de nourrir une ambition citoyenne et légitime, partagée avec les représentants du peuple et en communion avec l’ensemble des Algériennes et des Algériens, l’ambition d’inaugurer, ensemble, une étape historique nouvelle porteuse d’avancées démocratiques irrévocables pour notre peuple, et pleine de grandes promesses pour notre nation.»
APS