Le gouvernement veut neutraliser le pouvoir du Parlement

Avant-projet de loi de finances complémentaire pour 2005

Le gouvernement veut neutraliser le pouvoir du Parlement

par Youcef Brahimi, Le Jeune Indépendant, 14 juillet 2005

Le conseil de gouvernement a adopté hier l’avant-projet de loi de finances complémentaire pour 2005 en décidant une hausse de 40 % des crédits d’équipement, passant initialement dans la loi de finances de 2005 (LDF 2005) de 750 à 1 057 milliards de dinars.

Sur le même chapitre, le conseil de gouvernement a maintenu les dépenses de fonctionnement au montant arrêté par la LDF 2005, à savoir 1 200 milliards de dinars. C’est là une confirmation du refus, déjà exprimé par des membres du gouvernement, de toute hausse des salaires des fonctionnaires pour cette année.

Par ailleurs, le conseil de gouvernement a introduit, hier, dans l’avant-projet de loi de finances complémentaire de 2005, et pour la première fois depuis la fin du parti unique en 1989, la notion d’autorisation de programmes de réalisation pour 5 ans (2005 à 2010), libérables immédiatement.

En plus clair, la loi de finances complémentaire donne le feu vert au gouvernement de dépenser ce qu’il jugera utile durant 5 ans alors que le délai est habituellement d’un an. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, le budget de l’Etat est fixé à partir des recettes prévisionnelles de nos exportations en hydrocarbures sur la base d’un baril à 19 dollars.

Les demandes d’autorisations de programmes sont alors étudiées souverainement par le Parlement, conformément à la Constitution et au principe du contrôle du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif. Lorsque le baril dépasse les 19 dollars, le surplus alimente directement le fonds de régulation dont les dépenses ne nécessitent pas l’accord du Parlement.

La session d’automne ne s’ouvrant qu’au début du mois de septembre prochain, et si l’on donne du crédit aux différents articles de presse qui prêtent au président de la République l’intention de légiférer par ordonnances, tout porte à croire que la loi de finances complémentaire de 2005 passera en force pour être approuvée par les députés de l’alliance présidentielle.

Si tel serait le cas, le gouvernement aura réussi la prouesse de neutraliser, à deux ans de la fin de l’actuelle législature, un pan entier du pouvoir de l’Assemblée nationale, bousculant de ce fait, et sérieusement, les fondements de la République.

Si la majorité des députés se comporte comme d’habitude en adoptant l’ordonnance, on voit mal qui pourrait dorénavant contrôler le gouvernement même sur ses dépenses imputées de la tranche des recettes prévisionnelles à 19 dollars le baril.

Le Parlement serait-il une simple chambre d’enregistrement ? Difficile de se laisser convaincre du contraire avec l’historique des ordonnances adoptées et l’absence de contrôle par le Parlement des dépenses du gouvernement autorisées dans le cadre des lois de finances annuelles.

Sur un autre chapitre, le communiqué de presse du conseil de gouvernement nous apprend que l’avant-projet de loi de finances complémentaire revient à la charge avec des dispositions qui avaient été rejetées par l’actuelle Assemblée lors du vote de la loi de finances de 2005.

Le jour du vote sur la loi, les députés avaient adopté l’amendement présenté par un député du MSP maintenant l’interdiction de l’importation des vins. Hier le conseil de gouvernement, y compris les ministres du MSP, a adopté la suppression de l’interdiction.

L’imposition de la TVA, à 7 %, sur les médicaments a également été rejetée. Le communiqué du conseil de gouvernement d’hier note que la loi de finances complémentaire de 2005 introduit de nouvelles dispositions destinées à réprimer le trafic sur le remboursement des médicaments qui menace la survie de la caisse de sécurité sociale… Qu’elle soit transformée sous forme d’ordonnance ou qu’elle soit maintenue en tant qu’avant-projet de loi, la loi de finances complémentaire passera devant les députés au début du mois d’octobre, en plein ramadan.

Y. B.