Les rumeurs, Larbi Belkheir et les élections

PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE

Les rumeurs, Larbi Belkheir et les élections

Le Quotidien d’Oran, 8 octobre 2003

Qui veut faire partir Larbi Belkheir de son poste de directeur de cabinet à la Présidence de la République ? Une question qui, si elle ne peut avoir de réponse immédiate, peut être justifiée par plusieurs raisons.

Depuis quelques jours, certains milieux entretiennent l’idée d’un départ imminent de Larbi Belkheir de la Présidence de la République. Annoncée par des supports médiatiques, l’information est désormais objet de discussions au niveau des chancelleries, notamment occidentales. Certaines d’entre elles n’ont d’ailleurs pas hésité à prendre contact avec «des personnes généralement bien informées» pour en savoir un peu plus sur ce départ.

Samedi dernier, l’information a pris l’allure d’une traînée de poudre. «Belkheir vient de claquer la porte !», avait-t-on lancé avec conviction. Vraie-fausse rumeur ? Ballon-sonde ? Ou alors simple canular ? L’on est amené, en tout cas, à s’interroger sur l’identité de ceux qui veulent faire partir le directeur de cabinet de la Présidence de la République et sur leurs raisons.

Ce même samedi, le chef de l’Etat présidait un Conseil des ministres auquel Belkheir assistait. Comme pour tous les précédents conseils. Le même jour, des échos de cette réunion font état «de l’attitude très sereine du Président et de son directeur de cabinet». Il est souligné «qu’il n’a même pas été fait référence à ce qui enflamme la scène partisane». «Il ne le fera jamais dans un contexte comme celui-là», affirment les proches de Belkheir à propos de son éventuel retrait. Pour nos sources, son départ, s’il arrive à se faire tout de suite, «sera interprété autrement et accréditera l’idée que les adversaires du président ont raison». L’allusion est, sans nul doute, faite au courant Benflis.

Ceux qui l’ont côtoyé et continuent de le faire le présentent comme étant «un véritable homme d’Etat». Et pour eux, «s’il a un point fort, c’est bien sa patience !». Claquer la porte «sans préavis» est à leurs yeux «un pas que Belkheir ne franchira jamais». Ils restent convaincus que «malgré toutes les pressions qui peuvent être exercées sur lui, Si Larbi ne prend jamais de décision à la hussarde». Ce qui ne les empêche pas de reconnaître que «l’idée du départ trottait depuis longtemps dans sa tête… » La cause ? «Enorme incompatibilité d’humeur entre lui et le frère du Président, Saïd». Il paraît qu’il a eu à s’en plaindre à Bouteflika, «mais les choses sont toujours revenues à leur point de départ».

L’on se demande dans ce cas si véritablement «le cardinal de Frenda» – pour reprendre un chroniqueur – a appris à fermer les yeux sur ce qui pourrait lui faire perdre sa place de stratège en chambre qui, selon des milieux décisionnels, «fait et défait les pouvoirs». Et parraine aussi les présidents ! Du moins celui qui est actuellement en poste.

A ce propos, «Si Larbi» aurait avoué qu’il ne peut trahir ce qu’il a soutenu d’une manière indéfectible. Qu’est-ce qu’il pense à propos de ce qui se passe au sein du FLN ? Il aurait affirmé être «très peiné par le comportement de celui qui lui était quand même assez proche». Ali Benflis n’a donc pas laissé bonne impression chez Belkheir. «De toute manière, ce n’est pas la première fois que le FLN est secoué par des dissensions de ce genre et les comportements de ses responsables, depuis des lustres, ont toujours été marqués de coups bas et de manoeuvres indécentes». L’on reconnaît que «ceux qui se font appeler les redresseurs ont, jusque-là, accumulé des erreurs. C’est dommage, le Président en est d’ailleurs la seule victime, mais un parti ne peut évoluer sans tiraillements».

Qui veut le départ du directeur de cabinet de la Présidence de la République ? Toutes les supputations sont bonnes. L’on pourrait penser, comme le veulent certains milieux, que «c’est une condition de l’armée pour accepter un deuxième mandat pour Bouteflika». Il est aussi permis de croire que «c’est le Président lui-même qui sacrifie son allié direct pour garder son frère à côté de lui, sous prétexte que Belkheir joue double jeu».

L’on pourrait, par ailleurs, penser que ce sont certains décideurs qui suggèrent à Belkheir de partir. L’objectif ? Lâcher Bouteflika en pleine tornade. Présenté comme étant l’interface entre le chef de l’Etat et l’institution militaire, du moins des plus influents d’entre ses responsables, Larbi Belkheir est cet indice qui, «s’il bouge», doit avoir l’interprétation qu’il faut. Un départ précipité de sa part pourrait signifier «qu’il ne soutient plus personne.

L’entourage de Belkheir en est pourtant à évoquer déjà «des stratégies pour mener campagne au profit de Bouteflika». L’on avance que Belkheir devrait prendre «son bâton de pèlerin pour convaincre de la cause les lobbies les plus importants, nationaux et étrangers».

Il est même dit que «le départ de Si Larbi de la présidence pourrait intervenir après le Ramadhan, pour qu’il soit libre de toute attache institutionnelle et pouvoir mener campagne calmement».

L’on croit savoir cependant que ces stratégies en question sont retouchées au jour le jour. «Nous pensons qu’il ne quittera pas la présidence, les choses évoluent rapidement et le Président a besoin de lui». A ceux qui ont approché le directeur de cabinet et voulaient comprendre ce qui se passe, il leur a répondu: «Je sais que certains milieux veulent me pousser à partir». En attendant que la décantation se fasse, «j’observe», a-t-il dit à ceux de ses proches qui voulaient connaître son avis sur la suite à donner aux évènements.

Ghania Oukazi