Une révision au pas de charge

Une révision au pas de charge

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 10 novembre 2008

Le processus de la révision constitutionnelle est mené au pas de charge, après que le président de la République eut annoncé le 29 octobre dernier qu’il «s’apprêtait à proposer au Parlement d’enrichir le système institutionnel avec les fondements de la stabilité, de l’efficacité et de la continuité». En moins d’une semaine, le chef de l’Etat a saisi le Conseil constitutionnel qui a, sans tarder, émis son avis motivé et convoqué le Parlement qui devra se «prononcer» sur le projet de révision. La célérité mise à concrétiser cette révision de la Constitution tranche avec la lenteur qu’a mis Bouteflika pour enclencher le processus.

Mercredi donc, la révision constitutionnelle sera chose faite. Le Parlement l’approuvera à la quasi-unanimité des voix de ses membres, à l’exception de celles des groupes du RCD et du FNA, partis dont les chefs ont appelé leurs élus à se prononcer contre. Les parlementaires de la majorité présidentielle auront l’appoint de leurs collègues élus du Parti des travailleurs, des quelques autres «partillons» représentés à l’APN et du groupe des Indépendants.

Le pouvoir fera très certainement une grande publicité à «ce plébiscite parlementaire» qui va entériner sa révision de la Constitution. Ce qui n’effacera pas pour autant la conviction ancrée dans l’opinion publique que Bouteflika n’a pas eu le courage et le panache politique de soumettre son projet à cette volonté populaire par laquelle il légitime pourtant et sa présence au pouvoir et les actes de sa gouvernance. Il restera par conséquent que cette révision à la sauvette de la Constitution, à laquelle il va être procédé, sera indubitablement entachée du déficit démocratique de la voie qui a été choisie pour l’effectuer.

Il n’empêche que Bouteflika s’est ainsi ouvert le chemin à un troisième mandat présidentiel. C’est le but ultime pour lequel il a manoeuvré et rusé aussi longtemps. Persister alors, comme le font certains cercles, à croire que sa candidature à ce troisième mandat n’est pas inscrite d’évidence dans la finalité du processus de révision initié, c’est plus que de la naïveté, de l’infantilisme. Bouteflika n’est pas du genre à travailler pour le «roi de Prusse». Il ne procède pas à la révision de la Constitution pour en faire profiter un successeur ou un héritier quelconque, mais pour son seul maintien au pouvoir. Un pouvoir dont il faut bien comprendre qu’il en détient la totalité, sans entrave ou compétiteur.

Tant que ses adversaires politiques continueront à fantasmer sur de prétendus cercles à l’intérieur du pouvoir auxquels ils prêtent la volonté d’agir en contre-pouvoir à la toute-puissance de Bouteflika, ils se feront systématiquement rouler dans la farine.