En Algérie, l’opposition conteste le taux de participation record au référendum
LEMONDE.FR | 30.09.05 | 16h54 • Mis à jour le 30.09.05 | 16h56
L’adoption à plus de 97 % du projet de charte pour « la paix et la réconciliation nationale » traduit « la confiance » des Algériens envers le président Abdelaziz Bouteflika, a estimé le ministre de l’intérieur, Yazid Zerhouni. Mais le taux annoncé de presque 80 % de participation est fortement mis en doute par l’opposition.
Ce référendum sur la concorde civile « a fini comme il a commencé, dans la bouffonnerie », a estimé vendredi Saïd Sad, le secrétaire général du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), l’opposition laïque. « Selon nos estimations, le taux de participation a été multiplié par quatre », a précisé M. Sadi, ajoutant que « depuis 1962 [ndlr : date de l’indépendance], l’Algérie est dans une perpétuelle fraude. Maintenant, elle est privée de sa mémoire, après avoir été privée de ses biens ».
M. Sadi a indiqué qu’en Kabylie, qui s’est abstenue à près de 90 %, « des lycées ont été remplis de personnes amenées d’ailleurs par des militaires » pour participer au vote. « Ce n’est que lorsqu’il y a eu un début d’émeute que ces personnes ont été retirées », a-t-il précisé se demandant si « une fraude de plus (…) va régler les problèmes » de l’Algérie.
« PLUS DE 71 % À ALGER, C’EST INHABITUEL »
Ce taux de 80 % « dépasse l’imaginaire », a estimé vendredi Bélaïd Abrika, le leader charismatique des aârchs, les tribus kabyles. « Ce résultat était attendu, ce n’est pas une surprise pour nous, mais ce qui m’étonne le plus c’est le taux d’Alger, plus de 71 %, c’est inhabituel pour la capitale », a-t-il ajouté.
Evoquant l’abstention à près de 90 % de la Kabylie, région en fronde avec le pouvoir central, M. Abrika a estimé que « c’est une réponse cinglante au discours de Bouteflika à Constantine ». Lors d’un meeting, le 22 septembre, le président Abdelaziz Bouteflika avait en effet affirmé que « la seule langue officielle [de l’Algérie] est l’arabe ». M. Abrika a affirmé que « s’il n’y avait pas eu la provocation de ce discours, les Kabyles auraient été plus nombreux à se déplacer aux urnes ». « La Kabylie n’a jamais été contre la paix », a-t-il fait valoir.
« GROS MENSONGE »
Ali Laskri, le premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), parti d’opposition, déclare quant à lui que « ce taux est un gros mensonge. Il ne reflète pas du tout la réalité du terrain et le comportement traditionnel des électeurs algériens. Le pouvoir a une nouvelle fois fraudé ». M. Laskri a ajouté que ce scrutin n’était en réalité qu’un « référendum plébiscite » car « le pouvoir a tout fermé durant la campagne référendaire », interdisant « tout débat contradictoire » sur la réconciliation nationale. « Tous ceux qui ont prôné le boycott du scrutin ou le rejet du projet présidentiel n’ont pas pu exprimer leur point de vue sur la réconciliation nationale », proposée par le président Abdelaziz Bouteflika, a-t-il dit. « L’objectif de ce projet est d’absoudre tous les crimes », ajoutant que « c’est une réconconciliation entre les responsables de la crise » qui ne veulent pas « de vérité et de justice », avant un éventuel pardon.
Avec AFP