Les 10 priorités de Bouteflika

La délocalisation de Hassi Messaoud

Les 10 priorités de Bouteflika

Le Quotidien d’Oran, 28 mars 2005

Le président de la République a dix projets prioritaires. Dix chantiers primordiaux à ses yeux qu’il ne compte pas perdre de vue et sur lesquels les ministres doivent rendre des comptes.

Il s’agit, a révélé hier le ministre des Finances, de programme de relogement des sinistrés de Chlef et de Aïn Defla habitant des logements préfabriqués, de la réalisation de l’autoroute Est-Ouest, de rail Est-Ouest, du métro, de l’aérogare, des deux nouvelles villes, des infrastructures sanitaires surtout les grands hôpitaux universitaires, de la société d’information, de stations de dessalement d’eau et de la délocalisation de la ville de Hassi Messaoud. Du coup, on comprend mieux le choix des ministres qu’il avait reçus à la présidence. En effet, et selon le peu d’informations rendues publiques à ce propos, Abdelaziz Bouteflika a eu une série de réunions avec surtout des ministres en charge de ces projets.

Une manière, donc, de peaufiner d’abord et de suivre de près, ensuite, la réalisation de ces projets: «Le président a pris des engagements vis-à-vis de la population et il est tout à fait normal qu’il veille à ce qu’ils soient respectés», a affirmé le ministre des Finances à l’occasion d’une cérémonie de signature, entre le gouvernement algérien et le Fonds arabe de développement économique et social (FADES), pour le financement sous forme de crédit d’un programme de logement pour un montant de 30 millions de dinars koweïtiens. Un secteur qui représente une des priorités absolues du chef de l’Etat qui veut que le 1 million de logements qu’il a promis aux Algériens pour son second quinquennat soient bel et bien réalisés par le gouvernement et le ministère de tutelle. Et l’éradication des chalets en préfabriqué qu’occupent depuis les années 80 les habitants de Chlef et de Aïn Defla est une action inscrite dans ce cadre et sur laquelle l’on travaille d’arrache-pied, a expliqué Abdelatif Benachenhou. Dans ce sens, a indiqué le ministre, «il a été décidé de réaliser un programme de 20.000 logements au niveau de ces deux wilayas». 10.000 sous forme de logements sociaux et 10.000 autres sous forme d’aides aux citoyens désirant reconstruire eux-mêmes leurs habitations endommagées. Selon le ministre des Finances, «l’instruction de la prise en charge de cette question et du quart de la population de Chlef qui vit dans des chalets vient du président de la République».

Outre l’urgence d’asseoir une véritable société d’information pour «rattraper le retard qu’accuse l’Algérie en matière notamment d’Internet» et la réalisation des différents projets d’infrastructures de transports, l’autre priorité du premier magistrat du pays porte sur le secteur de l’eau. L’amélioration de la pluviométrie ces deux à trois dernières années ne sera pas une raison pour que le gouvernement et le ministère concerné la relèguent au second plan. En effet, a expliqué le premier argentier du pays, une attention particulière sera apportée au volet dessalement de l’eau de mer. Un procédé auquel doit recourir le pays pour, entre autres, régler la pénurie en eau que connaît l’Ouest du pays et pour prévenir contre la sécheresse. Pour la réalisation de ces stations, le gouvernement aura l’appui financier mais aussi technique du FADES, a expliqué le ministre. En plus de crédits, ce fonds devra également faire bénéficier l’Algérie de l’expérience koweïtienne en la matière: «Le Koweït est le premier pays au monde à se lancer dès les années quarante dans le dessalement d’eau», dira le DG du FADES, Abdelatif Youcef El Hamad. Une assistance qui fera éviter au pays, enchaîne Benachenhou, «des problèmes de surcoûts, d’erreurs et de délais».

Mais, l’une – pour ne pas dire l’unique – des plus grandes préoccupations dans l’immédiat du chef de l’Etat demeure le projet de délocalisation de la ville de Hassi Messaoud. Un dossier sur lequel le premier argentier du pays ne veut pas être alarmiste mais refuse de taire certaines vérités. Il n’a pas mâché effectivement ses mots pour expliquer l’urgence de la prise en charge de ce transfert: «Il existe un risque considérable sur les 60.000 habitants de cette ville», lance-t-il de prime à bord. Et là, nul besoin de rappeler que des citoyens vivent carrément à proximité, pour ne pas dire sur, des pipelines. Le ministre signale, et comme pour marquer davantage la gravité de la situation, que «la piste d’atterrissage de l’aéroport de Hassi Messaoud se trouve sur un site considéré productif». Se voulant ensuite rassurant, Abdelatif Benachenhou affirme que «le transfert de cette ville se fera dans un cadre organisé» et tous les ministères concernés sont mobilisés dans ce sens.

La gestion de la délocalisation se fera sur trois niveaux, indique-t-il. La première est celle des 60.000 habitants, la seconde porte sur les infrastructures et équipements de base (écoles, routes, aéroports…) et la dernière sur les sociétés et entreprises sises à Hassi Messaoud. Ce n’est pas tant le transfert de ces dernières qui pose problème pour le gouvernement, car «elles devraient s’en occuper elles-mêmes». C’est plutôt le relogement des citoyens de la ville qui en est un. Pour ce qui des infrastructures de base, le ministre explique que les autorités concernées sont en train d’étudier la meilleure option à appliquer pour leur réalisation.

Sur le montant et le délai que nécessitera cette opération, Abdelatif Benachenhou ne dira pas grand-chose pour la simple raison que tout est encore à l’étude. Il rassure, toutefois, que l’Etat a les moyens pour régler cette question et mettre un terme à «l’anarchie» qui a régné durant des années dans cette ville. L’urgence de réaliser cette délocalisation fait qu’aujourd’hui personne n’a même plus le temps de se demander «comment en est-on arrivé là ?». Car et en plus du «risque humain que court la population», c’est une situation qui «bloque même le développement du secteur des hydrocarbures», dira on ne peut plus clair le ministre des Finances. Signalons que dans le cadre d’un programme de coopération pour les 5 prochaines années entre le FADES et l’Algérie, le fonds devra accorder des crédits au gouvernement pour la réalisation de la délocalisation de la ville de Hassi Messaoud.

Mais crédits ou pas, il n’y a aucun doute pour le ministre des Finances que ce n’est pas son département qui bloquera un quelconque besoin de financement des dix projets prioritaires du chef de l’Etat. En plus des 50 milliards de dollars du plan de consolidation de la croissance, l’on continuera à recourir à des crédits extérieurs à chaque fois que leurs coûts et conditions sont intéressants.

Ghania Amriout