Réconciliation et Amnistie: La zaouïa de Sidi Ali Ouyahia s’implique

RÉCONCILIATION NATIONALE ET AMNISTIE GÉNÉRALE

La zaouïa de Sidi Ali Ouyahia s’implique

L’Expression, 05 mars 2005

C’est sous escorte de l’armée, de la gendarmerie et de la sûreté nationale que la procession officielle a entamé son périple vers le lieu de culte.

En commémoration de la journée nationale du Chahid, le ministre du Tourisme Mohamed Seghir Kara, accompagnant une forte délégation de l’Organisation nationale des enfants de chouhada et de trois vice-présidents de l’APN, des émissaires de Amar Saidani, ainsi que Hocine Ouadah, wali de Tizi Ouzou, a été l’hôte de la séculaire zaouïa de Sidi Ali Ouyahia, située à Boghni, au piémont du Djurdjura, dans la wilaya de Tizi Ouzou. La citadelle religieuse, haut perchée sur une cime surplombant l’Arch Ath Kouffi, est présente aux côtés de la population depuis trois siècles.
Ce n’est pas un hasard si, ce jeudi, elle a abrité les festivités liées à la journée du chahid. D’ailleurs, c’est la première zaouïa à s’impliquer dans la campagne de réconciliation nationale. Le village de Ath Kouffi est considéré comme le bastion de la résistance kabyle lors de la guerre de Libération. En effet, en 1956, suite à une résistance farouche des combattants de la région, trois-quarts de la population ont été évacués et déportés vers d’autres régions pour décréter Béni Kouffi «zone interdite». Le restant de la population a été utilisé comme bouclier humain. Village martyr, ce dernier a payé un lourd tribut. Plus de 480 chouhada. Des familles entières ont été décimées par le colonialisme français. En dépit de ce massacre collectif, le village n’a pas abdiqué, soutenu par la zaouïa que les autorités officielles visitent pour la première fois depuis l’indépendance. C’est un événement de grande portée politique pour cette localité qui vit dans une zone enclavée et éprouvée par les assauts des terroristes. Vivant dans le dénuement, le village de Béni Kouffi est situé sur un relief accidenté ne disposant pas de potentialités agricoles. En outre, au grand dam de ses habitants, il a été exclu des plans de développement local.
A l’exemple des communes pauvres, cette dernière a été touchée par l’exode rural, vu la déshérence et le peu de moyens mis à la disposition des villageois, notamment des jeunes. Le seul créneau qui semble à même de sortir la région de sa léthargie reste, incontestablement, le tourisme, mais c’est une autre paire de manches car les investisseurs ne se bousculent pas au portillon alors que le site est magnifique et peut très bien constituer un pôle d’attraction par excellence et une destination privilégiée. Il faut dire que la région est bien sécurisée.
L’armée nationale veille au grain. D’ailleurs c’est sous escorte de l’armée, deux chars, deux camions blindés en plus des véhicules de la gendarmerie et la sûreté nationale que la procession officielle a entamé son périple vers ce lieu de culte et de savoir. C’est dire l’importance que revêt la destination qui fait office d’un rempart au terrorisme qui sévit encore dans ces maquis luxuriants.
La visite «sous le patronage de Bouteflika», selon les organisateurs, est d’ailleurs perçue comme un défi aux groupes terroristes qui sévissent dans ces montagnes et qui sont en perte de vitesse après le camouflet que leur a infligé leur chef et son adhésion à la réconciliation nationale et à l’amnistie générale. La zaouïa de Sidi Ali Ouyahia, en acceptant de servir de locomotive au projet du président de la République a, de la sorte, fait le premier pas qu’emboîteront certainement les autres zaouïa du pays. Ce travail de proximité, doit-on le dire, est effectué par le parti du FLN qui a commencé juste après la tenue de son congrès avec l’aide des organisations affiliées au parti. La virée a débuté par le dépôt d’une gerbe de fleurs au cimetière des chouhada de Béni Kouffi. Le ministre a, par la suite, rendu visite à Ighzer N’chbel, un lieu de torture durant la guerre de Libération. Un discours a été prononcé à cette occasion à la salle de conférence de la zaouïa par Tayeb El Houari, le SG de l’Onec, dans lequel il a rendu hommage, devant une foule venue nombreuse «à la région, à ses martyrs et à ses douze colonels à l’exemple de la personnalité historique de Amirouche et sa résistance pendant la révolution algérienne et durant la décennie rouge». En prêchant la réconciliation nationale et, à chaque fois que le nom du président de la République fut prononcé, l’assistance dispensait des applaudissements. Quant aux vieilles moudjahidate présentes dans la salle, elles lançaient des youyous à en perdre haleine.

De notre enoyée spéciale à Boghni Nadira BEL